C’est sur le terrain d’Épernay-Plivot (LFSW) que je vous amène aujourd’hui pour vous parler d’un avion mythique mis au point par la North American. Cet appareil conçu avant la Seconde Guerre Mondiale volait encore jusque dans les années soixante-dix. De nos jours, on peut encore apercevoir sa silhouette si particulière sur de nombreux meetings nationaux et internationaux. Avion-école moderne pour l’époque et largement utilisé aux États-Unis durant les premières années de la guerre, le North American AT-6 (NA-59) dont 15.495 exemplaires toutes versions confondues furent fabriqués entre les années 1938 et 1945, sera mon sujet du jour.
C’est en avril 1935 que ce biplace monoplan d’entrainement à train fixe effectuera son 1er vol, propulsé par un moteur Wright R-760 de 225 ch, il recevra la dénomination de NA-16. Avec les années et les leçons tirées des premiers pas, il a très logiquement évolué et les différentes modifications apportées depuis sa conception, lui ont permis de passer, entre autres, d’un train fixe à un train escamotable. Les versions de l’appareil ont également évolué compte tenu des besoins de ses clients. Nos amis anglais ayant par exemple passé commande de plusieurs dizaines d’unités, l’avion reçut alors la dénomination Harvard Mk 1 équipé d’une dérive arrondie et d’un moteur Pratt & Whitney R-1340-53 de 550 ch.
La France passa quant à elle un contrat pour 460 unités en 1939. À la signature de l’armistice en juin 1940, 390 appareils avaient effectivement été livrés. Le solde du contrat fut repris par nos amis anglais.
Rappelons que durant la guerre d’Algérie, la France avait engagé des T-6D pour mater la guérilla enclenchée par le F.L.N. fin 1954. L’avion s’avéra être peu efficace, équipé de sa seule mitrailleuse de 7,62 mm. L’état-major fera alors le choix du T-6G déclassé aux États-Unis et acheté au prix de 2.000 dollars pièce pour permettre un meilleur compromis dans les missions d’appui, reconnaissance, observation et attaque au sol. Compte tenu de son autonomie de 5 heures, et sa capacité d’armement, le T-6G fut reconnu comme un des meilleurs avions du moment dans son rôle anti-guérilla.
Revenons à présent sur le terrain d’Épernay-Plivot où j’ai décidé de vous emmener. Les portes du hangar qui abrite notre sujet du jour sont ouvertes, et notre North American AT-6D Texan immatriculé F-AZRD est sorti. L’appareil est habituellement basé sur l’aérodrome de Lens-Bénifontaine (LFQL).
L’AT-6D Texan USAF TA-620 immatriculé F-AZRD
Le soleil pointe maintenant son nez à l’horizon, la brume se dissipe sur la plate-forme. Ses timides rayons de début février viennent éclairer le fuselage gris aluminium du pépère. Il a coutume de venir en Champagne réchauffer ses ailes dès l’arrivée des beaux jours. Il y retrouve d’ailleurs un autre frère d’armes basé lui, de manière permanente sur le terrain de Plivot. Le “local” du coin est un autre T-6D TA-943 immatriculé F-AZSC.
Le pilote de l’AT-6D TA-620 n’est autre que Matt, une vieille connaissance que vous avez dû croiser sur un de mes précédents articles sur la voltige aérienne. Cet ancien de l’Armée de l’Air a fait une première partie de sa carrière sur la base aérienne 709 de Cognac, puis une seconde au sein de la compagnie Air France. Nous nous rapprochons un peu plus de la bête au doux nom de “Roméo Delta”. Après en avoir fait rapidement le tour, Matt prends le temps de me donner quelques précisions sur sa motorisation, un Pratt & Whitney en étoile R-1340 AN1 WASP de 550ch.
Un petite remontée dans le temps nous permet d’apprendre que l’appareil au serial 42-44467 était à l’origine, la propriété de l’USAAF (United States Army Air Force), puis celle de la Force Aérienne Belge. À compter d’octobre 1959, il devient la propriété d’Air France, puis de la Société Générale d’Exploitation Aéro (immatriculation : F-BJBM). En février 1998, il arrive chez Champagne Ardennes Aérobatics pour une restauration qui lui permettra de voler à nouveau en 2001. Il passera ensuite chez Aero Stars de 2003 à 2011 et enfin, propriété de l’association Les Ch’tis Avionneux basée à Vendin-le-Vieil. Après une longue restauration qui a nécessité plusieurs années, il recevra pour l’occasion une nouvelle décoration. C’est donc sous l’identification USAF TA-620/59620 qu’arborant fièrement une célèbre pin-up sur son flanc, nous le retrouvons aujourd’hui.
Le T-6 star de cinéma
Les Warbirds se faisant rares dans les années 70, le monde du cinéma et Hollywood en particulier choisissent le T-6 pour leurs super-productions et séries télé. Sans pouvoir les nommer toutes, nous retiendrons une des plus célèbres adaptations cinématographiques réalisée en 1968, dans laquelle il évoluera transformé en Zéro : Tora! Tora ! Tora! Dans un autre registre moins célèbre, nous le retrouverons en combat tournoyant contre un Bf 109 dans : Mais où est passée la 7ème compagnie. Un bel exemplaire de T-6 maquillé en Zéro est visible aujourd’hui au musée volant de l’AJBS à la Ferté-Alais.
Aucun avion n’aura tant marqué l’histoire du cinéma que le vaillant T-6.
Vol en patrouille
Ce matin, les conditions météo sont idéales pour un petit vol en patrouille dans le secteur, l’occasion est trop belle. Matt et son coéquipier Cédric (pilote du second T-6D) s’affairent maintenant autour des deux appareils, ils effectuent la visite pré-vol de rigueur, avant de prendre l’air. Une fois le tour des deux avions et les brassages moteurs effectués, Matt me propose de les accompagner à bord de Roméo Delta. Grimper sur un T-6 n’est pas à première vue une tâche facile quand on n’en a pas l’habitude, j’arrive néanmoins à me hisser et m’installer en place arrière. Parachute et harnais serrés, casque radio sur les oreilles, je peux entendre Matt égrainer sa check-list, puis il lance la procédure de démarrage moteur…
- Ouverture de l’essence et mélange sur “riche”,
- Hélice sur grand-pas et 2 cm de gaz,
- Injections pour établir la pression d’essence,
- Contact batterie sur ON,
- Lancement du démarreur et magnétos sur ON.
Les pâles commencent à tourner, Matt passe maintenant l’hélice sur petit-pas et on attend la montée en température. Les instruments sont réglés, les volets puis le sélecteur de carburateur positionné sur froid. Une fois les températures atteintes, Matt demande l’autorisation de roulage et c’est parti pour le point fixe avant de pénétrer sur la piste. Une fois celui-ci effectué, le ralenti est ramené sur 1.000 tours, les commandes de vol sont vérifiées, l’avion peut s’aligner sur la piste. Le décollage s’effectuera en patrouille, Sierra Charlie est aligné sur notre gauche. Le manche à fond en avant, verrouillage de la roulette de queue, top départ et mise des gaz… L’avion accélère, sa prise de vitesse est rapide, la queue se lève, puis les roues du train, petite mise en palier et le train rentre, puis les volets et c’est la montée en patrouille.
Pour le plaisir des yeux et surtout des oreilles je garde la verrière ouverte et elle le restera durant tout le vol, ce qui me coûtera un bon gros rhume. Nous survolons la région Champenoise direction Reims-Prunay (LFQA) et je fais mes premières photos. À l’intérieur, le confort est plutôt spartiate, le siège-baquet en tôle n’est pas bien confortable, et mon parachute fait volontiers office de coussin.
Le vol en patrouille se poursuit vers notre destination finale que nous atteignons après 15 minutes. Matt prépare sa machine et après nous être écartés de notre co-équipier, nous nous posons 3 points. Du fait de sa conception, train classique et roulette de queue, la visibilité du pilote est très limitée vers l’avant, nous sommes obligés de rouler en zigzag pour atteindre notre hangar et éviter de heurter un obstacle. L’expérience du pilote est importante dans le cheminement de l’appareil sur le taxiway. Une fois arrivés, les magnétos, le contact général et l’essence sont coupés, la descente sur le plancher des vaches est tout aussi compliquée que la montée.
Nous attendrons le posé de Cédric quelques minutes plus tard, pour aller faire le débriefing et les commentaires sur notre vol d’aujourd’hui.
Un grand merci à Matt et son coéquipier Cédric pour ce vol que j’ai eu envie de partager avec vous aujourd’hui.
Article co-écrit avec Jacques Oziel
Bonne lecture.