Depuis la nuit des temps, les hommes ont un rêve, s’élever dans le ciel … Accéder à ce rêve est de nos jours donné à presque tout le monde, tant l’aviation s’est démocratisée. On prend l’avion comme on prend un taxi… Est-ce par curiosité que l’homme veut voir les choses d’en haut ? Est-ce par envie de domination ? De là haut je domine le monde… Est-ce pour vaincre sa propre peur de ce qui n’est pas un acte “naturel” pour l’homme ? Ou est-ce simplement par goût d’évasion, par envie d’imiter l’oiseau qui se déplace gracieusement dans le ciel ? Quelles que soient les raisons et la manière dont chacun de nous accomplit son rêve, je l’ai quant à moi, réalisé d’une manière assez inattendue, je l’avoue, et les quelques lignes qui suivent vous permettront de le découvrir.
Nous sommes le 2e weekend de septembre et je piaffe d’impatience à l’idée d’aller assister au meeting aérien “Lens Airshow”, cet événement tant attendu qui a lieu tous les 2 ans sur l’aérodrome de Lens-Bénifontaine. Grand amateur d’avions et de photographie, voilà quelques jours que j’ai préparé mon sac, mon boîtier et mes objectifs. Les batteries sont chargées, les cartes mémoires prêtes a enregistrer les images de toutes les machines qui se sont données rendez-vous sur ce petit aérodrome du Pas-de-Calais, situé sur la commune de Bénifontaine, à 3 km de la ville de Lens.
Cette fête aérienne est très appréciée dans la région de par la diversité des aéronefs présents, mais aussi sa gratuité. Un des seuls, voire l’unique meeting aérien gratuit en France. Bien que je ne sois pas du cru, y participer est pour moi l’occasion d’y rencontrer des ami(e)s, tout comme moi fans d’aviation et que j’ai toujours plaisir à revoir.
Tôt ce samedi matin, je me prépare donc à prendre la route. J’avale mon café en 4e vitesse, je charge les affaires dans la voiture et juste avant de démarrer… Je me rends compte que j’ai oublié la casquette qui m’accompagne sur tous les meetings. Elle fait partie intégrante de l’équipement indispensable du spotter, avec …. le vêtement de pluie… On ne sait jamais, la météo dans le Nord de l’hexagone est parfois capricieuse.
Je reviens donc sur mes pas, j’attrape ma casquette au vol, mais la sonnerie du téléphone stoppe tout net ma course. Soit je décroche et prends le risque de décaler mon départ, soit je fais mine de ne pas avoir entendu et je prends la route comme prévu. Pourtant, quelque chose me dit de répondre, c’est peut-être un pote qui aimerait m’accompagner et qui se serait décidé en dernière minute, qui sait ?
Je décroche … à l’autre bout du fil, une voix que je connais, pour l’entendre presque chaque weekend sur l’aérodrome de Reims-Prunay. C’est Aymeric de Valance…
– Allo Nico ? Bonjour, tu n’es pas sur la route ?
– Non pas encore, je suis sur le point de partir…
– Tant mieux, j’ai une surprise pour toi… Ça te dirait de faire partie de l’équipage de la patrouille pour le meeting de Lens ?
Dans ces moments là, on ne sait pas trop s’il s’agit d’une blague ou si on est encore dans son lit en train de finir le rêve de cette nuit…
– Aymeric c’est toi ? Tu me proposes de faire le vol de démo avec vous à bord d’un des Jets ?
– Oui Nico c’est bien ça… Nous en avons parlé avec le reste de l’équipe et nous avons décidé de te faire une surprise pour te remercier pour le très bel article que tu as réalisé sur la Patrouille cet été… (rire).
Tout en écoutant cette dernière phrase, je me rends compte que je viens de m’asseoir, que tout se bouscule dans ma tête et que le programme que j’avais prévu pour cette journée, risque d’être méchamment chamboulé… C’est la voix d’Aymeric qui me ramène à la réalité.
– Tu sais que la Team Sparflex est invitée à Lens ce weekend… Et bien tu vas avoir le plaisir de faire le vol de convoyage entre Reims-Prunay et l’aéroport de Lille-Lesquin qui sera la base arrière des 3 Albatros L-39 de la Patrouille. Durant ce vol nous ferons une “reco d’axe” et quelques figures de voltige… T’es prêt ? Alors on t’attend au hangar, dépêche toi on a des choses à voir ensemble avant le vol et un créneau à respecter.
Je raccroche, et je ne sais vraiment pas par où commencer. Bon allez tant pis, tout est déjà dans la voiture, j’ai affaire à des pros, ils devraient avoir tout prévu à l’heure qu’il est… Et c’est parti !!! À moi l’aventure, et dans les heures qui viennent, la réalisation d’un de mes plus grands rêves, voler dans un Jet et, qui plus est, en patrouille.
Avec le recul, j’avoue maintenant que je n’ai rien vu des quelques kilomètres qui séparent la maison du terrain de Reims-Prunay. Dans ma tête défilent déjà les images de mon prochain vol, arrivé aux pieds de l’avion, combinaison de vol enfilée, casque enfoncé sur le crâne, j’attrape d’une main l’échelle pour monter à bord et petit à petit je gravis les marches qui me mènent au cockpit. Le cockpit, cet espace si redouté par le novice que je suis, mais tant espéré.
J’arrive à présent devant le hangar de la patrouille. Les 3 appareils sont là, rutilants, magnifiques dans leur livrée bleue frappée du nom de la Team Sparflex. Ces Jets, je les vois chaque weekend et je les connais bien, pour les avoir photographiés sous tous les angles, mais aujourd’hui , ils sont différents, je vais les toucher, les chevaucher, et fondre dans les airs avec eux. Steph et Thib sortent maintenant les appareils du hangar et vont les parquer sur le parking avion de la plate-forme.
A l’intérieur du hangar, on enfile les combinaisons de vol bleue marine, puis dans un silence presque religieux, je prête une oreille attentive au briefing de Renan, coordinateur des vols, et pilote du 3e L-39C. Dire à cet instant que je suis rassuré serait mentir, est-ce que j’ai tout enregistré ? Est-ce que je saurai quoi faire ou ne pas faire le moment venu ? Et comme dans mon rêve, je me dis que ces hommes là sont des pros, préparés à toutes les éventualités. Je m’en remets donc à eux, ils savent ce qu’ils font. Renan m’installe à présent à bord de l’appareil et toujours de manière très professionnelle, il détaille les procédures de sécurité à adopter en cas de problème. Avec un certain humour, il prend également la peine de m’indiquer où se trouve le sac à vomito… Si nécessaire.
Aymeric, Mr Soutiran et Renan sont maintenant aux pieds de “mon” appareil, en grande discussion sur le déroulement du vol de convoyage et la reco d’axe à faire au-dessus du terrain de Lens-Bénifontaine. Il est 15H15 quand les 3 pilotes grimpent chacun sur leur monture. Le décollage est prévu à 15h 30, nous sommes attendus à 16h 00 pour la reconnaissance d’axe. Notre vol durera 25 minutes.
Prêt au départ
Je suis donc en place arrière de l’appareil du leader, et le stress monte un peu plus… Les harnais sont attachés et réglés, les casques vissés sur la tête et enfin nous sommes connectés aux moyens de communication de l’appareil. Surtout ne rien rater des échanges entre les pilotes, à l’instant précis où les consignes seront données, il faudra en tenir compte, anticiper les réactions, garder les yeux ouverts pour ne rien perdre du spectacle.
Les ultimes vérifications effectuées, Aymeric me fait à nouveau quelques recommandations et finit en me souhaitant un bon vol, il ferme la verrière et la verrouille. A travers la bulle, j’assiste maintenant à l’installation des 2 autres pilotes dans leur appareil. À son tour Aymeric s’installe et s’attache, puis avec minutie, il égraine sa check-list. Verrière fermée et verrouillée, il met sous tension l’appareil. Le diffuseur d’air frais est mis en service, j’en ressens immédiatement ses bienfaits, car il commence sérieusement à faire chaud dans le cockpit. La radio crépite :
– Nico tu m’entends ?
– Je t’entends haut et fort Aymeric…
– OK, pour la mise en route…
Yes !!! Cette fois ça-y-est… On va y aller. L’appréhension d’il y a quelques minutes fait place à l’excitation d’avant départ. Je ne rêve plus, j’y suis…
Mon pilote, lance la turbine de notre Jet, conformément à la procédure établie par son constructeur, puis en séquence, égraine sa check-list avant départ. L’autorisation de roulage est donnée par la tour de contrôle et nous empruntons le taxiway pour accéder à la piste 25. Aussitôt les 2 autres appareils font de même. On salue les amis de la plate-forme, quelques clichés sont pris pour le souvenir, et on progresse vers le seuil de piste.
15H30, les appareils sont alignés, le top départ est donné, mise en puissance de la turbine, on prend gentiment de la vitesse et le nez du Jet se lève rapidement effaçant l’horizon. Les 25 prochaines minutes vont maintenant être gravées de manière indélébile dans ma tête, les sons et les images se bousculent, je perds un peu le fil des choses. Aymeric communique avec la tour et les 2 autres appareils se regroupent sur nous pour former une patrouille serrée. La radio transmet les fréquences à afficher et, point important, la présence d’autres aéronefs dans notre secteur. Les avions volent à présent en palier, ce qui me donne l’occasion d’admirer la campagne picarde qui se déroule sous nos ailes.
Les L-39 évoluent à seulement quelques mètres de notre appareil et les premières évolutions vont débuter. Aymeric annonce l’intention d’effectuer une barrique droite. Cette figure associe une cadence à la profondeur (comme pour une boucle) et une action au gauchissement simultanées… Le nez du Jet monte sur l’horizon, puis l’avion tourne lentement sur lui même par la droite, pour revenir sur son cap, ailes à plat. Pour être honnête, je n’ai pas vraiment eu le temps de réaliser ce qu’il se passait, on est pris dans le mouvement, et on se laisse emporter…. Le sac “vomito” est toujours en place… On poursuit notre vol en patrouille serrée.
La reconnaissance d’axe
16h00,
– Lens Display, Lens Display, ici Patrouille Sparflex pour la reco d’axe…
Top !! On passe au dessus du terrain de Lens-Bénifontaine, les fumigènes sont allumés. Là, vous vous rendez compte que sous vos ailes, près de 10.000 personnes vous suivent des yeux, c’est magique, on se sent fier. Au sol, je devine mes amis spotters, pointer leurs objectifs sur nos 3 appareils, mitrailler nos premiers passages, et nos boucles qui s’enchaînent. Au top du leader, Renan s’écarte de la patrouille avec son appareil. Aymeric et Mr Soutiran, arrivent face au public pour l’éclatement de la patrouille. Top, pour des évolutions un peu plus rapides à présent. Tonneaux, croisements et cœur effectués en cadence. Dans mon casque, les top du leader résonnent et les figures se succèdent… A l’arrière, je subi le facteur des G, et j’encaisse… Je m’assure que le sac “vomito” est à portée de main…Il est toujours là.
Et c’est déjà la fin de la reco d’axe. Rassemblement des 3 appareils et nous prenons le cap sur l’aéroport de Lille-Lesquin. Après quelques échanges avec Aymeric, qui sans le dire, s’assure que je suis encore avec lui, la patrouille est en vue de l’aéroport. L’autorisation de poser est accordée par la tour, l’arrivée sur le seuil de piste se fait au break.
Les appareils atterrissent l’un derrière l’autre et stationnent sur l’aire qui leur a été désignée par la tour. Les réacteurs sont coupés, les sécurités mises, Aymeric sort de l’appareil, vient ouvrir ma verrière et surtout mettre les sécurités sur mon siège. L’air frais sur mon visage me fait du bien, je suis en sueur et les jambes un peu en coton. C’était une magnifique expérience … Pour un baptême sans ménagement et des souvenirs plein la tête.
Vol retour
Le lendemain retour vers l’aéroport de Reims-Prunay, notre point de départ. Le vol se passera plus calmement que la veille, on a tout notre temps et on le prend. Je n’oublie pas que je suis aussi un spotter, mon boîtier est à bord et j’ai l’autorisation du pilote de faire quelques clichés “Air to Air”. Clic clac, c’est dans la boîte… Pour finir, mon pilote me gratifie de quelques boucles et barriques qui passent beaucoup mieux cette fois… Après une arrivée au break , les appareils se posent et retour sur le parking avion. Toujours les mêmes procédures de mise en sécurité avant de quitter les avions et enfin, avec regret, je quitte mon poste, non sans avoir jeté un dernier coup d’œil à ce qui a été pour moi, et pendant quelques minutes, le plus bel endroit du monde… Les amis de la plate-forme sont encore là pour nous accueillir.
Ai-je besoin de vous dire la fierté que je ressens encore d’avoir été invité à faire ces vols avec une équipe exceptionnelle de gentillesse et d’un immense professionnalisme. Mon rêve est aujourd’hui devenu une réalité…
Un grandissime merci à Aymeric, Mr Soutiran, Renan, Steff et Tibs sans qui je n’aurais vraisemblablement pas pu vivre ces moments très particuliers, merci également à Juju et Matt pour leurs précieux conseils.
Merci enfin à Jacques du Portail-Aviation qui m’a aidé a retranscrire cette expérience et les émotions ressenties au cours de ces vols.
Sachez aussi, que ce rêve est à votre portée si vous le souhaitez. la Team Sparflex organise des baptêmes en Jet tout au long de l’année. Certes il vous en coûtera quelques sous et quelques sueurs froides, mais ces images et sensations resteront à jamais gravées dans votre esprit.
Bon vol à vous.
2 Comments
Bruno
Un petit mot (ou une citation du) sur le veritable auteur, peut-être?
Jacques OZIEL
Bonjour,
Merci de votre commentaire. L’auteur du vol est Monsieur Nicolas Lejeune, récent collaborateur du Portail-aviation. L’article est quant à lui co-écrit avec Jacques Oziel, dont le profil apparait en toute fin d’article “About the Author”.
Cordialement
Jacques Oziel