Old Warden, ce petit village situé dans le comté du Central Bedfordshire, en Grande Bretagne, est chaque année, le théatre d’un spectacle très particulier. Pourquoi particulier me direz-vous ? Tout simplement parce que l’ambiance qui y règne n’a rien de comparable avec celle d’autres meetings aériens. Imaginez-vous vêtu en costume d’époque, assis sur l’herbe, prêt à savourer une petit pique-nique très “british”, et à assister à un spectacle qui va se dérouler en fin d’après-midi, et jusqu’à la tombée de la nuit…
Le terrain d’Old Warden se trouve dans un petit coin de campagne très bucolique et calme, avec son musée, une large piste en herbe, un restaurant dont on recommande le fish and chips, sa boutique, mais surtout une collection riche en machines volantes, témoins de la période 1900-1940, Duxford complétant cette collection par des pièces postérieures à 1940.
Jean-Baptiste Blumenfeld, spotters au sein d’une Association amie “Les DCA”, et passionné d’aviation s’y est rendu cet été, et nous a rapporté le récit de sa journée passée à Old Warden et quelques unes de ses réalisations.
Le Musée volant de la Fondation Shuttleworth Collection basé à Old Warden, pour ceux qui ne le connaissent pas, est l’équivalent en Angleterre du Musée volant Salis à la Ferté Alais. Il est situé à environ 40 kms à l’ouest de Cambridge et à la même distance, au nord, d’un autre site de référence dans le monde de l’aéronautique : le mythique terrain de Duxford
La Fondation est l’un des rares musées aéronautiques à conserver ses machines en état de vol. Elle a été créée par Dorothy Shuttleworth en 1944, en mémoire de son fils Richard Ormonde Shuttleworth, tué lors d’un crash à bord d’un Fairy Battle en 1940, au cours d’un exercice d’entraînement.
Richard Ormonde Shuttleworth, est à l’origine de cette collection. Né en 1909, il fut fasciné dès son enfance par la technique et les pièces mécaniques à tel point point qu’il entreprit d’en faire une collection. Ses premières acquisitions furent un Blériot XI et un Deperdussin Monocoque qu’il utilisa pour réaliser quelques présentations aériennes. Il fut l’un des précurseurs de la sauvegarde du patrimoine aéronautique, avec la volonté de faire partager au public de l’époque, les aspects techniques des aéronefs du début de l’aviation.
À sa mort en 1944, sa mère entreprit de perpétuer son œuvre, et fit don de l’ensemble de la collection à la Fondation. La grande majorité des avions est conservée sous hangars, entretenus, et leur parfait état de fonctionnement, assuré. Les visiteurs du musée circulent respectueusement presque religieusement autour du matériel et des avions exposés, les citoyens de Sa Majesté ayant un profond respect pour ces hommes et leurs machines qui ont écrit une page de l’histoire du Royaume Uni. La collection est sortie sur le terrain lors des journées de Fly-in qui s’étalent chaque année, de mai à octobre.
Parmi ces journées, s’est tenue le 14 juillet 2018 la Classic Evening Airshow. Toutes les conditions météorologiques se prêtent à ce Sunset. Un beau ciel d’été et une petite brise propice aux avions légers du début de l’ère de l’aviation. Il y a un charme et une atmosphère particuliers à Old Warden. Le registre est différent de celui des grands meetings aériens, absence d’un fond sonore d’ambiance, seuls le ronronnement caractéristique des moteurs et les commentaires qui les accompagnent sont perceptibles. À Old Warden, il n’est pas habituel de rencontrer une importante affluence, le public y vient en famille pour un pique-nique «so british» le tout dans un cadre très bucolique. Ce même public qui, par ses applaudissements et son enthousiasme, montre clairement son attachement au patrimoine aéronautique national.
C’est sous une lumière dorée d’un soir d’été donc, dos au public, comme des projecteurs éclairant une scène, que le spectacle débute précisément à 18h. Certains se contentent d’admirer le spectacle dans cette lumière très particulière, d’autres immortalisent ces instants, à l’image des quelques spotters présents en bord de piste.
Vont alors se succéder plusieurs tableaux aériens. La période de la Grande Guerre est marquée par la présence d’un Bristol F.2b Fighter et d’un Avro 504K.
Le 1er Bristol F.2b Fighter a été construit en 1918, et n’a jamais été utilisé lors de missions en opération, par temps de guerre. Il a cependant servi avec le No 208 Squadron de la RAF basé en Turquie en 1923. Il est arrivé à la Bristol Airplane Company pour y être restauré, il a ensuite volé à nouveau en 1952 après avoir été confié aux soins de la collection Shuttleworth. Le Bristol Fighter est le seul exemplaire original en Europe.
Ensuite arrive un tableau qui rappelle les années 20, avec les 2 De Havilland DH60X Moth (bleu, blanc) , et un Southern Marlet (rouge). N’oublions pas que les couleurs de l’Union Jack sont les mêmes que notre drapeau national, nous sommes le 14 juillet, dans le ciel anglais, la veille d’une finale de Coupe de Monde de football… prémonitoire !!!!
Les années 30 qui virent l’émergence de nombreuses courses de vitesse, dont l’une des plus célèbres fut la Schneider Trophy, est également au programme. La collection possède des avions mythiques à l’image du Percival Mew Gull immatriculé G-AEXF et le De Havilland DH 88 comet. Pour l’anecdote, le Percival Mew Gull immatriculé ZS-AHM, commandé pour la course de l’édition 1936, allant de Portsmouth à Johannesburg, vit sa course arrêtée pour des problèmes de carburant. Le De havilland DH88 Comet de la Shuttleworth collection est un modèle original, détenteur de nombreux records. Propulsé par un moteur Gipsy, il pouvait atteindre une vitesse maximale de 382 km/h.
Le second conflit mondial est aussi rappelé avec le vol en duo du Hawker Sea hurricane 1b et du Gladiator. Le Hawker Hurricane Z7015 a lui été construit par Canadian Car & Foundry et a volé pour la première fois le 18 janvier 1941. Le Gloster Gladiator, appartenant à la Collection, a été construit en 1937.
Le West Lysander V9367, employé pendant le Second conflit mondial pour des actions clandestines en territoire occupé, se remarque par sa peinture noire, tranchant avec le ciel d’azur de cette fin de journée. Il a réalisé sa démonstration en duo avec le PoliKarpov Po2, fabriqué en 1944 en Ex URSS avant d’être offert à la Yougoslavie en 1946. Il a été acheté par la Fondation en 2004.
Face à un public placide et admiratif de ce qui se déroule sous ses yeux, se succéderont d’autres machines volantes dont le Schneider SG38, planeur d’entraînement de vol à voile utilisé dans les années 40 en Allemagne.
Au fur et à mesure que la lumière faiblit, les Edwardians aircrafts font leurs apparitions. Les répliques du Bristol Boxkite et Avro Triplane ont pris leur envol pour le final prévu à 21h20. Il s’agit sans doute de l’un des meilleurs moments du sunset. Une odeur d’huile de ricin rappelle les grands moments des Faucheurs de Marguerites.
Pour conclure cette journée, et si nous n’avions qu’un seul conseil à vous donner, , si vous êtes de passage dans cette magnifique région des environs d’Old Warden, ou en visite à Duxford, n’hésitez pas à y faire un détour…ça en vaut vraiment la peine.
L’équipe de rédaction du Portail-Aviation remercie Jean-Baptiste Blumenfeld et Christophe Eckly de l’Association de spotters les DCA pour nous avoir fait revivre cette journée si particulière sur le terrain d’Old Warden. J.B. Blumenfeld, par son récit et ses photos, Christophe Eckly pour ses photos.