Triste nouvelle en cette fin de semaine du côté du constructeur anglais Hybrid Air Vehicles. Après un 6e vol d’essai couronné de succès ce vendredi 17 novembre, le prototype Airlander 10 s’est détaché de ses amarres samedi matin vers 9h30 heure locale (10h30 en France). Le “plus grand aéronef du monde” (92 m de long, 44 m de large et 26 m de haut) a été retrouvé à quelques mètres de son site d’amarrage, encastré dans des arbres. L’enveloppe est éventrée et les différents systèmes rigides (nacelle, cockpit, empennages, propulseurs) sont au sol. Deux personnes ont été légèrement blessées et transportées à l’hôpital par mesure de précaution. La police a établi un périmètre de sécurité autour de l’aéronef, désormais sécurisé au sol et vidé de son hélium et de son carburant.
C’est un nouveau coup dur pour la société HAV qui avait déjà dû surmonter un incident en août 2016, lors du deuxième vol d’essai de son prototype Airlander 10. Les réparations avaient nécessité 9 mois de travail et 8,3 millions d’euros. Suite à ce premier incident, les équipes d’Hybrid Air Vehicles avaient totalement revu les procédures d’amarrages et avaient installé de nouveaux équipements, parmi lesquels des atterrisseurs de part et d’autre du cockpit. L’Airlander 10 avait par la suite enchaîné les vols d’essais, accumulant près de 12 heures de vol en 6 vols, ouvrant le domaine de vol jusqu’à 25 NM, 4000 ft (1220 m) et à une vitesse de 40 Kts (74 km/h).
Ce vendredi 17 novembre, l’Airlander 10 exécutait avec succès son 6e vol d’essai, décollant à 15h11 GMT et atterrissant à 16h18 GMT sur son site de Cardington. Ce 6e vol marquait la fin de la première phase des essais en vol, permettant le passage à une phase d’essais plus complexes. Cette seconde phase a pour objectif d’ouvrir davantage le domaine de vol en terme de vitesse (50 kts), distance franchissable (75 NM), altitude (7000 ft) et endurance. La possibilité de débuter les vols de démonstrations clients a même été évoquée.
Malheureusement, ce samedi 18 novembre, peu après 9h heure locale, la police est appelée en renfort. D’après les témoins oculaires cités par plusieurs médias, ainsi que par la communication d’HAV, l’Airlander 10 s’est désolidarisé de ses amarres, ce qui a eu pour effet la déchirure de l’enveloppe. HAV précise en effet qu’un système de sécurité de dégonflage rapide a été actionné afin de permettre l’évacuation rapide de l’hélium, limitant ainsi le risque de dérive. Au vue des images aériennes disponibles, il semblerait que l’Airlander 10 se soit néanmoins déplacé de quelques mètres, traversant une route. Sa course semble avoir été stoppée par un bosquet.
Il est encore trop tôt pour analyser les causes exactes de cet incident. Nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses en regard des informations disponibles. HAV a annoncé que la cause principale était la déconnexion inopinée de l’aéronef de son amarre. Comme tous les dirigeables stockés en extérieur, l’Airlander 10 est connecté en permanence à un mât ancré au sol. Le point d’accroche est situé sur la partie avant de l’aéronef afin de lui permettre de tourner autour de son mât selon l’orientation des vents. Pour qu’un tel système vienne à défaillir, deux causes peuvent être évoquées : soit les conditions météorologiques étaient supérieures en intensité aux limites structurelles acceptables par le système, soit le système a été mal enclenché. Comme souvent en aéronautique, c’est probablement une combinaison de ces causes qui a entraîné cet événement. Néanmoins, selon le site timeanddate.com, la météo ne semblait pas particulièrement mauvaise ce samedi matin. Moins de 20 km/h de vent a été recensé à Cardington dans cette tranche horaire. De plus, il est important de souligner que l’Airlander 10 était stocké en extérieur depuis de longs mois sans qu’aucun incident ne soit déclaré. Toujours d’un point de vue purement spéculatif, il parait plus probable que la cause soit à aller chercher du côté de l’amarrage de l’Airlander 10 vendredi soir, après son dernier vol.
Rappelons cependant l’incident de l’AU-30 de Jean-Louis Etienne, qui s’était lui aussi desamarré (le mât s’était arraché du sol) en Janvier 2008 sur l’aérodrome de Fayence (Var) et avait dérivé avant de s’enrouler autour d’une habitation. Dans ce cas précis, les conditions météorologiques (vents supérieurs à 120 km/h) étaient la principale cause mise en avant par les autorités. Ce type d’incident n’est pas nouveau pour les dirigeables. D’un point de vue historique, près de 20% des cas d’accidents et d’incidents impliquant des dirigeables se sont produits au sol.
Il est désormais du ressort d’Hybrid Air Vehicles d’identifier et d’analyser les causes réelles de cet incident et de palier à cette problématique. Notons au passage le très bon fonctionnement du système de sécurité de dégonflage rapide et automatique qui a déchiré l’enveloppe afin de libérer rapidement l’hélium, limitant ainsi la prise au vent et la dérive du dirigeable. Cela a sûrement permis d’éviter la même mésaventure que celle vécue en Octobre 2015 par l’Armée Américaine avec l’un de ses ballons captifs JLENS.
Hybrid Air Vehicles va désormais s’atteler à analyser les causes de l’incident et à évaluer les dégâts. D’après des témoins oculaires, cités par plusieurs médias, le cockpit serait totalement détruit. Au vu des images diffusées sur les réseaux sociaux, les dégâts sont effectivement importants et nécessiteront de lourdes réparations.
A cela s’ajoute une autre problématique. En septembre dernier, Hybrid Air Vehicles expliquait son souhait de déménager rapidement dans de nouveaux locaux plus spacieux afin d’accompagner la montée en puissance de ses équipes. Ce déménagement était aussi pour les studios de cinéma occupant le hangar n°2 un moyen d’accroître leurs activités dans les deux hangars. Aucun site de relocalisation de l’Airlander n’avait alors été évoqué. Avec ce nouvel incident, HAV va devoir revoir ses plans pour assurer les réparations de son prototype à l’abri d’un hangar.
Les semaines à venir vont être difficiles pour les équipes d’Hybrid Air Vehicles. Comme il y a 2 ans, elles arriveront à surmonter cette nouvelle épreuve et en sortiront la tête haute. Ce genre d’incidents arrivent en phases d’essais et les équipes sont préparées à les affronter.
Souhaitons leur un rapide retour en vol.
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Thibault Proux
One Comment
VOLIRIS
Merci pour cet articleThibault. Les incidents font parties du processus d’innovation. Nous leur souhaitons une rapide remise sur pieds.
Je préciserais que pour le cas du dirigeable de Jeau-Louis Etienne, le double piquetage sur les haubans du mât n’avaient pas été réalisé. Sans cette méthode, il est impensable de résister à de fortes conditions climatiques.
Pour info, Voliris continue les essais en vol depuis le 30 aout avec notre dernier vol jeudi dernier 16 novembre. Prochain étape, la version dronisée 🙂