L’évènement fait grand bruit ses derniers jours sur les réseaux sociaux comme dans les médias (TF1, BFM, Le Parisien, LCI, français comme étrangers, à l’image du très geek et américain The Verge…). La société Zapata Racing, développant entre autres le Flyboard Air, aurait été sommée d’arrêter les vols sur cet aéronef par la Gendarmerie du Transport Aérien, « obligeant son président et fondateur, M. Franky Zapata à quitter la France ».
Le Flyboard Air, considéré comme une « Unité Autonome de Propulsion » s’apparente à une planche sur laquelle l’homme est chaussé et se tient debout. La planche surmonte une (ou plusieurs ?) soufflante(s). Cette sorte de jet pack, à mi-chemin entre Iron Man et le Bouffon Vert dispose de performances étonnantes :
« Vol autonome à une altitude allant jusqu’à 10000 pieds, vitesse de pointe de 150 km/h, autonomie de 10min ». Cette faible autonomie parait logique compte tenu de la faible capacité des réservoirs (disposés dans le dos du pilote). Cependant, l’altitude de vol et la vitesse de pointe interpellent largement quant aux risques pris. Un vol à 10 000 ft (un peu plus de 3 000m) traverse allègrement différentes classes d’espaces aériens et nécessite donc une cohabitation avec l’aviation générale a minima. Quant à la vitesse de 150 km/h annoncée, elle reste relativement faible comparativement aux aéronefs évoluant à ces altitudes. Cependant, à cette vitesse et dans ces classes d’espaces aériens, la règle du « voir et éviter » reste complexe à appliquer tant pour le pilote du Flyboard Air que pour les autres usagers…
Evidemment, l’intégration du Flyboard Air dans le trafic aérien est intimement liée aux usages auxquels il est destiné (grand public ? compétitions sportives uniquement ? militaire ?). N’ayant actuellement pas connaissance de ces usages, il nous parait bien compliqué de juger de la dangerosité d’un tel aéronef. Néanmoins, la vitesse évoquée et l’accessibilité (financière, de l’ordre de celle d’un drone ?) laissent présager un risque de sécurité évident pour les populations au sol.
Pour justifier cette sanction, la GTA aurait justement évoquée le survol d’une agglomération sans homologation de l’aéronef ni autorisation de vol. Franky Zapata « l’inventeur du Flyboard Air », rétorque de son côté l’impossibilité d’homologation d’un tel aéronef.
Effectivement, M. Zapata a bien raison, il n’existe pas à ce jour de classification, ni de base de réglementation propre à l’homologation ou plutôt la certification d’un tel aéronef. Il en est de même pour les opérations associées au Flyboard Air et son insertion dans le trafic aérien. Cependant, cet aéronef n’en reste pas moins un moyen aérien et motorisé de transport de personne. La certification de ce prototype est donc indispensable et préalable à toute démarche commerciale. Rappelons que l’objectif de la certification et de la réglementation aérienne dans sa globalité ne vise pas à contraindre, et encore moins à brider l’innovation, mais à assurer un niveau minimum de sécurité tant pour les personnes en vol qu’au sol. Avec les performances affichées, il est tout à fait normal et même rassurant que la GTA s’intéresse de près au sujet. Quant à la sanction de la GTA d’interdire le Flyboard Air de vol, sur un terrain privé comme public, nous nous garderons de juger de sa sévérité, compte tenu du fait que nous ne disposons pas d’informations quant aux discussions qu’ont pu avoir la société avec les autorités et institutions (DGAC, EASA, Préfectures…). Néanmoins, cette réaction souligne la crainte des autorités quant à la prolifération de cet aéronef et n’est pas sans rappeler le fiasco lié à la vente grand public des drones et à l’explosion des accidents et incidents impliquant les drones ces dernières années.
D’ailleurs, le cas de Franky Zapata et de son Flyboard Air n’est pas isolé. Réglementairement, de nombreux aéronefs sont dans la même situation. Drones (UAVs), voitures volantes, dirigeables… Pour tous ces « nouveaux » aéronefs, le processus n’est évidemment pas aussi simple que pour les types d’aéronefs volant depuis longtemps. Néanmoins, les réglementations et autorités garantes de leurs applications permettent le développement de tels aéronefs. De nombreux exemples français et étrangers le prouvent; il est possible d’innover en aéronautique en dehors des sentiers battus. Soit, l’exercice est long, complexe et onéreux, mais il est gage d’une maturité technique et managériale assurant la production d’un produit de qualité répondant à un niveau de sécurité optimum. En d’autres termes, oui, la réglementation liée à l’activité aéronautique est lourde et contraignante, mais elle est indispensable à la sécurité des personnes au sol comme en vol et c’est tant mieux !
Pour assurer une mise en vol dans le développement d’un nouvel aéronef, l’essentiel est de bâtir une relation de confiance avec les autorités et instances publiques, basée sur une qualité et une rigueur irréprochables des développements et des méthodes utilisées.
Encore une fois, l’amateurisme et l’improvisation n’ont pas leur place en aéronautique. L’époque des pionniers du début du XXème siècle est révolue mais l’innovation est encore possible aujourd’hui.
Par sa réaction sur les réseaux sociaux et dans la presse, Franky Zapata risque de se saborder et de saper la crédibilité de son projet vis-à-vis des autorités, en les mettant en porte-à-faux avec l’opinion publique. Cela serait regrettable pour le magnifique aéronef qu’est le Flyboard Air.
Thibault Proux
8 Comments
c-seven
-1
Si un tel esprit bureaucratique infantilisant était à l’œuvre à l’époque des pionniers de l’aviation, celle-ci n’aurait jamais vu le jour – ou en tout cas pas en France qui était en pointe alors avec plus d’avions volant en France alors que dans tout le reste du monde réunis.
c-seven
Olivier
Il ne vous aura pas échappé que l’on est plus au début du XXe siècle ? et que le ciel est encombré aujourd’hui de dizaines de milliers d’engins volant au même moment ? Voilà pourquoi une règlementation stricte est nécessaire.
Flavien
M. Proux,
J’ai moi-même fait quelques commentaires dans le sens de votre publication. Pour la plupart effacés… Il est regrettable qu’au delà de la simple question de la sécurité de l’usage telles machines, cette affaire ouvre le champ aux habituels commentaires sur les fonctionnaires tatillons, les réglementations castratrices et les soupçons de complots dont les commentateurs bien informés ne tarissent pas en ces occasions. Que dire du travail des journalistes, qui ironisent sur le traitement qu’on leur fait alors qu’ils démontrent une fois de plus leur manque de travail au profit du sensationnel/émotionnel (le petit inventeur brimé par l’ogre institutionnel). Peut-être est-il bon de rapeller qu’aux états-unis ou ailleurs, les mêmes commentateurs on tort de croire que la liberté rime avec inconscience. Dans ces pays, Monsieur Zapata aurait d’abord été mis en prison, inculpé et remis en liberté sous (forte) caution. En Russie il serait toujours en prison mais avec deux dents en moins, en Chine ou à Singapour il n’aurait même pas osé !
julien
Détrompez-vous sur la russie ou la chine. Là-bas Franck Zapata aurait eu nettement moins de soucis.
wagdoox
Les drones sont interdit de vol à Moscou …
Mais c’est pas différent au US ou ailleurs, il y a des règles il faut les respecter. On est plus au début du siècle dernier ou le ciel était presque vide.
arno Nymes34
Étrangement, la réalité est l’exact contraire de vos assertions !
Tout d’abord Frank Zapatta a fait de multiple tentatives pour immatriculer son prototype, ou trouver un moyen de le tester en toute légalité.
Hélas, pour l’administration, vu qu’il n’entre dans aucune catégorie, (ce qui est tout de même le principe avec une invention…), le Flyboard est donc totalement interdit, point barre ! (Alors pour les assurances)…
Et même en tentant de passer par divers ministères, économie, défense, intérieur, et même plusieurs institutions ou associations aidant les jeunes entrepreneurs, la réponse fut invariablement la même :
Non, sous peine d’amende, voire de prison !
Par contre, avant même que Frank Zapatta n’ait eu l’idée de proposer son invention aux USA, ce sont plusieurs entreprises US et même l’Air Force qui l’ont contacté dés les toutes premières images sur Youtube !
En lui offrant non pas des amendes ou de la prison, (comme vous l’imaginiez et comme ce fut hélas le cas chez nous…), mais plusieurs voyages pour présenter son Flyboard (et même voler aux cotés des Blue Angels !), ainsi que des propositions à 7 chiffres pour le développer et le prouire aux états-unis !
Autant dire que les autorisations de vol pour les démonstrations ou les vols d’essai ont été obtenues dans la journée…
Il serait sympa que les uns et les autres avant d’avancer n’importe quoi, (et surtout leurs aprioris…), prennent la peine d’envoyer un petit message à l’intéressé, (qui s’efforce d’y répondre) ou au moins de s’informer de l’épopée kafkaienne que fut la mise au point du Flyboard,et des efforts sans cesse répétés par Frank Zapatta pour rester en France !
Frank Zapatta a amplement communiqué sur son projet dés le début et sur les problèmes administratifs surréalistes qu’il a rencontré, même si les grands médias ne s’intéressent à cette histoire qu’aujourd’hui…
Cpt N-Flyers
Pour les PFFT & Co.,
Cet aéronef peux tout à fait faire l’objet d’une immatriculation au niveau national Franco-Français pour des vols à fins de recherche ou d’expérience, tel que très spécifiquement mentionné en annexe II de la régulation de base EC No 216/2008. (également publiée en Français pour vous en faciliter la lecture)
En France, l’immatriculation d’un prototype n’est en rien compliquée et même très certainement le processus le plus simple parmi tous les pays membres de l’EASA.
Il est bien évident qu’il vient à l’esprit de tous de piloter un aéronef sans licence.
Pour un Flyboard Air, la classe et/ou le type nécessitera peut-être une définition spécifique, mais la partie théorique, dont la régulation en autre, est tout fait adaptée et applicable.
Le respect des hauteurs de survol des zones peuplées et des rassemblements de personnes y est la aussi très clairement défini, et s’applique très certainement aussi aux Géo TrouveTout.
En France les espaces aériens libres de toutes zones réglementées nécessitant une autorisation d’entrée préalable et horsTMZ sont innombrables et l’étude des règles de l’air permet de les identifier.
Le développement du FlyBoard Air n’a pas été réalisé d’un jour à l’autre, il n’y a donc aucune raison logique pour dire que son pilote n’a pas eu durant ce laps de temps la possiblité de passer les examens à l’obtention d’un titre aéronautique.
Une fois les conditions d’immatriculation et de licence réunies, l’aéronef aurait pu être assuré, au minima en RC !
Lors d’un reportage télévisé réalisé lors d’un vol d’essai ou de démonstration en Floride (USA), ce Monsieur a sans aucun complexe déclaré aux journalistes, qu’il était dans l’attente d’une autorisation de la FAA (équivalent aux USA de la Direction Générale de l’Aviation Civile Française) et que si cette autorisation ne serait pas délivrée en temps et en heure pour son vol prévu le lendemain, que le vol sera réalisé avec ou sans autorisation.
Il est force que constater que de lancer la pierre aux fonctionnaires et de se faire passer pour un martyre est une solution de facilité et suscite bien plus d’engouement que le respect des règles, dont la rédaction est très largement ouverte au grand public pour que chacun puisse y faire valoir des droits.
arno Nymes34
Bla, bla, bla, règlementation, attention les “gens” vont forcément faire n’importe quoi, c’est dangereux, etc, etc…
Je pourrais comprendre à la limite ce genre de discours absurdes si cet engin était vendu au supermarché du coin, mais Franky Zavatta ne demandait que la possibilité de finir de mettre au point son invention, en restant si possible en France !
Il n’était pour l’instant aucunement question de commercialiser quoi que ce soit ! F.Zapatta l’a suffisamment répété en long, en large et en travers qu’il faut être sacrément de mauvaise foi pour sortir de tels “arguments”…
Mais que l’auteur ne s’inquiète pas, il est sauvé, aucun flyboard ne lui tombera sur la tête et aucun “terroriste” ne s’en servira pour attaquer une centrale nucléaire Française !
Devant l’impossibilité de développer son invention et de la produire sur le sol national, (malgré son souhait maintes fois répété et ses inlassables démarches devant des autorités qui se demandent encore pourquoi l’économie rame…), il a finalement accepté l’invitation des américains pour s’installer, mener autant de tests que nécessaire et faire fabriquer son engin sur le sol américain, enrichissant l’état américain par ses taxes et faisant travailler des américains !
Et quand les militaires Français supplieront pour avoir quelques une de ces merveilles “sur étagère”, ils attendront que le gouvernement américain décide si la France a été assez “sage” et “obéissante “pour qu’on lui en vende une poignée à prix d’or !
C’est terrible d’avoir déçu et dégoutté de son pays, quelqu’un qui pourtant a tant insisté et s’est tant démené pour que son invention soit fabriquée en France et profite à la France ! Une véritable honte !
Mais bon, same business, as usual…