Cette année, l’armée de l’air ne cesse de fêter ses centenaires. Jeudi 16 juin, sur la base aérienne 120 “Commandant Marzac” de Cazaux, dans les Landes, a eu lieu un double centenaire : celui de la SPA 73 “Cigogne Japonaise” et de la SPA 78 “Panthère noire”.
L’occasion pour l’escadron 2/8 “Nice” de fêter cela en présence de beau monde. En effet, les résidents locaux étaient présents, les Alphajets de l’école de chasse franco-belge, et les Aermacchi M-346 du No 150 Squadron de l’armée de l’air singapourienne, mais aussi des visiteurs invités pour cette occasion, comme un Mirage 2000B d’Orange, le Rafale solo display et son spare de St Diziers, la Patrouille de France, un Extra 330LC de l’EVAA, 4 Eurofighters italiens, le F16 solo display belge et son spare, et les SF260 de la patrouille belge des Red Devils.
De l’escadrille MS49 à la SPA73
C’est le 23 mai 1915 que l’escadrille MS 49, première unité de l’aéronautique militaire française à avoir été considérée comme escadrille de chasse à part entière, reçoit l’ordre d’établir un détachement d’avions sur le terrain de Corcieux, près de St Dié des Vosges. Ce détachement sera placé sous la direction du Sous-Lieutenant Paul Courrière. Près d’un an plus tard, le 1er avril 1916, ce détachement de l’escadrille, nouvellement nommé N 49, passera sous le commandement de l’escadrille MF 14, déjà établie sur Corcieux depuis le 1er janvier 1916. C’est à partir de cette date qu’il prendra l’appellation de détachement N 73 et quelques mois plus tard, le 22 juillet 1916 pour être exact, l’escadrille N 73 est officiellement établie sur le terrain de Corcieux avec des SPAD A 2, Nieuport 11 et 16. Son premier Commandant en titre sera le Lieutenant Jean Richard. Initialement, l’escadrille N 73 avait choisi comme emblème un œuf laissant apparaître une silhouette de femme mais c’est durant l’été 1916 qu’elle adopte définitivement la cigogne en virage, inspirée de modèles observés sur des objets d’art japonais.
En janvier 1917, elle est entièrement équipée avec des SPAD VII et prend de ce fait l’appellation de SPA 73. Le 27 janvier, l’escadrille quitte le terrain de Cachy où elle était arrivée à l’été 1916, pour aller s’installer sur le terrain de Manoncourt-en-Vermois, à 10 km au Sud-Est de Nancy, qu’elle quittera en mars de la même année pour Fismes. L’escadrille terminera la Grande Guerre avec à son actif 29 victoires homologuées et 24 probables, au détriment de la perte de 11 pilotes tués au combat, un par accident, quatre blessés au combat, et quatorze blessés au sol lors d’accidents, en majorité des mécaniciens au démarrage des moteurs, lors du lancement de l’hélice à la main. Pour ses faits d’armes l’escadrille reçoit la Croix de Guerre 14-18 avec palme de bronze.
A l’issue de la guerre, le 9 décembre 1918, la SPA 73 ira rejoindre d’autres escadrilles sur le terrain d’Azelot où sont rassemblées les forces aériennes d’occupation de l’Allemagne. C’est à Walheim qu’elle ira s’installer à partir de la fin mai 1919, puis Niedenbergen et Marxheim avant le retour en France fin novembre 1919, à Thionville. Le 1er janvier 1920, la SPA 73 devient la 107ème escadrille du 1er Régiment d’Aviation de Chasse, régiment stationné sur le même terrain. Par la suite elle devient la 7ème escadrille du même régiment, le 1er août 1920, après la réorganisation de la numérotation des unités au sein des régiments d’aviation. Le 1er janvier 1924, le 1er RAC laisse sa place au 38ème Régiment d’Aviation Mixte, sur un simple changement de numérotation et d’appellation. Une partie des escadrilles de chasse se déplace vers d’autres terrains. Le 38ème RAM réunissant des unités de chasse et d’observation, l’escadrille est alors rebaptisée 8ème escadrille.
Affectée au 32ème RAM en décembre 1931, elle rejoint sa sœur la SPA 78, qu’elle ne quittera plus jusqu’à nos jours, et en devient la 7ème escadrille. Puis elle devient la 3ème escadrille du GC II/7 , le 1er octobre 1932, la 4ème escadrille étant la SPA 78; toutes deux seront équipées de Wibault 72 et seront stationnées à Dijon. En mars 1939 elle sera équipée de MS 406 avant de prendre part aux combats de la bataille dite “de France” de 1939-1940 au sein du GC II/7, et l’armistice signée, de se retirer en Afrique du Nord.
Le 1er novembre 1943, lors du réarmement des forces aériennes françaises par les alliés, elle devient la 1ère escadrille du GC II/7 “Nice” dotée de Spitfire Mk V, jusqu’au 04 juin 1945. Elle participera ainsi à la campagne d’Afrique du Nord à partir de novembre 1943, à la libération de la Corse, et à la campagne d’Italie. A partir d’août 1944 et jusqu’en juillet 1945, ces missions la conduiront à participer aux campagnes de France et d’Allemagne.
De l’escadrille N 78 à la SPA 78
L’escadrille N 78 a été officiellement créée sur le terrain de Saint-Etienne au Temple dans la Marne, le 12 décembre 1916. Ses personnels, mécaniciens et administratifs, ont été rassemblés sur place à partir du 10 décembre et placés sous le commandement de l’Aspirant Pierre Desfourneaux. Les pilotes les rejoignent, le 22 décembre de la même année. La nouvelle escadrille, dotée de Nieuport 17 et de Nieuport 12 biplaces, est alors placée sous le commandement du Capitaine Armand Pinsard. Elle choisi comme emblème une panthère noire représentée de profil. Le premier exemplaire a été réalisé par le peintre Théophile Alexandre Steinlein sur le SPAD VII du Capitaine Pinsard, rencontré au cabaret montmartois “Le chat noir”.
Le 19 mars 1917, ayant rejoint le terrain de Somme Bionne (Marne), l’escadrille N 78 est intégrée au groupe de combat n° 15 qui est déployé sur la zone d’opérations de la IVème armée. Pinsard ajoute à son palmarès déjà conséquent, trois nouvelles victoires homologuées, les 11, 12 et 14 avril. Puis le GC 15 est envoyé sur le front de Verdun, la N 78 s’installe sur le terrain de Beauzée-sur-Aire (Meuse), le 27 juillet 1917. Les combats dureront près de 2 semaines entre le 20 août, avec le début de l’offensive générale sur le front de Verdun, et le 8 septembre 1917. En décembre 1917, la N 78 est entièrement équipée d’avions SPAD VII et prend l’appellation de SPA 78. L’escadrille SPA 78 termine la Grande Guerre créditée de trente trois victoires homologuées et 16 non homologuées, au détriment de la perte de 7 pilotes au combat, un par accident, six blessés et trois prisonniers. Comme beaucoup d’escadrilles, dorénavant en surnombre, elle est finalement dissoute sur le terrain de Sommesous, le 31 mars 1919.
Les traditions de la SPA 78 seront reprises par la 4ème escadrille du 32ème régiment d’aviation mixte de Dijon-Longvic, le 1er janvier 1928. Plus tard, le 1er octobre 1932, elle devient 4ème escadrille du groupe de chasse II/7 stationné à Dijon-Longvic. Cette unité sera équipée successivement de Wibault 72, Gourdou-Leseurre GL 32, SPAD 510 et finalement de Morane-Saulnier MS 406 en mars 1939. Les appareils ayant été financés par un emprunt national, l’escadrille sera officiellement baptisée “France” par une décision de l’Etat-Major des armées du 15 octobre 1939. C’est ainsi que chaque appareil sera baptisé du nom d’une province française, lequel sera inscrit sous le cockpit des appareils. C’est au sein de ce groupe qu’elle prendra part à la seconde guerre mondiale. Elle sera ainsi stationnée d’abord à Luxeuil, d’août 1939 au mois de mai 1940, avant de se diriger vers Le Luc via Avelanges, pour se transformer sur Dewoitine 520 et revenir sur le front à Meaux Esbly, où elle restera jusqu’à l’armistice du 22 juin 1940 avec l’Allemagne et du 24 juin 1940 avec l’Italie. A l’issue de cette première période le GC II/7 sera crédité de 44 victoires homologuées et 16 probables. A partir de cette date elle se repliera sur l’Afrique du Nord via Chissey, Fleurs, Carcassonne et Saint Laurent de la Salanque pour s’installer à Bône, à l’Est d’Alger près de la frontière avec la Tunisie. Après être passée par Souk el Arba, Oudna elle s’installera à Tunis El Aouina. La reprise des combats en janvier 1943 la verra déménager vers Bou Saadâ, retour en Algérie, puis Protville, Bône et ensuite les campagnes d’Italie, de Corse et le débarquement en Provence en novembre 1943. Elle suivra sa sœur la SPA 73 durant les campagnes de France et d’Allemagne jusqu’en juillet 1945. Cet ainsi que le GC II/7 ajoutera 18 victoires à son palmarès et quatre citations à l’ordre de l’armée.
Du GC II/7 Nice à l’AJeTs 02.008 Nice
Les escadrilles SPA 73 et SPA 78 auront terminé la deuxième Guerre Mondiale au sein du Groupe de Chasse II/7 Nice et ne se sépareront plus jusqu’à nos jours en restant respectivement 1ère et 2ème escadrille. A partir d’octobre 1945, elles quitteront avec le GC II/7 les cieux ouest européens pour d’autres cieux, asiatiques cette fois, ceux de l’Indochine qu’elles sillonneront jusqu’en octobre 1946 à bord de Spitfire Mk IX. C’est d’ailleurs à Tan Son Nhut, Saïgon, le 4 mai 1946, date anniversaire de l’entrée en guerre du GC II/7 lors de la campagne de Tunisie en 1943, que le groupe se verra décoré par le Général Leclerc, commandant supérieur des troupes françaises en Indochine, de la fourragère aux couleurs de la médaille militaire qui sera épinglée sur son fanion. Retour en AFN pour les opérations de maintien de l’ordre en Algérie, à partir de la base d’Oran La Sénia. A cette occasion, le GC II/7 Nice sera renommé GC II/1 Nice mais conservera ses Spitfire Mk IX que le groupe gardera jusqu’au milieu de l’année 1950, où il ira s’établir sur la base de Bizerte Sidi Ahmed. Ce n’est qu’en novembre 1951 que le groupe se transformera sur avion à réaction, en troquant ses bons vieux Spits à moteur Merlin si caractéristiques, pour les De Havilland Vampire FB.5. Après le vent des hélices, le sifflement des réacteurs et l’odeur du kérosène ou Jet A1. Le Groupe de Chasse II/1 Nice laissera aussi la place à l’Escadron de Chasse 2/7 Nice. Ce dernier ne gardera ses Vampire qu’une petite année avant de passer sur une version française plus évoluée, développée par la SNCASE, le SE.530 Mistral. Décembre 1961 sera particulièrement dur pour les personnels de l’EC 2/7 qui quittent le climat subtropical de Bizerte pour le froid hivernal lorrain en allant s’installer sur la base de Nancy Ochey. Ce sera l’occasion aussi de changer de monture et de passer sur le Marcel Dassault MD.454 Mystère IV A. En février 1964, après avoir subi trois hivers plutôt rudes , l’EC 2/7 Nice laissera la place à l’EC 2/8 Nice en prenant ses quartiers sur la base aérienne de Cazaux où il est toujours stationné. En octobre 1982 les Mystère IV A laisseront la place à l’avion d’entraînement et d’appui avancé développé conjointement par Dornier en Allemagne et Dassault en France, le fameux Alphajet, qui est aussi la monture de la non moins fameuse Patrouille de France. En 1993, l’EC 2/8 change d’appellation pour prendre celle d’Escadron de Transition Opérationnelle ETO n° 2 Nice. Depuis l’été 2004, et une convention signée entre la France et la Belgique, celle-ci a permis la création de l’Advanced Jet Training School ou AJeTS à Cazaux, la composante air des forces armées belges mettant à disposition ses Alphajets modernisés. C’est d’ailleurs ainsi qu’une troisième escadrille, la BT 11e, reprenant les traditions de la 11ème escadrille du 1er Wing de l’ex Force Aérienne Belge est créée au mois de mai 2006 aux cotés des SPA 73 & 78. En 2009, de nouveau un changement d’appellation de ETO n°2 Nice à AJeTS 2/8 Nice.
Texte : Vincent MASSÉ, Harmonie BATAILLE & Joël-Pol STEFF, photos de l’auteur, sauf mention contraire
Sources historiques :