L’annonce fait grand bruit dans le petit milieu des plus légers que l’air. La semaine dernière, la Chine a testé en vol un dirigeable de type stratosphérique. C’est la première fois qu’un tel projet est porté par ce pays d’ordinaire très discret mais de plus en plus investi dans le secteur aéronautique.
Le 13 Octobre dernier, l’aéronef dénommé Yuan Meng, a décollé du site de Xilinhot, dans la région autonome de Mongolie-Intérieure en Chine pour un vol de 24 à 48 heures, à plus de 20 kilomètres d’altitudes. Aucune information n’a filtrée quant aux résultats du vol et du retour au sol de l’aéronef.
Développé conjointement par la société Beijing Nanjiang Space Technology, l’Université d’Aéronautique et d’Astronautique de Pékin (BUAA, Beihang University) et la région autonome de Mongolie-Intérieure, ce dirigeable stratosphérique autonome (sans pilote à bord) mesurerait 75 mètres de long et 22 mètres de large pour une charge utile de 5 à 7 tonnes. Le démonstrateur Yuan Meng, gonflé à l’hélium, a pour ambition de rivaliser avec les satellites dans leurs missions de relais de communications, d’observations et de surveillances pacifiques. Motorisé par 3 moteurs à hélices alimentés via des panneaux solaires, ce dirigeable stratosphérique est constitué d’une enveloppe souple capable de résister à de très fortes pressions. Cela est en effet primordial pour ce type de dirigeable, qui décolle à très faible pression, afin de permettre une montée à des altitudes stratosphériques. De quelques milliers de mètres cubes au sol, ce dirigeable stratosphérique voit son volume décupler lors de sa prise d’altitude (la pression de l’air environnant diminuant, le gaz porteur se dilate). De même, les variations de températures entre le jour et la nuit influent de manière majeure sur la dilatation de l’hélium, et donc sur l’enveloppe souple du dirigeable. Il s’agit « d’un verrou de conception » d’après Yu Quan, l’un des scientifiques de la Chinese Academy of Engineering en charge de ce projet.
Vidéo du “décollage” de Yuan Meng.
Bien que novateur pour l’Empire Céleste, le dirigeable stratosphérique, ou High Altitude Airship, est l’objet depuis de nombreuses années de tests et de développements à travers le monde. Ainsi, à travers les projets « High Altitude Long Endurance Demonstrator », « Integrated Sensor Is Structure » et HiSentinel, les américains ont développé et testé plusieurs types de prototypes, dont le plus emblématique fut le JLENS de Lockheed Martin, qui s’est malheureusement écrasé en 2010. D’autres pays se sont eux aussi penchés sur le sujet, sans toutefois proposer de démonstrateurs. Citons à titre d’exemple le projet russe « Berkut », le projet Sud-Coréen « Kari », le projet Japonais « Nal Jaxa » ou encore l’entreprise « Stratsat » en Angleterre.
En France, une initiative de la société Thales Alenia Space relance depuis 2012 le débat de la faisabilité d’un tel aéronef, de sa réalité économique et de son insertion dans le trafic aérien (traversée de couloirs aériens). L’objectif est là aussi de développer un démonstrateur de capacité d’une plateforme stratosphérique, inhabitée, pouvant accomplir des missions de type ISR (Intelligence, Surveillance, Reconnaissance). TAS projette un premier vol pour 2020.
Quoi qu’il en soit, l’annonce chinoise est un nouveau témoin du regain d’intérêt pour les plus légers que l’air que porte la Chine depuis peu. Rappelons qu’en Juillet dernier, la société aéronautique chinoise AVIC General a signé un partenariat avec la société française FLYING WHALES pour le développement et la production d’un dirigeable transporteur de charges lourdes d’une charge utile de 60 tonnes.
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Thibault Proux
6 Comments
BRESSON Dominique
“Motorisé par 3 turbopropulseurs alimentés via des panneaux solaires” dites-vous?
L’archétype du turbopropulseur est la fameuse PT6 et ses innombrables variantes, me semble t-il , non? Alors alimenter une PT6 avec des panneaux solaires, ça mérite des explications…
Amicalement.
Dominique BRESSON
Thibault PROUX
Bonjour Dominique. Merci de cette remarque tout à fait à propos.
C’est un abus de langage de ma part, je m’en excuse. A priori il s’agirait plus de moteurs électriques à hélices alimentés par des batteries chargées via panneaux solaires.
A moins que la génération d’énergie ne serve qu’à alimenter la payload, très gourmande en énergie. Je n’ai pas d’avantage d’infos concernant cette différenciation.
Plutôt des moteurs électriques que thermiques donc 🙂
Thibault
le-geant
Mmmmm… Cette annonce chinoise me laisse plus que perplexe… Connaissant leur capacité à enfumer l’espace médiatique avec des projets douteux, je me demande si ce dirigeable tient réellement ses promesses. Je ne suis pas un expert mais dans cette vidéo on a plus l’impression d’avoir affaire à un ballon stratosphérique plutôt qu’à un réel dirigeable, non ?
Thibault PROUX
En effet, il faut garder un regard critique sur cette annonce, d’autant plus qu’aucun résultats de tests n’a été communiqué, et on ne sait rien de l’état de l’aéronef à son retour sur terre… Quant à la vidéo, il faut bien comprendre que l’ascension d’un dirigeable stratosphérique est très similaire à celle d’un ballon strato. Il est en parti gonflé au sol et son volume augmente avec l’altitude. Il me semble aussi logique de gonflé le “nez” du dirigeable alors en position verticale afin de faciliter son ascension. Reste à savoir comment ils gèrent le retour à l’horizontal une fois à 20km d’altitude…
Greg
5 à 7 tonnes de charge utile cela parait beaucoup. Je ne pense pas que la poussé d’archimède à cette altitude pour un ballon de ce volume soit suffisante pour soulever 7 tonne de charge utile: ne serait-ce pas la masse totale tu ballon? et encore j’ai des doutes. Le calcul mériterait d’être fait
Thibault PROUX
Bonjour Greg, très bonne remarque.
Les infos concernant les dimensions (et donc le volume de gaz) de l’aéronef sont, à mon avis, celles de l’enveloppe au sol. Et même dans cette hypothèse, le volume équivalent (à la louche dans les 10000m3, même si j’ai entendu parler de 18000m3) me parait en effet très faible par rapport à la masse totale “enveloppe + équipements + payload + panneaux solaires + batteries + moteurs”. Ces données sont donc à prendre au conditionnel.
Thibault