Exemples d’études de prospects
Si vous avez eu le courage d’arriver jusqu’ici, vous avez un aperçu (un aperçu seulement), des avions de combat qui sont présents sur le marché, de qui les vendent, et à quelle sphère d’influence ils appartiennent. Maintenant, nous pouvons étudier au cas par cas, en prenant des exemples précis :
– Quelle est la position de chaque aéronef dans les pays qui seront cités, il faudra pour cela connaître le contexte géostratégique de ces pays
– L’état de leurs forces armées,
– Les moyens financiers qu’ils possèdent,
– Les missions réalisées par leurs armées de l’air respectives.
Les Emirats Arabes Unis
Très riche confédération d’états, les E.A.U. sont un des plus gros exportateurs de matière fossile au monde.
Situés dans une zone géopolitiquement très instable, les Émirats ont de grands besoins en matière de défense. Depuis l’invasion du Koweït en 1990, ils ont signé avec les USA un partenariat de défense de leur territoire, ainsi que différents accords, y compris dans des domaines sensibles, comme le nucléaire.
Les E.A.U. entretiennent également des relations très étroites avec la France, pays avec lequel un accord de coopération militaire existe depuis 1977. La coopération s’étend sur bien d’autres domaines tels que la culture, l’éducation ou l’économie, mais les relations dans le domaine de la défense prédominent dans le sujet que nous évoquons. En 2008, une implantation permanente a été créée aux E.A.U. par la France, complétant la base aérienne déjà existante par une base navale et un camp pour l’armée de terre.
Conséquence, l’armée de l’air des Émirats, déjà une des mieux équipées du Moyen-Orient, est pourvue d’avions de combat d’origine américaine et française. F-16 Block 60 (61 unités désormais) et Mirage 2000-9 sont, pour chacun des avions, les variantes les plus évoluées, spécialement étudiées selon les desiderata des E.A.U.
Bien que ces avions soient très récents, les actualités concernant l’achat de nouveaux appareils inondent régulièrement les médias. C’est le cas de l’annonce de l’achat d’une trentaine de F-16 Block 61 supplémentaire en 2014, mais jamais concrétisée jusqu’à présent.
L’achat de Rafales est également régulièrement évoqué, à la façon d’un feuilleton à rebondissements. L’ancienne présidence de la République Française ayant peut être voulu forcer un peu la main, des déclarations cyniques ayant même été entendues de la part du Cheikh Mohammed Bin Zayed Al-Nahyane qui, en 2011 avait annoncé que l’offre française était “non compétitive et irréalisable”.
Depuis, les relations se sont heureusement réchauffées, et les récents succès de l’avion tricolore sont à mettre au crédit de ce dernier. Car les Émirats souhaitent s’équiper, d’une part pour augmenter leurs capacités, mais aussi afin de remplacer une partie des avions qui devront partir à la retraite d’ici une quinzaine d’années; c’est notamment le cas de la première trentaine de Mirage 2000 de première génération livrés au début des années 1990.
Les récentes annonces d’achat de F-16 supplémentaires ont créé beaucoup de réactions, dont certaines qui consisteraient à dire que les E.A.U. renoncent au Rafale. Pour les raisons déjà évoquées, cela n’est pas forcément le cas. Mais surtout, les E.A.U. ont toujours souhaité s’approvisionner auprès de deux sources différentes pour garder la maîtrise de leur aviation de combat, quel que soit le contexte. La démonstration de force réalisée par les E.A.U. lors d’un raid surprise en Libye en 2014, réalisé par leurs Mirage en a surpris plus d’un, à commencer par les USA, qui n’ont pas caché leur mécontentement de voir une telle action se dérouler sans leur consentement, et surtout sans qu’ils n’en soient informés par leurs propres services de renseignements. Chose irréalisable si les EAU l’avaient fait avec leurs F-16, dont les outils de préparation de missions (et pour ne citer qu’un seul exemple) sont utilisés en commun avec les américains présents sur place).
Un autre élément joue en la (relative) défaveur des USA; il s’agit de leur désengagement diplomatique progressif du Moyen-Orient, au contraire de la forte implication de la France dans les dossiers de la région ces deux dernières années, fait qui expliquerait peut être en partie la signature toujours attendue de l’achat de F-16 Block 61.
Dans ce contexte, il ne serait pas étonnant que les E.A.U. décident d’annoncer, d’ici peu, l’achat de F-16 et de Rafales. La sélection d’un autre type d’appareil serait illusoire en dehors d’un avion français et/ou américain.
Possédant des liens étroits, mais moins engageants que ceux de la France et des États-Unis d’Amérique, les Anglais ont eu une politique commerciale active en tentant de placer leur Eurofighter, mais celui-ci a été définitivement écarté de la supposée “compétition” fin 2013. Comme c’est souvent le cas dans ce genre de négociation, l’avion européen aura ici surtout servi de lièvre.
L’Arabie Saoudite
L’Arabie Saoudite est un pays qui dispose, comme le Koweït, d’une relation privilégiée avec les USA. Cela n’est pas directement lié à la crise de la guerre du Golfe, mais par le fait que le pays était le premier fournisseur stratégique d’hydrocarbures des USA. En seconde position derrière les USA, on peut à nouveau citer les autres pays engagés au Moyen-Orient que sont le Royaume-Uni et la France.
L’armée de l’air du Royaume d’Arabie Saoudite est la plus grosse force aérienne de cette région du monde, en étant équipée de plus de 200 F-15 (C/D, S et SA en commande), plus de 90 Tornados et 48 Eurofighters Typhoon 2.
Tous les avions n’ont pas encore été livrés, comme c’est le cas pour les 84 F-15 SA, qui avait vu la signature d’un des plus gros contrats de fourniture d’armement de l’histoire, d’un montant avoisinant les 30 milliards de dollars.
Concernant les Eurofighters Typhoon, les plans initiaux prévoyaient un premier contrat de 72 appareils, probablement suivi dans un avenir plus ou moins lointain d’un nouveau lot comprenant jusqu’à 72 appareils. Entre temps, l’Arabie Saoudite a fait la demande d’obtenir des Typhoon avec plus de capacités, notamment air-sol. De ce fait, les négociations ont traîné en longueur et ce n’est qu’en 2014 que les 72 avions commandés ont été confirmés, après un accord sur l’augmentation des coûts d’acquisition.
L’Arabie Saoudite parait insatiable dans l’acquisition d’avions de combat. Et de nouveaux contrats sont envisagés à moyen terme. Pour quels besoins ? Avec une flotte de plus de 300 avions modernes, la raison la plus logique voudrait que les plus anciens Tornado IDS soient remplacés.
C’est sur ce marché que lorgne BAe, avec une tranche supplémentaire d’Eurofighter Typhoon 2. Et c’est également sur ce marché que le Rafale pourrait bien apparaître comme un concurrent sérieux, tant les capacités d’attaque du Typhoon sont pour le moment limitées.
Le Typhoon a bien tiré quelques bombes à guidage laser lors de la récente campagne au Yémen, mais à titre bien plus expérimental qu’opérationnel. Certains bruits de couloirs laissent entendre un mécontentement de la RSAF (Forces Aériennes Royales Saoudiennes), quant à l’usage de l’avion dans ce rôle. Le Typhoon se doit donc de continuer le virage pris vers un usage plus multi rôle s’il ne veut pas se faire voler ce marché potentiel par son cousin français.
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23 Comments
James
Sacré boulot comme d’habitude, félicitations.
Juste une petite remarque concernant la furtivité:
“La furtivité passive, la plus visible, consiste à étudier les formes générales d’un avion pour refléter le moins possible les ondes radar émises par l’ennemi,…”
Ces formes ont pour but de diminuer les réflexions vers le radar émetteur mais pas de les absorber. D’où le plus possible de segments au lieu de courbes et en moindre nombre, par ex. les bords de fuite en zigzag du B-2 ou les formes polygonales de la voilure et des gouvernes du F-22. Le radar adverse ne reçoit des ondes réfléchies que dans la direction normale à un segment
thierry
“La furtivité passive, la plus visible, consiste à étudier les formes générales d’un avion pour refléter le moins possible les ondes radar émises par l’ennemi,…”
Pas seulement.
Les avions furtifs bénéficient également de matériaux absorbant les ondes radar, cf. :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mat%C3%A9riau_absorbant_les_ondes_%C3%A9mises_par_les_radars
James
C’est pour ça que Bruno a écrit “la plus visible”, les matériaux absorbant étant difficile à distinguer de vue p/r à des classiques.
patex
Comme à l’accoutumée, c’est un régal à lire. Merci beaucoup !
Ce dossier devrait finir dans les rédactions de tous les journaux France pour faire un peu de pédagogie aux journalistes qui s’attaquent au sujet.
GhostGrey
Merci pour l’excellent article. Très détaillé et complet et au même temps très facile à lire.
Cependant je quelques doutes:
Vous dites que le Gripen est un avion de quatrième génération. La quatrième génération étant celle du M2000 ou F-16 alors que le Gripen appartient à la génération suivante car contemporain du Rafale, l’Eurofighter ou même du F-22. Ne serai-t-il plutôt un chasseur de 5ème génération ou au moins de 4,5 si l’ont suit la classification américaine?
Maintenant que le Kuwait vient de commander des Eurofighter, cela ne permettra à l’appareil de rester en production et être encore competitif?
La photo du J-10B n’est pas celle d’un vieux J-10A au vu de l’entrée d’air, le cône radar ou la dérive?
Je profite pour vous féliciter pour votre site que j’ai découvert ça fait quelques mois.
Bruno ETCHENIC
Bonjour, et merci pour vos remarques. Effectivement, sur la photo c’était bien deux J-10A. On reconnait facilement le B avec les Divertless Air Intake (je préfère utiliser le terme anglais, car en français…). Donc hop, corrigé !
Pour ce qui est des générations, il faut bien comprendre qu’elle n’ont de raison d’exister que dans les pays dans lesquelles on les considère. Si le mirage 3 est un avion de 3 ème génération et le F1 de quatrième, comment considérer le Mirage 2000 ? Et le -5 alors ? Et… Le Rafale ? alors ça donnerait génération 4, 4.5, puis… 4.75 ? Alors on a créé des 4+ 4++ 4+++ (oui oui, pour le su-35 je l’ai vu).
ça n’a aucun sens. Le F-22 et le F-35 sont la cinquième génération d’avions de combat de l’air force, c’est tout. ça n’a aucun sens de tirer de ce terme un quelconque lien capacitif. On ne peut décemment pas classer les avions de tous les pays là dedans. Par exemple, le J-10B cité est un avion de 3ème génération… Pour la Chine ! Et là c’est cohérent. Mais c’est un équivalent d’un avion avancé de quatrième génération chez les américains. C’est tout ce qu’on peu en conclure.
Pour le Gripen, la version A/B est contemporaine du 2000-5. Le développement d’avion se faisant sans discontinuer et de longues périodes… difficile de véritablement réfléchir en terme générationnel.
Vous voyez où je veux en venir ?
GhostGrey
Merci beaucoup pour votre réponse et ces précisions.
Ma question était à propos de votre phrase: ” le Gripen est le premier des avions de quatrième génération à rentrer en service en Europe.” Donc j’ai pensé qu’il devrai appartenir à une génération supérieur à celle du Mirage 2000. C’est vrai que tout ce qui concerne les générations est très compliqué et incohérent. Ainsi, si selon les ricain la 5éme géneration serai reservé aux avions de combat dont la “furtivité” semblerai la caracteristique la plus importante, un F-117 serai donc aussi de 5éme generation. 😉
Bruno ETCHENIC
Autant pour moi alors, j’ai modifié. Je ne me souvenais pas d’avoir écris ça, du coup j’ai pas été vérifié et je ne comprenais pas. J’ai corrigé. Il fallait lire “de nouvelle génération”
Rémi
Effectivement, utiliser la notion de génération pour plusieurs pays ne se justifierai que si un organisme mondial décrète des caractéristiques propres à chaque génération. Dans ce cas, on pourrait attribuer à chaque avion un niveau de classement.
C’est le cas des réacteurs nucléaires où on a une 3e génération, 4e génération, suivant le classement de AIEA.
Pour les avions d’armes, c’est difficile, la furtivité c’est pas du 0 ou 1, ça se note en surface, et à cela il faut ajouter la discretion des capteurs, la signature IR… Et finalement, cela a peu d’intérêt. On pourrait dire que le rafale est 4,75+ ou 5,25- suivant le standard F1, F2, F3… Ridicule.
GhostGrey
Merci, maintenant c’est très claire. Félicitations encore une fois pour votre article.
Rémi
Excellent article, qui a dû vous donner un peu de travail…
Je me demandais pourquoi une aussi longue période sans nouveaux articles. Ca nous semble long, très long quand on attend. On lit toujours avec bonheur vos analyses.
Une question : Le prix de l’heure de vol que vous affichez comprend-elle uniquement le coût de l’avion (carburant, maintenance) ou aussi la formation du pilote est-elle intégrée ? Pour être exhaustif, il y aurait aussi les coûts annexe de maintien des équipes au sol, comme vous l’avez fait remarquer (toute la base aérienne + le ministère, + chef d’état major, + chef de cabinet, le contrôle aérien…). Bref, tout ce qui fait fonctionner l’armée de l’air qui a principale vocation de maintenir des avions en l’air (mais pas que).
Bruno ETCHENIC
Nous sommes tous des bénévoles et après la période du Bourget, la reprise du travail pour beaucoup signe une baisse du nombre d’articles publiés, c’est normal.
Rémi
J’avais d’ailleurs été étonné de la haute fréquence d’articles en période de vacances. A notre grande joie, d’ailleurs.
Effectivement, on comprend que la rentrée ne veut pas dire le repos du guerrier mais plutôt que vous avez moins de temps à consacrer à cette action bénévole.
Ben voilà, pendant les vacances on s’habitue à vos rafales d’articles… et on est frustré quand vous ralentissez le rythme. Preuve que vos articles sont appréciés.
Teenytoon
Euh… Je dois être malvoyant, mais on fait comment pour passer à la page suivante ?
Bruno ETCHENIC
Juste en dessous, vous avez des numéros qui correspondent au numéro de page. Pour bien faire il aurait fallut créer un lien pour chaque “page suivante” mais je crois que la flemme est passé par là… Vais arranger ça
Djackindabox
Il faut descendre plus bas, en-dessous des icônes facebook/twitter/G+ et en-dessous de la rubrique “sur le même thème”.
Juste avant que le corps de page bleu ciel ne disparaisse pour laisser voir l’arrière-plan, il y a “Pages: 1 2 3 4 5 6 7”.
Il faut cliquer sur le chiffre de chaque page (la page en cours de lecture n’est pas clicable, ce qui permet de ne pas se perdre)
Ce n’est pas très visible et j’ai aussi mis un peu de temps à comprendre.
Excellent article, sinon, comme d’habitude !
Djackindabox
Désolé, je n’avais pas vu que la réponse avait déjà été donnée…
Anachron
Bonjour,
Page 6, vous indiquez “En 2008, une implantation permanente a été créée aux E.A.U. par la France, complétant la base aérienne déjà existante (laquelle ?) par une base navale et un camp pour l’armée de terre.”.
Le “laquelle ?” n’était-il pas à compléter avant de poster l’article?
Bravo pour votre travail.
Bruno ETCHENIC
Effectivement, c’est une note de relecture qui n’avait pas été retirée. Merci beaucoup.
Rémi
On explique le besoin dans les années 90 des anglais et allemands pour un intercepteur par le fait que le TORNADO n’était pas efficace dans cette discipline. 20 ans plus tard, l’EF est en service mais le TORNADO est en bout de course et l’EF n’est pas très efficace en version d’attaque puisque pas conçu à cet effet (prévisible) et on s’efforce à grands frais d’en faire un multi-rôle.
Les ministères allemands et anglais manquent un peu d’anticipation et de vision à long terme, non ?
On a eu la chance de notre côté à ce que notre état-major soit un peu plus prévoyant… Pour une fois, on n’est pas en retard d’une guerre… ce qu’on a reproché aux états majors de 40.
Ahmed Jiddou ALY
Excellent article!
Rémi
Je n’en suis encore qu’à la page 4… Courage.
Je m’interroge : Les avantages d’une coopération entre plusieurs pays pour la conception d’un avion d’armes sont finalement bien minces. Les programmes conjoints se heurtent à de grandes difficultés (peut-être pas trop le Jaguar ni l’Alphajet qui furent assez bien réussis techniquement mais commercialement…).
Du coup, on se met à craindre la nouvelle coopération entre Dassault et BAE pour le futur avion européen.
Samuel Lussato
Bonjour à tous,
Etant actuellement en Master 2 de Commerce International, je dois faire un mémoire de recherche et j’ai décidé de le faire sur: le marché des avions de combat au 21ème siècle: etat, tendances et perspectives. (surtout sur l’aspect commerce international)
Cependant, je n’arrive pas à trouver sur @ des écrits qui montrent bien la différence entre AVION DE COMBAT et AVION DE CHASSE. Il-y-a-t il une réelle différence ? Si dans mon titre de mémoire je parle des avions de combat, dois-je parler des avions de transport, de reconnaissance…?
En remerciant d’avance ceux qui pourront m’aider, je vous souhaite une très bonne journée à tous