La Russie
Après une période noire suivant la chute de l’URSS, la Russie a repris quelques couleurs. Ses différentes crises économiques ont causé un vide d’une dizaine d’années dans l’équipement des forces armées russes, ainsi que dans le développement de nouveaux avions de combat. De ce fait, les Russes ont privilégié la modernisation d’avions déjà existants, ce qui a donné un nouveau souffle aux très bons Mig-29 et Su-27.
Ainsi, les clients restés fidèles à la sphère d’influence russe, majoritairement présents en Eurasie, et en Afrique du Nord, ont toujours pu obtenir de la part de la Russie des avions de combat modernes. Les doctrines d’emploi des matériels aéronautiques à vocation militaires russes sont très différentes de celles pratiquées par les Occidentaux. De ce fait, les capacités et les armements des appareils sont très différents.
Les armes non guidées, telles les roquettes ou les bombes à gravitation sont encore largement utilisées sur les avions de combat en Orient, où la peur des dommages collatéraux est moins présente dans les cercles politiques de décision; là où en occident, celles-ci ont été quasi exclusivement remplacées par des munitions précises.
Il a fallu attendre le milieu de la première décennie du 21e siècle pour que la Russie se lance dans le développement d’un tout nouvel avion de combat, le projet PAK-FA (Перспективный авиационный комплекс фронтовой авиации, Perspektivny Aviatsionny Kompleks Frontovoy Aviatsii, littéralement “Prospective Airborne Complex of Frontline Aviation”), remporté par le T-50 de Sukhoï.
Les avions russes ont toujours profité de coûts de production plus bas qu’en occident, ainsi que d’une relative simplicité de fabrication. Certes, il est souvent cité que les avions d’origine russe sont traditionnellement moins chers que leurs homologues occidentaux, mais cela au prix d’une maintenance bien plus élevée, et d’une durée de vie de la cellule significativement plus basse. L’ensemble des coûts, de l’acquisition à l’exploitation sur une longue période est donc à relativiser.
Sukhoi SU-30/35
Les Su-30 et Su-35 sont des appareils modernes qui ont pour point commun une cellule basée sur l’énorme Su-27. En fait, les superlatifs ne manquent pas pour qualifier cet appareil qui a battu beaucoup de records, et offre des performances très appréciables, tant en terme de vitesse, d’agilité, comme d’autonomie. C’est le chasseur lourd ultime, au point qu’il sera le point de comparaison pour le développement de tous les appareils occidentaux qui seraient susceptibles de croiser son chemin.
Peu cher à l’achat, mais très coûteux à maintenir en conditions de vol, l’avion a facilement trouvé des clients sur le marché de l’exportation. Le seul Su-30, entré en service en 1996 en a déjà trouvé une dizaine.
Les Su-30 et 35 ont une histoire très imbriquée, car différentes versions du Su-30, comme le MKI, ont bénéficié d’avancées étudiées pour l’ultime version de la famille, le Su-37 Terminator, finalement abandonné au profit du Su-35.
Doté des derniers équipements disponibles en Russie, le Su 35 sera la version la plus aboutie du chasseur, en attendant l’entrée en service du T-50. Les premiers exemplaires de série ont été livrés en 2012.
Les Su-30/35 sont de formidables adversaires, et des appareils de supériorité aérienne dotés de capacités dangereuses. Capable de couvrir de grandes distances, la taille de la cellule lui permet également d’emporter des radars aux antennes surdimensionnées, offrant théoriquement une portée de détection parmi les plus importantes du marché, à mettre en rapport avec la toute aussi importante surface équivalente radar de l’avion, qui de ce fait, est détectable, et de très loin.
88 Su-35 ont été commandés par l’armée russe, dont le premier lot de 48 avions doit être livré d’ici fin 2015. Seule la Chine s’est montrée intéressée pour l’achat de 24 avions, mais la Russie qui craint de voir ses avions copiés, tente de négocier une commande comprenant un nombre plancher d’avions.
Mikoyan-Gourevitch Mig-35
Le Mig-35 est l’ultime version du Mig-29, et est toujours en perpétuelle évolution.
C’est un avion multirôle remis au goût du jour, avec un radar à antenne électronique, mais avec un système d’émission à mi-chemin entre les antennes passives et actives, propre aux Russes.
Au niveau de ses systèmes, il est à noter que c’est l’entreprise italienne, GEM-Elettronica, qui fournira son système de combat électronique. Bien qu’étant de conception relativement ancienne, le Mig-35 offre néanmoins d’excellentes performances tant sur les plans de la vitesse que de l’agilité, mais au prix d’une absence totale de recherche de discrétion face aux radars ennemis.
Le Mig-35 devrait être un avion très présent sur le marché de l’exportation, car bien moins lourd et cher que ses grands frères Su-30 et 35. Il lui manque encore un peu de maturité, et une entrée en service au sein de l’armée russe, qui a prévu d’en commander sur le budget 2016, ce qui rassurera ses potentiels acquéreurs.
Seuls trois avions ont pour le moment été construits, et le programme est toujours en phase de développement. Le constructeur attend une première commande, et bien que l’avion soit souvent présenté à l’exportation, il est handicapé par le fait que le Mig-35 n’est pas en service en Russie.
Sukhoi T-50
Le T-50 signe le renouveau de l’industrie aéronautique de défense russe. Ce nouvel avion conçu par Sukhoï, la Russie le veut comparable au F-22. Un appareil lourd, doté de caractéristiques le rendant discret face aux ondes radar, de soutes à armement, d’une électronique de pointe, et d’une extrême agilité. Le T-50 a effectué son premier vol en 2010 et est censé entrer en service en 2016. Mais des retards dans le programme pourraient voir cette date repoussée de quelques années.
L’Inde participe également à ce programme, via un ticket d’entrée estimé à 6 milliards d’euros, sur une version dérivée du PAK FA pour le compte de Indian Air Force, Sukhoi HAL Fifth Generation Fighter Aircraft (FGFA) maintenant appelé Perspective multirôle Fighter (PMF).
Sukhoï fonde de grands espoirs sur cet avion, qui devrait fortement bouleverser l’équilibre des forces lorsqu’il sera disponible à l’exportation. Car pour le moment, hormis le F-35, aucun appareil dit “furtif” n’est proposé sur le marché. Comparaison n’est pas raison, mais les qualités du F-35 en matière de combat aérien n’étant pas le point fort de cet avion, cela pose évidemment quelques questions pour l’avenir de toutes les forces aériennes qui auront certainement à faire face à ce qui s’annonce comme le nouveau mètre étalon de la supériorité aérienne venu de l’est.
La Russie prévoit d’acquérir au moins 60 avions de nouvelle génération T-50 avant 2020. Au-delà, c’est le flou. La Russie se réserve la possibilité de commander autant de T-50 que nécessaire, sans doute au-delà de 200 appareils. Initialement, l’Inde et la Russie devaient acquérir 250 appareils chacune.
Page suivante: l’Inde, le Pakistan et la Chine
23 Comments
James
Sacré boulot comme d’habitude, félicitations.
Juste une petite remarque concernant la furtivité:
“La furtivité passive, la plus visible, consiste à étudier les formes générales d’un avion pour refléter le moins possible les ondes radar émises par l’ennemi,…”
Ces formes ont pour but de diminuer les réflexions vers le radar émetteur mais pas de les absorber. D’où le plus possible de segments au lieu de courbes et en moindre nombre, par ex. les bords de fuite en zigzag du B-2 ou les formes polygonales de la voilure et des gouvernes du F-22. Le radar adverse ne reçoit des ondes réfléchies que dans la direction normale à un segment
thierry
“La furtivité passive, la plus visible, consiste à étudier les formes générales d’un avion pour refléter le moins possible les ondes radar émises par l’ennemi,…”
Pas seulement.
Les avions furtifs bénéficient également de matériaux absorbant les ondes radar, cf. :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mat%C3%A9riau_absorbant_les_ondes_%C3%A9mises_par_les_radars
James
C’est pour ça que Bruno a écrit “la plus visible”, les matériaux absorbant étant difficile à distinguer de vue p/r à des classiques.
patex
Comme à l’accoutumée, c’est un régal à lire. Merci beaucoup !
Ce dossier devrait finir dans les rédactions de tous les journaux France pour faire un peu de pédagogie aux journalistes qui s’attaquent au sujet.
GhostGrey
Merci pour l’excellent article. Très détaillé et complet et au même temps très facile à lire.
Cependant je quelques doutes:
Vous dites que le Gripen est un avion de quatrième génération. La quatrième génération étant celle du M2000 ou F-16 alors que le Gripen appartient à la génération suivante car contemporain du Rafale, l’Eurofighter ou même du F-22. Ne serai-t-il plutôt un chasseur de 5ème génération ou au moins de 4,5 si l’ont suit la classification américaine?
Maintenant que le Kuwait vient de commander des Eurofighter, cela ne permettra à l’appareil de rester en production et être encore competitif?
La photo du J-10B n’est pas celle d’un vieux J-10A au vu de l’entrée d’air, le cône radar ou la dérive?
Je profite pour vous féliciter pour votre site que j’ai découvert ça fait quelques mois.
Bruno ETCHENIC
Bonjour, et merci pour vos remarques. Effectivement, sur la photo c’était bien deux J-10A. On reconnait facilement le B avec les Divertless Air Intake (je préfère utiliser le terme anglais, car en français…). Donc hop, corrigé !
Pour ce qui est des générations, il faut bien comprendre qu’elle n’ont de raison d’exister que dans les pays dans lesquelles on les considère. Si le mirage 3 est un avion de 3 ème génération et le F1 de quatrième, comment considérer le Mirage 2000 ? Et le -5 alors ? Et… Le Rafale ? alors ça donnerait génération 4, 4.5, puis… 4.75 ? Alors on a créé des 4+ 4++ 4+++ (oui oui, pour le su-35 je l’ai vu).
ça n’a aucun sens. Le F-22 et le F-35 sont la cinquième génération d’avions de combat de l’air force, c’est tout. ça n’a aucun sens de tirer de ce terme un quelconque lien capacitif. On ne peut décemment pas classer les avions de tous les pays là dedans. Par exemple, le J-10B cité est un avion de 3ème génération… Pour la Chine ! Et là c’est cohérent. Mais c’est un équivalent d’un avion avancé de quatrième génération chez les américains. C’est tout ce qu’on peu en conclure.
Pour le Gripen, la version A/B est contemporaine du 2000-5. Le développement d’avion se faisant sans discontinuer et de longues périodes… difficile de véritablement réfléchir en terme générationnel.
Vous voyez où je veux en venir ?
GhostGrey
Merci beaucoup pour votre réponse et ces précisions.
Ma question était à propos de votre phrase: ” le Gripen est le premier des avions de quatrième génération à rentrer en service en Europe.” Donc j’ai pensé qu’il devrai appartenir à une génération supérieur à celle du Mirage 2000. C’est vrai que tout ce qui concerne les générations est très compliqué et incohérent. Ainsi, si selon les ricain la 5éme géneration serai reservé aux avions de combat dont la “furtivité” semblerai la caracteristique la plus importante, un F-117 serai donc aussi de 5éme generation. 😉
Bruno ETCHENIC
Autant pour moi alors, j’ai modifié. Je ne me souvenais pas d’avoir écris ça, du coup j’ai pas été vérifié et je ne comprenais pas. J’ai corrigé. Il fallait lire “de nouvelle génération”
Rémi
Effectivement, utiliser la notion de génération pour plusieurs pays ne se justifierai que si un organisme mondial décrète des caractéristiques propres à chaque génération. Dans ce cas, on pourrait attribuer à chaque avion un niveau de classement.
C’est le cas des réacteurs nucléaires où on a une 3e génération, 4e génération, suivant le classement de AIEA.
Pour les avions d’armes, c’est difficile, la furtivité c’est pas du 0 ou 1, ça se note en surface, et à cela il faut ajouter la discretion des capteurs, la signature IR… Et finalement, cela a peu d’intérêt. On pourrait dire que le rafale est 4,75+ ou 5,25- suivant le standard F1, F2, F3… Ridicule.
GhostGrey
Merci, maintenant c’est très claire. Félicitations encore une fois pour votre article.
Rémi
Excellent article, qui a dû vous donner un peu de travail…
Je me demandais pourquoi une aussi longue période sans nouveaux articles. Ca nous semble long, très long quand on attend. On lit toujours avec bonheur vos analyses.
Une question : Le prix de l’heure de vol que vous affichez comprend-elle uniquement le coût de l’avion (carburant, maintenance) ou aussi la formation du pilote est-elle intégrée ? Pour être exhaustif, il y aurait aussi les coûts annexe de maintien des équipes au sol, comme vous l’avez fait remarquer (toute la base aérienne + le ministère, + chef d’état major, + chef de cabinet, le contrôle aérien…). Bref, tout ce qui fait fonctionner l’armée de l’air qui a principale vocation de maintenir des avions en l’air (mais pas que).
Bruno ETCHENIC
Nous sommes tous des bénévoles et après la période du Bourget, la reprise du travail pour beaucoup signe une baisse du nombre d’articles publiés, c’est normal.
Rémi
J’avais d’ailleurs été étonné de la haute fréquence d’articles en période de vacances. A notre grande joie, d’ailleurs.
Effectivement, on comprend que la rentrée ne veut pas dire le repos du guerrier mais plutôt que vous avez moins de temps à consacrer à cette action bénévole.
Ben voilà, pendant les vacances on s’habitue à vos rafales d’articles… et on est frustré quand vous ralentissez le rythme. Preuve que vos articles sont appréciés.
Teenytoon
Euh… Je dois être malvoyant, mais on fait comment pour passer à la page suivante ?
Bruno ETCHENIC
Juste en dessous, vous avez des numéros qui correspondent au numéro de page. Pour bien faire il aurait fallut créer un lien pour chaque “page suivante” mais je crois que la flemme est passé par là… Vais arranger ça
Djackindabox
Il faut descendre plus bas, en-dessous des icônes facebook/twitter/G+ et en-dessous de la rubrique “sur le même thème”.
Juste avant que le corps de page bleu ciel ne disparaisse pour laisser voir l’arrière-plan, il y a “Pages: 1 2 3 4 5 6 7”.
Il faut cliquer sur le chiffre de chaque page (la page en cours de lecture n’est pas clicable, ce qui permet de ne pas se perdre)
Ce n’est pas très visible et j’ai aussi mis un peu de temps à comprendre.
Excellent article, sinon, comme d’habitude !
Djackindabox
Désolé, je n’avais pas vu que la réponse avait déjà été donnée…
Anachron
Bonjour,
Page 6, vous indiquez “En 2008, une implantation permanente a été créée aux E.A.U. par la France, complétant la base aérienne déjà existante (laquelle ?) par une base navale et un camp pour l’armée de terre.”.
Le “laquelle ?” n’était-il pas à compléter avant de poster l’article?
Bravo pour votre travail.
Bruno ETCHENIC
Effectivement, c’est une note de relecture qui n’avait pas été retirée. Merci beaucoup.
Rémi
On explique le besoin dans les années 90 des anglais et allemands pour un intercepteur par le fait que le TORNADO n’était pas efficace dans cette discipline. 20 ans plus tard, l’EF est en service mais le TORNADO est en bout de course et l’EF n’est pas très efficace en version d’attaque puisque pas conçu à cet effet (prévisible) et on s’efforce à grands frais d’en faire un multi-rôle.
Les ministères allemands et anglais manquent un peu d’anticipation et de vision à long terme, non ?
On a eu la chance de notre côté à ce que notre état-major soit un peu plus prévoyant… Pour une fois, on n’est pas en retard d’une guerre… ce qu’on a reproché aux états majors de 40.
Ahmed Jiddou ALY
Excellent article!
Rémi
Je n’en suis encore qu’à la page 4… Courage.
Je m’interroge : Les avantages d’une coopération entre plusieurs pays pour la conception d’un avion d’armes sont finalement bien minces. Les programmes conjoints se heurtent à de grandes difficultés (peut-être pas trop le Jaguar ni l’Alphajet qui furent assez bien réussis techniquement mais commercialement…).
Du coup, on se met à craindre la nouvelle coopération entre Dassault et BAE pour le futur avion européen.
Samuel Lussato
Bonjour à tous,
Etant actuellement en Master 2 de Commerce International, je dois faire un mémoire de recherche et j’ai décidé de le faire sur: le marché des avions de combat au 21ème siècle: etat, tendances et perspectives. (surtout sur l’aspect commerce international)
Cependant, je n’arrive pas à trouver sur @ des écrits qui montrent bien la différence entre AVION DE COMBAT et AVION DE CHASSE. Il-y-a-t il une réelle différence ? Si dans mon titre de mémoire je parle des avions de combat, dois-je parler des avions de transport, de reconnaissance…?
En remerciant d’avance ceux qui pourront m’aider, je vous souhaite une très bonne journée à tous