Airbus Defense & Space a annoncé hier avoir terminé des essais en vol validant des modification importantes sur l’aérodynamique de l’avion, dans le but d’améliorer son efficacité aux basses vitesse, son agilité, et de le rendre compatible avec l’emploi de charges lourdes.
L’avion avait en effet quelques lacunes. Dans l’état actuel, et à cause de sa conception d’intercepteur pur, beaucoup de considérations n’avaient pas été prises en compte lors de son développement. C’est notamment le cas lorsque l’avion emporte des charges lourdes, mais aussi lorsqu’il est amené à les larguer de façon dissymétrique ou non, celles-ci modifiant fortement le centrage de l’avion, ce qui peut s’avérer dangereux pour l’avion dans certaines parties de son domaine de vol.
Malheureusement, et comme à son habitude, la communication du groupe annonce des chiffres et des capacités qui proviennent d’une autre planète, et qui seront repris au pied de la lettre dans beaucoup de médias. Nous tenterons d’aller un peu au-delà de ce qui est annoncé.
Raffaele Beltrame, pilote d’essais :
“We saw angle of attack values around 45% greater than on the standard aircraft, and roll rates up to 100% higher, all leading to increased agility. The handling qualities appeared to be markedly improved, providing more manoeuvrability, agility and precision while performing tasks representative of in-service operations. And it is extremely interesting to consider the potential benefits in the air-to-surface configuration thanks to the increased variety and flexibility of stores that can be carried.
“It´s right to say that the EFEM/AMK work has allowed us to discover a new aircraft with much higher performance and greater potential to meet the challenges of the years ahead.”
Il faut bien faire attention à ne pas interpréter trop rapidement les chiffres annoncés ici et à les remettre dans leur contexte. L’augmentation de l’angle d’attaque de 45% et du taux de roulis jusqu’au double d’un avion standard, ce ne sont pas des valeurs absolues, à moins de considérer que l’avion était très peu agile avant, ce qui n’est évidemment pas le cas. Mais l’agilité a pu être grandement améliorée dans certaines phases du domaines de vol et très certainement en emportant des charges lourdes.
Faisant parti d’un programme plus large appelé EFEM (Eurofighter Enhanced Manoeuvrability), ce kit d’amélioration aérodynamique (AMK) consiste principalement dans la modification ou l’ajout de deux éléments. Premièrement, les aigrettes, plans fixes présents sous le cockpit, sont différents. Légèrement modifiés dans leur forme et leur taille. Ensuite, une extension de l’emplanture de l’aile dont l’ajout est clairement visible.
Ces deux améliorations offrent à l’avion une meilleure manoeuvrabilité dans les basses vitesses et à haut angle d’attaque. Les aigrettes permettent également d’apporter un flux d’air contre le fuselage de l’avion, dont la dérive est la plus grande bénéficiaire. A l’atterrissage, et à cause de l’énorme aérofrein dorsal, la dérive perdait en effet en efficacité, ce qui pouvait provoquer quelques soucis si jamais un avion rentre avec un emport dissymétrique.
Dernière amélioration probable mais qui n’a pas été évoquée pour le moment, une modification des ailerons en bordure de fuite de l’aile delta.
Après cinq années d’études, cette campagne d’essais comprenant 36 vols ont été réalisés sur l’avion IPA7 à partir de Manching en Allemagne.
Les défauts de l’Eurofighter sont donc en train d’être rattrapés petit à petit, et l’intégration d’un Radar AESA, d’un emport multiple pour munitions air-sol ainsi que des programmes d’intégrations de différentes munitions air-sol vont enfin donner à l’Eurofighter et à ses clients de quoi affronter plus sereinement l’avenir.
6 Comments
Montaudran
Il est intéressant de voir qu’il y a une différence de discours et d’analyse entre Airbus qui dit implicitement que le dogfight est suffisamment important pour améliorer le Typhoon sur ce point alors que les américain estime que ce n’est plus une point important pour leur F-35 et de toute manière sera géré autrement que par une aérodynamique fine.
scrominus
j’ai beau chercher je ne vois pas ce qu’est la modification concernant l’emplanture des ailes
que faut-il voir exactement?
Bruno ETCHENIC
A l’emplanture des ailes, vous voyez une petite pièce grise plus foncé que le reste ? C’est cela. Il ne faut pas forcément que ce soit gros pour que ça ai des répercussions importantes, surtout dans le domaine de l’aérodynamique !
Rémi
Il est amusant de constater que l’argument principal en faveur des canards de lEF par rapport à ceux du Rafale était leur éloignement de la voilure principale, sensée donner plus de manoeuvrabilité à l’EF.
Maintenant, pour améliorer sa manoeuvrabilité, ils ajoutent des dispositifs en lieu et place de ceux déjà présents sur le Rafale… Comprenne qui pourra.
C’est certainement plus compliqué que cela en réalité mais c’est la preuve qu’on peut faire croire ce qu’on veut et faire apparaitre des avantages sur ce qui pourrait être des erreurs de conception. Surtout à des personnes qui veulent bien croire ce qu’ils veulent…
Bruno ETCHENIC
Les canards du Typhoon et du Rafale n’ont absolument pas la même fonction. Sur le Rafale, ils agissent pour recoller les filets d’air à l’aile sous fort angle d’attaque, afin de donner plus de pouvoir aux gouvernes présentes sur l’aile, et à la direction. En somme, les canards agissent sur l’efficacité de l’aile.
Sur Typhoon, c’est différent. Les canards agissent comme une gouverne de profondeur supplémentaire, permettant à l’avion de pointer son nez rapidement dans la direction voulu, ce qui donne à l’avion un excellent instant turn rate. Le problème c’est que l’avion entre rapidement dans un haut angle d’attaque, dégrade rapidement son énergie et ne peut le maintenir. Ce sont deux philosophies différentes, deux choix qui ont chacun leur point fort et leur point faible.
L’amélioration de l’aérodynamique du Typhoon 2 n’est pas le résultat d’une recherche d’une meilleure agilité pour le BFM, mais pour pouvoir emporter des charges lourdes, et surtout de façon dissymétrique. Les aigrettes tout d’abord, pour redonner une meilleure efficacité à une gouverne de profondeur qui n’en avait pas beaucoup, à cause de l’aérofrein dorsal principalement. En cas d’atterrissage par faible vent de travers avec une gbu de plus accrochée sous une aile et pas sur l’autre, ça compte.
L’amélioration de l’efficacité des gouvernes de l’aile via l’ajout de Lerx vise le même but. En fait, si le Typhoon 2 largue des munitions un peu trop grosse dans certaines configurations, les réactions de l’avion pouvaient être violentes, et les gouvernes n’étaient pas suffisamment efficace pour contrer un déséquilibrage soudain, commandé par le FMS de l’avion.
Maintenant, si ces améliorations donnent à l’avion de meilleures performances en combat aérien, c’est le cadeau bonux !
En conclusion, c’est une modification qui vise à rendre compatible l’avion avec l’utilisation de munitions qui n’était pas prévu au départ. (enfin…)
Rémi
Merci pour toutes ces précisions. Cela complète parfaitement l’article. Et cela mériterait un article à part entière.