Deuxième épisode de notre saga consacrée aux dirigeables. La semaine dernière, nous avons retracé leur histoire, depuis les ballons jusqu’aux dirigeables d’aujourd’hui.
Avant d’entrer dans le détail et l’actualité liée à ces plus légers que l’air, il convient de définir les principales notions et bases du dirigeable. Dans cet article, nous répondons aux questions « un dirigeable, qu’est-ce que c’est ? Comment ça vole ? Quels en sont les éléments ? Quelles sont les différentes formes et structures ? »
Aérostat, Aérodyne ou Aéronef ?
Tout d’abord, il est important de situer le dirigeable dans l’arbre de classification des aéronefs. Tous les objets volants créés par l’homme sont des aéronefs. On distingue parmi les aéronefs deux catégories : les aérodynes, c’est-à-dire les plus lourds que l’air : avions, planeurs, lanceurs spatiaux, hélicoptères, … Et les aérostats, c’est-à-dire les plus légers que l’air. Parmi les aérostats, on distingue là-aussi deux sous catégories : les aérostats non motorisés, comme les montgolfières, et les aérostats motorisés : les dirigeables.
Le schéma suivant reprend l’arbre de classification des aéronefs :
Nous passons à ce stade le cas des dirigeables hybrides, sujet complexe sur lequel nous reviendrons plus tard dans cet article.
Un dirigeable, comment ça vole ?
Un dirigeable, ce n’est qu’un gaz dit « plus léger que l’air » enfermé dans une enceinte à laquelle on accroche des moyens de propulsion et de manœuvrabilité. La science du dirigeable repose en fait sur le principe de la Poussée d’Archimède : « Tout corps plongé dans un fluide au repos, entièrement mouillé par celui-ci ou traversant sa surface libre, subit une force verticale, dirigée de bas en haut et opposée au poids du volume de fluide déplacé ». Ce principe explique la flottabilité des bateaux… mais aussi l’équilibre aérostatique des dirigeables et montgolfières. Le gaz porteur contenu dans l’enveloppe du dirigeable est en effet de densité plus faible que l’air environnant, et a donc naturellement tendance à s’élever dans les cieux.
Pour vulgariser à l’extrême, si on pose un dirigeable gonflé sur une balance, il ne pèsera que quelques kilogrammes relatifs à l’incertitude dans le gonflage du dirigeable (on évite en général d’être parfaitement plus léger que l’air, pour des raisons de sécurité… en cas de perte d’énergie totale, le dirigeable doit naturellement redescendre au sol).
L’intensité de cette force (Poussée d’Archimède) est d’autant plus grande que la différence de densité entre le gaz porteur et l’air extérieur est importante.
Cependant, les différents gaz plus légers que l’air n’ont pas tous la même densité et ne peuvent en conséquence pas tous porter les mêmes masses. Ainsi, l’hélium est 7 fois plus léger que l’air, quand l’hydrogène est 14 fois plus léger ! Cependant, cela ne signifie pas que l’hydrogène « porte » deux fois plus que l’hélium : En effet, un mètre cube d’hydrogène portera 1,1kg quand le même volume d’hélium portera environ 1kg.
Néanmoins, le type de gaz n’est pas le seul facteur de variation de portance. En effet, la portance varie selon la pureté du gaz, de sa température et de sa pression.
Aujourd’hui, tous les dirigeables volent soit à l’hélium soit à l’air chaud. Ainsi, le Zeppelin NT, d’une masse maximale au décollage de 8T est gonflé de 7400m3 d’hélium !
De quoi sont faits les dirigeables ?
Il existe plusieurs catégories de dirigeables, mais tous regroupent généralement les mêmes éléments :
On distingue ainsi tout d’abord une enveloppe, souple ou rigide, dans laquelle est enfermé le gaz porteur. Cette enveloppe est l’organe vital du dirigeable car il lui confère sa portance, comme les ailes pour l’avion et les pales pour les hélicoptères.
L’un des éléments essentiels assurant la “dirigeabilité” est la motorisation. Contrairement aux aérodynes, les dirigeables ne nécessitent pas de motorisation pour assurer une portance (sauf pour les dirigeables hybrides… nous y reviendrons en fin d’article promis). La motorisation des dirigeables est donc généralement moins puissante que celle des autres aéronefs, mais reste néanmoins primordiale afin de contrer les effets du vent. La motorisation est en effet la clef de la sécurité des dirigeables et se trouve bien trop souvent minimisée du fait de la portance assurée par le gaz. D’autre part, l’immense majorité des dirigeables est propulsé par des moteurs à hélices. Il n’existe aujourd’hui qu’un seul projet mentionnant l’utilisation de moteurs à réactions. Les moteurs utilisés sont le plus souvent thermiques, mais de plus en plus de dirigeables sont propulsés à l’aide de moteurs électriques alimentés via batteries par des panneaux photovoltaïques. De plus, il est important de remarquer une innovation spécifique aux dirigeables concernant la motorisation : on constate depuis quelques décennies l’apparition de la motorisation dite « à poussée vectorielle », c’est-à-dire que la poussée produite par un moteur est orientable selon un à deux axes. Cette poussée vectorielle permet de limiter le nombre de moteurs, tout en permettant une bonne manœuvrabilité. Le nombre et la disposition des moteurs sont très variés.
Afin d’assurer la manœuvrabilité des dirigeables, des empennages sont très souvent utilisés. Les empennages, comme sur les avions, sont constituées de surfaces fixes et de surfaces mobiles. L’orientation des surfaces mobiles permet de diriger l’aéronef. Leur nombre et leur disposition sont variables :
- On distingue ainsi les configurations de quatre empennages : en signe d’addition « + » ou en signe multiplicateur « X »,
- La configuration de trois empennages : en « T » ou en « Y inversé »,
- Les configurations de deux empennages : en double « L »…
- Certains projets envisagent même des configurations jusqu’à 12 empennages.
La grande majorité des dirigeables étant habitée, une nacelle est disposée sur la partie inférieure de l’enveloppe. Cette nacelle est une structure rigide contenant le cockpit, mais aussi les cabines passagers, soutes ou réservoirs. Cette structure peut aussi porter des équipements lourds ou nécessitant le passage d’efforts conséquents tels que les moteurs, les empennages, les ballasts, les trains d’atterrissages, les sangles d’amarrages… Certains projets actuels envisagent des nacelles positionnées dans le nez du dirigeable, pour des raisons de visibilité depuis le cockpit.
Les drôles de formes de dirigeable
Bien que la plupart des dirigeables soient de forme dite « cigaroïdale », c’est-à-dire à symétrie de révolution, de nombreuses autres formes d’enveloppes existent : par exemple, les dirigeables lenticulaires sont supposés plus stables en vol stationnaire tandis que les sphères sont supposées aussi manœuvrables sur tous les axes…
De manière générale, la forme de l’enveloppe (et par extension, du dirigeable) dépend entièrement de l’aérodynamisme. Bien que ces aéronefs ne soient pas destinés à atteindre Mach 3, la trainée aérodynamique (due aux frottements de l’air et donc dépendant directement de la forme de l’objet et de sa vitesse) est une ennemie prise très au sérieux.
C’est ainsi que, depuis quelques années, une nouvelle forme est de plus en plus expérimentée : l’enveloppe « multilobée », à l’image d’un profil d’aile d’avion. Car l’objectif de ces nouvelles formes d’enveloppes est d’engendrer de la portance aérodynamique en plus de la portance aérostatique (due au gaz porteur). Ces dirigeables sont appelés … des hybrides (enfin !). Les dirigeables hybrides utilisent à plus de 50% la portance aérostatique, ce sont donc des aérostats. Cependant, ils utilisent aussi la portance aérodynamique due à la forme de l’enveloppe, profilée comme une aile d’avion. Cette particularité a l’avantage de permettre d’alourdir le dirigeable, le rendant ainsi plus lourd que l’air. Quel intérêt ? Il est d’augmenter la charge utile, mais surtout d’assurer un stockage au sol sans aucune infrastructure autre qu’une surface plane. En effet, le stockage au sol est l’une des problématiques principales des dirigeables du fait des infrastructures lourdes qu’il implique. Nous nous étendrons plus longuement sur les différentes problématiques des dirigeables dans le prochain épisode.
D’autres projets actuels étudient des formes originales, telles qu’à « fond plat », permettant une tenue au sol plus aisée, ou en forme de « goutte d’eau » pour une aérodynamique optimisée, quand d’autres imaginent des enveloppes à géométries variables (passant d’une forme cigare à une forme trilobée par exemple). Au final, la forme retenue dépend entièrement du concept opérationnel de l’aéronef, en particulier de sa capacité ou non à voler en stationnaire, à atteindre de « grandes vitesses », à décoller et atterrir verticalement, …
Dirigeables rigides, semi-rigides, souples, qu’est-ce que c’est ?
Les dirigeables sont catégorisés selon leurs structures. Un dirigeable rigide est ainsi constitué d’une enveloppe extérieure, ayant pour unique fonction de donner une forme au dirigeable, et d’une ou plusieurs enveloppes intérieures, appelées cellules, ayant pour seule fonction de stocker le gaz porteur. L’enveloppe extérieure est alors rigide (une toile tendue sur une structure en aluminium, en bois, ou en carbone). Par sa structure rigide, ce type de dirigeable est souvent plus lourd et donc plus grand. Citons par exemple les Graf Zeppelin I et II, mais aussi les USS Macon et Akron, et enfin le magnifique SPIESS.
Au contraire, les dirigeables souples ne sont constitués que d’une seule enveloppe cumulant les deux fonctions : stockage du gaz et assurance de la forme extérieure. L’enveloppe est ainsi réellement gonflée, en imposant une légère surpression au gaz porteur afin de garantir la forme de l’enveloppe, même face à la pression du vent relatif. Cette structure a le mérite d’être plus légère mais demande l’utilisation de ballonnets d’air, afin de réguler les surpressions du gaz porteur. Les dirigeables Goodyear et Skyship (comme celui de Zorin dans le James Bond « Dangereusement Vôtre ») en sont un bon exemple.
Et semi-rigide alors ?
Comme son nom l’indique, le semi-rigide est entre les deux, à la fois souple (une unique enveloppe) et rigide, afin de porter des éléments lourds tels que les moteurs et les empennages. Le meilleur exemple est le Zeppelin NT, véritable initiateur du type semi-rigide. En effet, le NT-100 dispose de 3 poutres longitudinales autour desquelles l’enveloppe est tendue et gonflée et sur lesquelles les 3 empennages, les 3 moteurs et la cabine sont accrochés.
Dans le prochain épisode « Un dirigeable, atouts et limites », nous listerons les forces et faiblesses des dirigeables en expliquant pourquoi les faiblesses ne condamnent pas pour autant l’utilisation de cet aéronef.
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Thibault Proux
4 Comments
barreau
“L’intensité de cette force (Poussée d’Archimède) est d’autant plus grande que la différence de densité entre le gaz porteur et l’air extérieur est importante.”
Ce n’est pas tout à fait exacte.
La poussée d’archimede ne depend QUE du volume de fluide déplacé.
Ainsi un ballon d’1 m3 au ras du sol subira une poussée d’archiméde Rho.g.V=1,225×9,81×1=12N
Et celà quel que soit le gaz de remplissage.
Ce ballon est donc capable de soulever au maximum 1,2 kg.
Mais la masse max du ballon est constituée :
– de la masse de l’enveloppe
– de la masse de gaz de remplissage
– de la masse utile.
Voilà pourquoi il est important de choisir les gaz de remplissage de faible masse volumique.
Je signale à vos lecteurs un article que nous avons écrit avec mon camarade Laurent Boutin :
http://inter.action.free.fr/publications/zep.pdf
Thibault PROUX
Bonjour Matthieu, merci de cette juste précision et bravo pour votre article fort intéressant.
Roland MAURY
Magnifique documentation sur les dirigeables.
Thibault PROUX
Merci Monsieur Maury.
Thibault