Kassam. Un nom suscite l’effroi chez les Israéliens, et qui est automatiquement associé aux sirènes d’alerte. Régulièrement depuis la seconde intifada, ces roquettes peu onéreuses sont envoyées depuis les territoires palestiniens, frappant indifféremment des installations militaires ou civiles, la population, ou le désert… Les tirs de ces roquettes non guidées avaient tout aussi régulièrement été suivis de frappes israéliennes en territoire Palestinien, prolongeant l’absurdité d’une guerre qui n’en finit plus de durer.
Mais depuis l’apparition et la mise en service de l’Iron Dome, le rapport à la guerre a radicalement changé pour la population israélienne. Alors qu’auparavant, la moindre alerte annoncée par les sirènes d’alarme était suivie d’une course vers les abris, désormais c’est le signe pour beaucoup de sortir les smartphones et de filmer le système en action. Les vidéos de l’Iron Dome sont légion sur les sites de partage vidéo. Ce changement de mentalité démontre la confiance des Israéliens envers le système, mais ce comportement reste néanmoins dangereux, rappelle l’interlocuteur qui nous raconte ces anecdotes. En effet, bien que très performant, avec un ratio de réussite dépassant les 90%, le danger n’est jamais totalement écarté.
Ce changement est intervenu en 2010, lorsque les premiers systèmes ont été déployés. Les zones protégées étaient peu nombreuses, et les systèmes devaient être déployés en fonction de l’apparition des menaces. Une guerre des positions pouvait alors s’établir entre l’unité de Tsahal créé pour l’occasion, et les groupes armés Palestiniens.
Depuis, le système couvre intégralement les zones à protéger. L’autre « faille » évoquée du système est son coût. Car intercepter une roquette artisanale coûtant moins de 1 000 $ avec un missile intercepteur plus de 50 fois plus cher a provoqué beaucoup de polémiques sur le rapport coût/efficacité d’un tel système.
Mais il faut relativiser. Durant l’intervention au Liban en 2006, les attaques massives de roquettes ont provoqué plus de 4 milliards de dégâts. S’adjoint à cette polémique le fait de savoir s’il est possible de calculer le coût d’une vie humaine.
Malgré le prix élevé d’un système capable d’intercepter roquettes, obus d’artillerie et de mortier, ainsi que des aéronefs, la fabrication en masse des vecteurs d’interception a un effet non négligeable sur son prix. Ainsi, le Tamir (nom commercial du missile intercepteur) est devenu le moins cher, et de loin, de sa catégorie. Notre interlocuteur chez Rafael n’a bien évidemment pas souhaité évoquer la question du prix, mais il est estimé par un rapport français à environs 62 000 €.
Autre élément qui permet d’augmenter l’efficacité économique du système, le radar acquiert la cible, calcule sa trajectoire, et estime son point de chute. Si le projectile tombe sur une zone qui ne représente aucun danger, il sera simplement ignoré. Cette discrimination permet de réduire considérablement le rapport coût/efficacité, en considérant que seuls 25% des roquettes lancées en moyenne sont potentiellement dangereux. À ce compte-là, le rapport de coût intercepteur/cible se réduit drastiquement.
Cela permet ainsi d’instaurer un certain équilibre : si les roquettes sont produites à faible coût et en quantité conséquente, les moyens industriels et financiers de l’armée israélienne permettent de produire les missiles Tamir en très grand nombre également, le porte-parole de Rafael assurant que les réserves en missiles de Tsahal étaient dimensionnées pour contrer des attaques de grande envergure. Cet équilibre permet de limiter la tentation d’une course à l’armement visant à saturer les nouvelles défenses antiaériennes, mais il a aussi pour conséquences de réduire considérablement l’effet stratégique produit par les frappes de roquettes.
En effet, en contrant systématiquement l’effet militaire des tirs de roquettes, l’Iron Dome finit par modifier en profondeur leur impact stratégique. Les roquettes n’effraient plus vraiment les populations, les militaires ou les politiciens. Les responsables politiques et militaires disposent ainsi de plus de temps pour évaluer la situation tactique, et l’impact politique et stratégique de ces attaques n’est aujourd’hui plus du tout le même qu’en 2006, imposant à l’adversaire de développer de nouvelles stratégies, et permettant à Tsahal d’imposer son tempo opérationnel. En cela, si le missile Tamir est une munition tactique, le système Iron Dome dans son ensemble est bel et bien une arme stratégique au sens clausewitzien du terme, puisqu’il influence tant la politique interne que la diplomatie régionale ou la conception stratégique du conflit.
PS : Cet article est complètement apolitique et vise à mettre en lumière l’efficacité d’un système de défense et son impact dans l’équilibre des forces de la région. Il n’est ni pro israélien ni pro palestinien. Tous les commentaires avec des orientations politiques, qui ne peuvent que créer une polémique sur un site sur lequel ce n’est pas le sujet, seront systématiquement supprimés.