Déjà présent l’année dernière à Farnborough, le Scorpion de Textron Airland s’expose sur l’exposition statique du Salon du Bourget 2015. S’il n’a pas le charisme des avions d’armes emblématiques de la génération actuelle, Rafale, Typhoon et F-22 en tête, ce “petit” appareil réserve pourtant bien des surprises.
Un développement rapide, sur fonds propres
En premier lieu, sa taille. L’avion en impose vraiment. Si les vues d’artistes et les photos de l’appareil en vol évoquent une version moderne d’un A-37 Dragonfly, l’appareil est en réalité très massif, de la carrure d’un chasseur F-16. Une impression renforcée par l’épaisseur de sa voilure et son nez pointu, évoquant vraiment l’avion d’arme plutôt que l’appareil d’entrainement dérivé en appareil d’appui tactique.
Et c’est bel et bien ce qu’est le Scorpion, un pur avion d’arme. En 2011, Airland Entreprise, un groupement d’investisseurs issus de l’administration et du secteur de la défense, fait appel au groupe Textron afin de développer sur fonds propres un appareil de combat aérien rapproché et de patrouille armée capable de remplir la plupart des missions aériennes des conflits dits “asymétriques” pour une fraction du prix des appareils actuels (F-16, F-18, A-10 etc.) ou futurs (F-35 notamment). A l’heure actuelle, le Scorpion est le seul appareil de combat occidental à être issu d’une prise de risque purement industrielle, sans financement étatique d’aucune sorte.
L’idée est donc de développer un appareil spécialisé dans quelques missions bien précises en réduisant autant que possible le prix d’achat, les coûts opérationnels et les besoins de maintenance. La conception et la construction du Scorpion a ainsi été confiée à Cessna, filiale de Textron, qui construit le premier prototype dans le plus grand secret entre 2012 et 2013, utilisant massivement les techniques, technologies et modes de production de ses jets privés.
Et cela se voit très vite: cellule en fibre de carbone, réacteurs Honeywell TFE731 (utilisés largement sur les avions d’affaire Falcon de Dassault et Citation de Cessna), coûts d’exploitation réduits et très bonne disponibilité pour un prototype. L’expérience de Cessna semble se ressentir sur la gestion de ce programme.
Une solution sur mesure pour la faible intensité
Le Scorpion a donc été conçu comme une plate-forme de combat spécialisée dans un petit nombre de missions relativement similaires, afin d’offrir une solution militaire abordable à des petites forces aériennes d’une part, ou bien un complément adapté aux opérations de faible intensité pour les plus grosses armées. Typiquement, si Textron Airland vise certains marchés au Moyen-Orient ou en Europe de l’Est, ils communiquent intensément à l’intention de la Garde Nationale américaine, qui ne pourra pas forcément se permettre d’opérer les coûteux F-35 de l’USAF et pourrait sans doute se contenter d’un appareil tel que le Scorpion pour la plupart de ses missions.
En effet, la conception du Scorpion s’articule autour de trois grandes familles de missions:
-D’une part, les opérations de patrouille, armées ou non. Qu’il s’agisse de surveillance des frontières ou des approches maritimes, de l’intervention rapide suite à une catastrophe naturelle ou encore de l’escorte d’un convoi héliporté. Avec une autonomie pouvant atteindre 6h avec des réservoirs externes, l’appareil ne devrait pas nécessiter de moyens de ravitaillement en vol, simplifiant d’autant plus la logistique des opérations pour les petites forces aériennes.
-Ensuite, évidemment, des missions de Close Air Support, le soutien aérien rapproché aux troupes alliées au sol. Ici, la grande autonomie de l’appareil servira à orbiter plusieurs heures au dessus d’une zone donnée, l’appareil se tenant prêt à délivrer ses armes sous faible préavis.
-Enfin, les missions d’entrainement. L’appareil étant biplace, facile à prendre en main et à entretenir, il peut également simuler à la demande les qualités de vol mais aussi la plupart des équipements d’un appareil de combat de 4ème ou de 5ème génération.
Toutes ces missions ont en commun qu’elles nécessitent avant tout une grande autonomie et une grande robustesse de la cellule plutôt que des performances en terme de vitesse ou d’altitude de vol. Afin de s’adapter au mieux à ces différentes missions, l’appareil dispose d’une importante baie à équipement ventrale, entre les deux réacteurs. Modulaire, cette soute permet d’emporter jusqu’à 1,4t d’armement, d’équipements électroniques (optronique infrarouge, radars etc.) ou de carburant supplémentaire. D’autres munitions, équipements ou réservoirs pouvant être embarquer sous 6 points d’emport sous voilure.
Potentiel d’évolution
L’appareil présenté actuellement au Bourget, et qui a entamé depuis un an une tournée de démonstration internationale, n’est qu’un démonstrateur. Il sert avant tout à démontrer la validité du concept, mais aussi à voir ce qu’il convient d’améliorer pour la suite du programme.
Le second appareil, qui devrait être représentatif de la version de série, gardera la ligne du Scorpion actuel, mais incorporera quelques modifications. La voilure qui est droite actuellement présentera une très légère flèche, de l’ordre de 4°. L’empennage de l’appareil incorporera des compensateurs, le train d’atterrissage sera modifié, et l’avionique de l’appareil devrait être également représentative de l’avion d’arme final.
La modularité de la cellule devrait être améliorée également. Au delà de la soute ventrale, c’est la voilure elle-même qui pourrait être remplacée facilement pour s’adapter à des besoins de police du ciel ou d’entraînement par exemple. Mais cela dépendra des besoins exprimés par le client potentiel.
En attendant le premier vol de cette version définitive prévu l’année prochaine, le Scorpion va continuer ses vols de démonstration à l’intention de diverses forces aériennes. Après une campagne promotionnelle en Amérique Latine le mois dernier, l’appareil quittera le Bourget pour une campagne en Europe de l’Est. Avec un prix de 20 millions d’euros, soit deux fois moins qu’un Gripen, mais surtout un coût à l’heure de vol annoncé à 3000$ de l’heure, quand un F-16 dépasse les 20000$, le Scorpion espère pénétrer le marché des nouveaux membres de l’OTAN, qui n’ont pas toujours les finances nécessaires à l’acquisition et surtout le maintien en ligne de chasseurs supersoniques modernes.