Les choses avancent, mais bien trop lentement. Les décisions prises, si elles ne mettent pas en péril la très faible capacité de l’Europe à faire face à ses propres besoins, ne l’améliorent pas non plus significativement. L’achat de 4 avions ravitailleurs par trois pays, même si cela reste positif, c’est apporter quelques bouteilles d’eau supplémentaires pour éteindre un incendie de forêt.
Même lorsque les avions de combat sont déployés localement, comme sur le Théâtre Afghan par exemple, bien des missions consistant à offrir un support aux troupes déployées au sol, pouvaient durer jusqu’à 5 ou 6 heures. Les avions faisant des rotations au-dessus d’axes prédéfinis, attendant le fameux TIC (Troop In Contact). Dès lors, les pilotes fonçaient vers les zones d’action, pouvant intervenir dans un délai relativement court, de l’ordre de la dizaine de minutes.
Sans avion ravitailleur, point de zone d’attente. Et sans zone d’attente, les soldats sont obligés d’attendre qu’un avion veuille bien décoller. Et la mise en oeuvre d’un avion de combat, même en alerte, est coûteuse en temps. Temps auquel il faut rajouter le délai de transit vers la zone de combat…
Si l’on regarde le cas uniquement français, le besoin est criant. La zone d’action de l’opération Barkhane est énorme. Tellement énorme qu’il serait impossible à un quelconque avion de combat de pouvoir décoller, rejoindre une cible désignée, et rentrer en comptant sur ses propres réserves de carburant. Un avion ravitailleur est donc obligatoire. Si nous nous rappelons de l’opération Harmattan en 2011, les avions opéraient directement depuis la France jusqu’en Libye. Là encore, sans ravitailleur, seule la Marine et son groupe aérien embarqué aurait pu intervenir. Plus récemment, les opérations au Moyen-Orient, où les Rafale français sont déployés aux EAU, sont à plus de 1 000 km du théâtre des opérations.
L’Armée de l’Air française dispose aujourd’hui de 14 ravitailleurs, tous bien plus âgés que leurs pilotes. C’est que normalement, la flotte d’avions ravitailleurs est dimensionnée pour les seuls besoins des forces aériennes stratégiques, pour la seule mission de la dissuasion nucléaire…
Non, ce n’est pas seulement un effet d’optique ! L’A330 MRTT (ici australien) et bien plus imposant que le C-135FR qu’il va remplacer en France. |
Bien qu’enfin, l’année dernière le ministère de la Défense a annoncé l’achat d’Airbus A330 MRTT Phénix (dénomination Armée de l’Air uniquement), et considérant que ces appareils apporterons une capacité très supérieure aux antiques KC-135R et C-135FR qu’ils ne remplaceront même pas nombre pour nombre, ils seront bien insuffisants, et nous dépendrons encore de nos alliés… Américains, puisque l’Europe n’est pas mieux lotie.
L’Allemagne dispose de 5 A310 MRTT, l’Espagne de 5 KC-130H, la France de 11 C-135FR et 3 KC-135F, l’Italie de 4 KC767, les Pays-Bas de 2 KC-10, et le Royaume-Uni de 14 Voyager KC2 et 3, en cours de livraison. Soit, 44 avions spécialisés dans cette mission. Nous ne comptons pas les avions de transport pouvant être transformés temporairement pour cette mission.
En considérant l’ensemble des armées de l’air présentes en Europe, ces 44 ravitailleurs ( de 7 types différents) sont à comparer aux quelque 2 000 avions de combat (le chiffre est à relativiser) . À titre de comparaison, la seule US Air Force dispose de plus de 400 ravitailleurs de trois types, pour un nombre d’avions de combat similaire…
Et de penser que l’USAF se pense (et elle l’est sans aucun doute) dans l’urgence, avec son programme KC-X, de remplacer ses avions ravitailleurs afin de ne pas voir ses capacités opérationnelles fortement dégradées, alors même qu’ils disposent de pratiquement 10 fois plus d’avions !
Les chiffres étant posés, et comme il n’est plus nécessaire d’expliquer pourquoi un ravitailleur est indispensable, je laisse le libre choix à nos lecteurs de faire leur propre conclusion concernant les capacités de l’Union européenne à faire face aux défis posés par le contexte actuel.
Nous vous laisserons juste un dernier chiffre, pour la forme. L’US Air force dispose d’un avion ravitailleur pour 5 avions de combat en service. En Europe, ce chiffre monte à 45.
9 Comments
Anonyme
Raisonner en terme d'Union Européenne est à mon sens l'erreur que vous faites. L'Europe de la défense n'existe toujours pas, hormis la brigade franco-allemande et le tiger meet. Par conséquent, chaque pays achète les ravitailleurs en fonction de ses propres besoins, et pas en se demandant ce qu'il faudrait pour l'Europe.Il suffit de voir les récents conflits aériens (Lybie, Mali, entre autre), combien de pays européens y sont allés?
Partant de cette nouvelle façon de penser, on peut dire que la flotte est suffisante, puisque de toute façon, ça coûte moins cher de louer un avion, ou de demander l'aide d'un allié, que de l'acheter, et l'entretenir (comme les AN 124)
Bruno ETCHENIC
Si il n'y a pas d'Europe de la Défense, il y a une Europe politique. Et cette Europe là s'engage dans des opérations extérieures. Certes, c'est faible.
Mais pour reprendre l'exemple de la Libye, la grosse majorité des éléments de combat déployés furent européens, les américains s'étant désengagés de ce conflit. Par contre, 75% des ravitaillements en vol le furent par eux. Ce qui veut dire que pour une fois que les européens se sont entendus sur une action, celle ci n'a été réalisable que parce que les américains ont bien voulu participer.
Et en ce sens là, il n'y a pas d'erreur. Ensuite, je compare les moyens aérien de l'Europe, car c'est plus simple, ça donne un point de vue facile à réaliser.
Au niveau national, c'est insuffisant également. Ni les anglais, ni les français, qui sont pourtant les pays européens les mieux fournis (sic) ne peuvent subvenir au biberonnage de leurs propres appareils, sauf de façon extrêmement ponctuelle, et avec de faibles forces déployées.
Anonyme
Oui, mais effectivement, une analyse précédente montre que la France (et peut-être est-ce vrai pour tous les pays d''Europe) n'a pas les moyens d'intervenir durablement de façon indépendante s'il faut engager des forces au sol. C'est acquis. Donc la flotte de ravitailleurs est cohérente avec cet état de fait.
La France n'est plus une puissance militaire de premier plan, il faut s'y faire. Dans un pays avec un tel déficit, c'est difficile d'essayer de tenir la position du donneur d'ordre. C'est dommage mais il faut être réaliste et avoir les ambitions de ses moyens.
Ce qui est le plus dommage c'est qu'on a créé l'Europe justement pour faire jeu égal avec les autres puissances économiques et politiques. Mais au lieu de revendiquer cette indépendance, on est resté dans l'OTAN à la botte des USA. Tant qu'on aura pas réglé cette question, c'est inutile de revendiquer jouer à jeu égal.
Ca déborde un peu sur le thème "qui a créé l'Europe" et "Pourquoi on a créé l'Europe"…
Haikai
Je serais un peu plus mesuré que vous, pour dire que "la France n'est plus une puissance militaire de premier plan"… car actuellement, il n'y a que les USA et la France qui disposent des moyens militaires pour intervenir par tout dans le monde… certes les moyens français sont plus modeste par rapport aux moyens étasuniens, mais ils n'ont que près peu d'équivalant dans le monde…
Haikai
Anonyme
L'UE c'est faite par les USA pour éviter que l'ouest ne deviennent communiste. Voir les documents déclassifiés américains.
Allez lire l'article 42 du TUE , il subordonne l'UE à l'OTAN. G.bush à déclaré en 2001 : Toutes les nations devraient comprendre qu’il n’y a aucun conflit entre l’appartenance à l’OTAN et l’appartenance à l’UE.
L'affaire des mistrals, les sanctions contre la russie , le TAFTA, … faut arrêter avec ce mythe de l'UE construite pour faire contre-poids au USA.
Haikai
Restons dans le domaine aérien, svp…
Personellement, je ne suis pas atlantiste, comme beaucoup de ceux qui aiment le Rafale. En tout cas, c'est ce que je pense… alors restons positif pour l'avenir.
Haikai
Barnabé Abboud
C'est bien là le problème ! Aujourd'hui l'Europe n'est que la somme des pays qui la composent. Je trouve très bien de lire un article parlant de l'Europe dans sa globalité et comme une unité. L'Union (Européenne) fait la force ! Et c'est surtout une réalité sur le terrain (que ce soit militaire ou économique)
pyrignis
Bonjour, premier commentaire sur votre sitre que j'ai découvert (et dévoré) il y a peut de temps.
Pour ce qui est des avions ravitailleurs, la capacitée (prévue) de ravitaillement des nombreux A400M commandés par des pays européens peut-elle compenser les manques lors d'opérations de projection de puissance?
Bruno ETCHENIC
Ca peut aider effectivement, mais ce n'est pas la solution. Pour le temps sur zone et la quantité de carburant transféré ce n'est pas la panacée. D'ailleurs, je n'ai pas pris en compte les transall ng qui peuvent faire cette mission, ni les nombreux transalls équipés pour se faire. Ni en Europe, ni aux US.