La conférence annuelle de Dassault Aviation a été l’occasion d’obtenir beaucoup de réponses sur les différents marchés export dans lesquels le Rafale est en lice. Beaucoup de questions nous ayant été adressées, nous faisons un point sur les faits qui ont été éclairés.
Lire : Dassault Aviation Résultats 2014 et perspectives futures
Seulement 5 Rafale pour la France en 2015
Beaucoup d’incompréhension au sujet des livraisons de Rafale en 2015. Effectivement, contrairement aux autres années, seulement 8 Rafale seront livrés au total, au lieu des 11 habituels. 3 avions seront livrés à l’Égypte, 5 à la France, et les 3 derniers qui seront bien construits ne seront livrés à l’Égypte qu’au début de l’année 2016, le temps de les modifier. Ce qui fait qu’en 2016, 14 appareils seront effectivement livrés.
Égypte :
Le contrat est effectif, un premier chèque d’acompte ayant été reçu début février. Sur les 24 Rafale prévu pour l’Egypte, le calendrier de livraison n’est pas encore définitivement fixé, il est en cours de discussion. Nous connaissons seulement le sort des six premier Rafale.
Les modifications à apporter au Rafale concernent le démontage des équipements de communication aux normes OTAN, et le système de double clé, propre à la France, permettant le lancement du missile ASMPA à tête nucléaire. Certainement que des éléments logiciels du système de combat propre aux armées françaises sont également désactivés.
Les trois premiers avions ne sont pas modifiés, et sont livrés immédiatement. Nos sources n’ont pas confirmé la raison pour laquelle ils ne subissent pas encore les modifications, pourtant prévues sur les trois Rafale suivant. La raison semble logique, mais reste une interprétation de notre part. Les 3 premiers Rafale, bien que livrés à l’Égypte, resterons en France, sur la base aérienne d’Istres le Tubé, sur laquelle les premiers pilotes Égyptiens seront formés. Cet été, les avions et leurs pilotes, très certainement accompagnés par des Français, participeront au défilé d’inauguration de l’agrandissement du canal de Suez.
La non-modification des appareils peut être liée à plusieurs facteurs. Premièrement, et vu l’urgence dans laquelle les livraisons sont intervenues pour répondre au jalon du mois d’aout, il se peut que les détails des modifications ne soient pas encore définitivement fixés. Mais rien n’empêchera que les appareils soient modifiés à Istres, avant de traverser la Méditerranée.
Autre probabilité, le chiffre de 24 appareils pour une armée de l’air aussi importante quantitativement, soulève des questions. Bien que les Rafale offrent des capacités bien supérieures aux F-16 et n’est même pas comparable aux Mirage V ou Mig 21 qui doivent être remplacés, l’Égypte ne peut pas reconstituer son potentiel avec un nombre si faible d’avions. De prochaines tranches d’achat, à moyen terme, ne sont donc pas à exclure.
L’Inde :
Pour la première fois de son histoire, Dassault Aviation sera co-traitant avec un autre constructeur, HAL, sur les appareils qui seront produits en Inde. Les principaux points de blocage semblent désormais levés.
Concernant les allégations des prix du programme MMRCA qui auraient doublé, Dassault Aviation affirme que le devis présenté en réponse au RFP n’a pas bougé. Si l’information sur l’augmentation du coût du programme est confirmée, la raison sera donc plutôt à aller chercher du côté du partenaire Indien HAL. HAL et ses partenaires doivent en effet adapter leur outil industriel pour produire le Rafale et ses sous-ensembles. L’augmentation des coûts (si elle est effective) est donc une conséquence des complications du côté des partenaires indiens. Et ce ne serait pas une première, suite aux nombreux problèmes rencontrés dans la production des SU-30 MKI en Inde. Les négociations sont assez complexes, car le ministère de la défense indien mène les négociations de front avec le GIE Rafale, et HAL. À noter qu’HAL est une entreprise publique qui est gérée sous la tutelle de l’Indian Air Force.
À noter un mouvement de lobbying intense mené par la Russie auprès des médias Indiens ses derniers mois auxquels, pendant la conférence, le PDG de Dassault Aviation a répondu avec beaucoup de philosophie. En substance, le Rafale fait peur aux Russes, qui essaient par tous les moyens de faire couler le contrat MMRCA dans lequel leur poulain a échoué (le Mig 35), pour pouvoir vendre plus de Su-30 MKI, qui ne répond pas à toutes les exigences de l’IAF pour l’équipement de ses forces aériennes.
En Inde toujours, Eric Trappier a confirmé que la Marine avait exprimé un intérêt pour le Rafale Marine, et Dassault Aviation a répondu à un RFI (Request For Information), afin de communiquer sur les capacités de l’appareil français à opérer à partir des deux porte-avions de la marine indienne.
Emirats Arabes Unis :
Aux EAU, le dialogue avec les autorités a repris, mais pour l’instant, aucune négociation n’est en cours. Eric Trappier s’est limité à dire que les Émiriens sont très satisfaits de leurs appareils (Mirage 2000-9) qu’ils opèrent seuls, sans l’aide de la France. Ce qui leur a notamment permis d’être autonomes lors des raids de bombardements qu’ils ont menés en Libye, depuis l’Égypte.
Notez que les Émiriens, comme les Qataris, sont extrêmement sensibles aux informations divulguées à la presse. Par expérience, il est fort peu probable qu’une annonce officielle d’une probable bonne nouvelle ne soit faite avant une communication officielle d’un accord, même d’entente.
Qatar :
Aucune annonce particulière de faite mise à part que les négociations sont en cours. Eric Trappier n’a pas souhaité commenter la question d’un journaliste avançant que les discussions auraient atteint un stade final. Ce qui au final est plutôt bon signe.
Malaisie :
Concernant la Malaisie, Dassault Aviation est en discussion avec les autorités. Mais une décision d’achat n’est pas encore prise, et aucun calendrier n’est encore fixé par le pays.
France et production annuelle:
Pour revenir à la France, M. Trappier a confirmé que les livraisons de Rafale faites à l’export, conformément à l’actuelle loi de programmation militaire, ne seront pas décomptées des appareils commandés.
Sur la période de 2014 à 2019, 66 avions seront produits, mais 26 seulement sont prévus pour équiper les armées françaises. Le delta, soit 40 appareils, doivent trouver preneur à l’étranger, ceci afin d’équilibrer les budgets d’équipements. Ces 40 avions non livrés à la France ne sont pas à décompter des 180 Rafale pour le moment officiellement commandé, mais repoussent cette livraison. De ce fait, la quatrième tranche de production sera repoussée tant que tous les appareils prévus n’auront pas été livrés, ce qui repousse l’arrivée, et les négociations pour une cinquième tranche de production.
Actuellement, le GIE Rafale produit un Rafale par mois (11 par an, en comptant le mois d’août, pendant lequel la production est à l’arrêt). La production est prévue pour augmenter d’un ratio de 2.5, soit 30 Rafale produits par année, en cas d’embellie à l’export.
5 Comments
Anonyme
Petite coquille en début d'article : Sur les 24 Rafale prévu pour l’Inde??? Plutôt pour l’Égypte, non ?
Bruno ETCHENIC
Vu. Fatac m'a également fait la réflexion… A moins que ce ne soit vous ?
Anonyme
Non ce n'est pas Fatac, même si je lis grandement (trop) Air-Défense !
Anonyme
Pour le Qatar, la vente à l'Egpte n'a surement pas accéléré les choses…
Haikai
Merci pour ces informations…
Mais pourriez-vous préciser ce que vous entendez par "Dassault Aviation sera co-traitant".
Ce dernier terme de "co-traitant" me semble intéressant à définir, pour mieux comprendre les responsabilités que Dassault a accepté de prendre en charge, ainsi que les droits qu'il pourrait avoir acquis face à Hal.
Cordialement,
Haikai