L’efficacité du Tigre et son apport pour l’armée de terre ne sont plus à démontrer. Depuis l’Afghanistan jusqu’au Mali en passant par la Libye, le Tigre a été pour l’armée française en général, ce que les Américains pourraient appeler un « game changer ». De toutes les couches de soutien dont peuvent bénéficier les troupes au sol, l’hélicoptère de combat est, et de loin, leur meilleur atout.
Avec le Tigre l’armée française a opéré non pas un saut, mais une mise sur orbite de ses capacités ! Pardonnez-nous cette image un peu légère, mais il serait difficile de résumer en quelques mots les apports de l’appareil de combat franco-allemand en rapport du type d’appareil dont elle était équipée auparavant, la Gazelle. Bien que n’étant pas un mauvais hélicoptère, la gazelle avait été conçue dans un tout autre esprit. Celui d’un hélicoptère léger, abordable, à la limite du consommable, rustique, et capable d’être déployée en nombre face aux chars du pacte de Varsovie. En réfléchissant à son successeur, la France, toujours en pleine guerre froide, s’associe à l’Allemagne. Une coopération fructueuse qui donnera naissance à Eurocopter, désormais Airbus Helicopters, le groupe numéro un mondial des voilures tournantes.
En rapport avec la gazelle, le Tigre vient d’une autre dimension. Vitesse, autonomie, capacité d’emport d’armement, canon précis, biturbine, et… étudié pour prendre des coups ! Au niveau des coûts, que ce soit de l’acquisition ou du maintien en conditions opérationnelles (ou MCO), l’Aviation Legére de l’Armée de Terre (ALAT) est également entrée dans une nouvelle dimension. Et alors que le programme a survécu à la chute du rideau de fer, et que le matériel de l’ensemble des armées françaises (et Européennes) avait besoin d’être renouvelé, les dividendes de la paix ont sabré dans les dépenses de façon aveugle, obligeant les états-majors à jongler entre les urgences et avec un budget de plus en plus serré.
L’auteur de cet article tiens à remercier personnellement Philippe Top-Action, sur forum Air-defense.net, qui a recueilli et synthétisé la quasi-totalité des données présente dans cet article. Ses écrits sont repris avec son aimable autorisation.
Les photos proviennent respectivement de deux de nos photographes: Pierre Etienne Langenfeld (Site Internet et Page Facebook) et Patmode (Site Internet )
Tigre accompagnant un NH-90. Vision moderne et actuelle de l’ALAT, mais qui peine à monter en puissance. |
80 Tigre pour l’armée de terre
40 Tigre en version HAP (Hélicoptère Appuis Protection) livrés, moins un perdu en Afghanistan
40 Tigre en version HAD (Hélicoptère Appuis Destruction) commandés
20 Tigre HAP modernisés en version HAD
Pour rappel, la cible initiale du nombre de Tigre à commander pour la France était de 215 appareils, et 212 pour l’Allemagne. Elle a ensuite été réduite à 120 puis à 80… Rien n’indique que cette cible ne puisse encore être réduite. (Rien n’est officiel ni la DGA ni le CEMAT, ni l’ALAT ni le MINDEF annoncent l’information parue dans defense.news.
officiellement donc, le chiffre final de la cible d’hélicoptères à commander est maintenu dans le flou.
Baisse du coût du programme de 30 %
Pour assimiler les coupes budgétaires, les armées françaises ont été contraintes de repousser leurs acquisitions, et d’étaler les programmes, puis de réduire les commandes. Si au niveau mathématique, le coût de la totalité du programme a baissé de 30%. En le réduisant le devis de 3 milliards d’euros sur programme initial, mais en réduisant le nombre d’appareils commandés de près de 60%, en étalant les acquisitions jusqu’en 2019 (au lieu de 2013 initialement), en abandonnant une version (HAC – Anti-Char) et en développant une nouvelle version multirôle (HAD), le programme a connu d’énormes mutations. En divisant le coût total du programme par le nombre d’appareils commandés, soit 5,9 milliards d’euros et 80 unités, le coût unitaire brut de chaque hélicoptère a augmenté de près de 80% (78.8% exactement – source DGA 2009 et rapport de la Cour des Comptes).
Précisons que le coût évoqué ici est une simple division incluant l’industrialisation, ainsi que la recherche et le développement. Le coût de production est inférieur à ce coût. En 2010, le coût unitaire était de 73,7 millions d’euros, contre 41,4 estimé au début du programme. (Les coûts sont exprimés en TTC, soit respectivement 58,96 et 33.12 millions d’euros hors taxes).
Baisse du format des armées. Capacité d’aérocombat en péril ?
D’un point de vue d’aérocombat, approche capacitaire, besoins opérationnels, stratégie de moyens, tactiques, ainsi que les leçons à tirer des enseignements du RETEX Britanniques présents sur plus de 10 ans et constants sur les théâtres opérationnels TOE Afghan et Irak. On relève que l’ AAC avait reçu 67 AH64 Apache, moins une attrition à noter, pour en mettre 48 en ligne dans trois escadrons de 16 appareils.
Ainsi maintenant, il est apparu que Les Britanniques déchantent ; ils n’ont pas assez d’hélicoptères de combat pour réaliser toutes leurs missions d’aérocombat, d’aéromobilité, d’assaut héliporté, pour armer leur 16 th Air Assault Brigade …Pourtant, ils ont ou auront 28 AW159 Wildcat en complément des 48 Apache en ligne …les AW159 seront armés.
D’un point de vue DTO/MCO sur les appareils employés en OPINT OPEX, on note ceci:
On constate une forte baisse depuis quelques années de l’activité opérationnelle de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT). Elle résulte d’une faible disponibilité de certains matériels, qui ne permet pas un entraînement optimal des équipages. Cette difficulté récurrente est accrue par le caractère très abrasif des théâtres africains et l’usure qui en résulte, ainsi que par la période d’engagements intenses. Ces périodes entraînent en effet des phases dites de « régénération » pour les équipages et les équipes de maintenance, et la nécessité de reconstituer les stocks.
En outre, les périodes d’entretien des hélicoptères se sont sensiblement accrues. Le niveau a toutefois pu être stabilisé, en raison surtout de l’arrivée progressive d’appareils de nouvelle génération ou sortant de chantiers de rénovation.
Alors que la comparaison avec les forces terrestres américaines n’est guère pertinente, elle est possible avec le Royaume-Uni et l’Allemagne, moyennant certaines précautions, notamment au regard des engagements effectifs sur le terrain. On estime cependant que l’armée de terre française connaît une activité légèrement moindre, même si celle-ci reste relativement bien équilibrée entre missions et préparation. Le décrochage progressif de l’activité ALAT par rapport aux normes OTAN, liée aux problèmes de régénération de l’ALAT, appelle cependant une vigilance renforcée.
Niveau taux entrainement HDV, comparatif UK & USA
Pour conclure
La définition des capacités de cet appareil, dont les travaux ont commencé fin 1978, est le résultat d’une coopération entre la France et l’Allemagne, puis également avec l’Espagne ; aujourd’hui, 85 % des aspects mécaniques du Tigre sont communs aux trois pays, les différences tenant principalement à l’avionique et à l’armement. L’hélicoptère recherché à l’origine devait offrir une capacité antichar (HAC) et un appui-protection (HAP) ; ce besoin a évolué avec le changement de contexte stratégique : en 2003, la France a abandonné le HAC et a retenu, outre l’appui-protection (HAP), une capacité d’appui-destruction (HAD). La version HAP dispose d’un canon de 30 mm et de roquettes, et peut embarquer quatre missiles Mistral ; la version HAD peut embarquer, en outre, des missiles de destruction au sol (Hellfire 2).
Ce programme est l’un de ceux qui ont été touchés le plus fortement par les contraintes budgétaires. En 1987, l’objectif était de 215 hélicoptères. Cette cible a d’abord été réduite, en 2003, à 120 unités, puis, dans la LPM 2009-2014, à 80 appareils (40 HAP et 40 HAD) ; soit, au total, une réduction de plus de 60 % de l’objectif initial. La cible globale prévue par la LPM est de 140 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque.
Les livraisons du Tigre ont commencé en 2005 et sont planifiées jusqu’en 2019 (celle de 4 hélicoptères HAD est prévue pour 2015). La mise en service de l’appareil a été effectuée en 2012, mais un premier déploiement opérationnel avait eu lieu en Afghanistan dès 2009 ; son utilisation est prévue jusqu’en 2040.
Le programme Tigre prend en compte la réalisation des versions HAP et HAD de l’hélicoptère, puis la transformation progressive en un parc homogène de HAD. Son coût total est de 6,588 milliards d’euros aux conditions économiques de 2014.