Au retour d’un voyage de presse organisé par l’armée de l’air, nous avons pu assister à un événement relativement exceptionnel en tant que passagers, tant pour ce qu’il est que pour son intensité. La PO, ou permanence opérationnelle, et une de ces missions prioritaire de l’armée de l’air, qui garantit la surveillance du ciel national, et déclenche, si le besoin s’en fait sentir, une interception de tout aéronef en difficulté, en danger, perdu, qui ne répond plus à la radio ou qui s’écarte de son plan de vol, etc. Le pire des cas étant un détournement intentionnel, la mission pouvant aller, le cas échéant, jusqu’à la destruction d’un appareil devenu hostile, sous les ordres directs du premier ministre de la République. La mission est extrêmement exigeante, car elle implique toute la chaine de décision-action, depuis les contrôleurs, jusqu’aux pilotes en passant par les donneurs d’ordre, les mécaniciens, etc. La mission est une assurance, une sécurité pour le ciel français (pays le plus survolé au monde je le rappelle), et un engagement de tous les instants, H24, 7J7.
Un article plus complet de cet événement sera à paraître dans un prochain numéro d’Air Fan.
Voici la vidéo, filmée avec les moyens du bord, APN Reflex et Smartphone;
Récit d’un passionné
Maintenant que ce point est fait, je tenais à vous faire partager, chers lecteurs passionnés par les choses de l’air, de cet intense moment vécu comme un cadeau du ciel, une grande première pour moi. Je me permets donc de poser, le temps d’écrire ces quelques lignes, ma casquette de rédacteur de ce site, pour m’exprimer tel que je suis : un homme passionné, pour vous dire ce qu’on ressent, là-haut, quand ça arrive, après des années à espérer qu’un jour un pointu vous croise dans le ciel. Car ce site ne s’appelle-t-il pas le portail des passionnés de l’aviation ?
Cela fait maintenant plus de quatre ans que j’ai lancé ce blog. Très modeste au départ, j’ai pu, NOUS avons pu nous exercer à écrire, puis au fil du temps corriger nos maladresses, apprendre à maitriser nos sujets, à mettre nos émotions de côté. Devenir plus professionnels en somme. Et ça a payé, car depuis quelques mois, des professionnels nous apportent leur confiance. Notre média prenant de l’importance (vous êtes plus de 30 000 à nous lire régulièrement – merci) nous recevons des invitations pour des évènements spéciaux, dont celui-ci, un voyage de presse organisé par l’armée de l’air, au départ de Villacoublay pour l’exercice Serpentex (article à paraître), en Casa CN235. Si c’est le quotidien de nombreux journalistes, j’espère que jamais je ne me lasserais d’un vol militaire, quel qu’il soit. En tout cas, celui-là restera mémorable.
Nous avons rendez-vous à 7h30 à l’escale de Villacoublay. Le vol est prévu pour 8H15, l’occasion de prendre un café, avaler un croissant et discuter avec les personnes présentes. Un collègue d’Air Fan, un vieux Briscard qu’on ne présente plus, un confrère d’Air & Cosmos, des photographes d’origines diverses, quelques généraux qui comptent, et Jacque Krine, dont la célèbre moustache accompagne tous les évènements aéro quels qu’ils soient depuis…
Bienvenue au Paradis
L’heure est venue d’embarquer, et vu que nous ne sommes pas nombreux, une ambiance conviviale s’installe. Il nous est proposé de prendre place sur le strapontin dans le cockpit, pour rendre ce vol encore plus agréable. De temps en temps, faut savoir laisser tomber le paraitre. La main bien haute, et devant mon enthousiasme, je ne laisse pas trop le choix à l’équipage… Je serais le premier, donc bon pour le décollage. Après quelques minutes de vol et avant de laisser ma place, j’ose poser au commandant de bord une question qui aura son importance dans la suite du récit.
Pour l’enthousiaste des choses de l’air que je suis, surtout pour les chalumeaux de toute sorte, la journée est tout simplement magique. Au plus près des opérationnels, nous les abordons sans aucune restriction. Sur la base, on a droit à une présentation de l’exercice par le commandant de la base et le directeur de l’exercice. Ça se passe dans l’amphithéâtre du nouveau bâtiment accueillant le Neu-Neu, tout neuf ! Dans la salle Ops, on cherche du regard ceux qui ne sont pas trop absorbés dans leurs préparatifs pour leur poser des questions. C’est tellement « open-bar » qu’il va falloir que nous nous imposions nous même nos propres restrictions lors de nos publications, sous peine de prendre le risque de ne plus être invités…
Dehors, la simple précaution qu’on nous impose est le port d’un chasuble. Je me suis joint au petit groupe de 5 photographes présents, en plein milieu du tarmac, posant mon sac à l’ombre de l’aile d’un -5. L’ambiance est très opérationnelle. 2 Hawks et quelques Rafale viennent de partir sous nos yeux, le larsens dans ma cavité crânienne s’estompe à peine que, en file Indienne, passent devant nous 6 mirage 2000D direction les hangarettes, avions dont j’ai loupé le break à cause du bruit des moteurs…. Il y a de l’activité, de la belle, et Dieu que ça sent bon ! Les effluves de kérosène brulé finissent de poser le décor, et titillent nos narines d’une odeur malheureusement trop peu familière. Les passionnés sont des fous. On ne vous l’a jamais dit ?!
Après toute une journée de présentation de l’exercice Serpentex sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan, le temps est aux préparatifs du retour. Nous sommes donc raccompagnés vers notre avion. Le pilote me glisse un léger rictus « ça devrait se faire, y’en aura peut-être même deux ! »
Là, vous vous doutez très certainement du contenu de la question posée quelques heures avant…
RAFALE À GAUCHE !!!
1H45 de vol prévu pour le retour, à cause d’un vent de face de 25 nœuds qui nous poussait dans le dos le matin même. Le vol va être plus long. Et effectivement… La première heure va être longue ! L’attente est d’autant plus insupportable que rien n’est acté. Ça arrivera, ou pas… Mais dans mon excitation à peine masquée, et malgré le risque d’une grande déception, je préviens les copains de ne pas trop bien ranger le matos photo, sait-on jamais. Debout depuis 5heures du matin avec peu d’heures de sommeil au compteur, je me retiens de m’assoupir. Je ne voudrais surtout pas manquer… RAFALE À GAUCHE !!!
J’avais donc fait le bon choix. Bien placé, je le vois là, sous mes yeux. Personne ne l’a vu arriver. Certainement qu’il observait notre oiseau depuis un moment en toute discrétion avant de se montrer. Que c’est beau ! La qualité du pilotage fait qu’il n’esquisse pas le moindre soubresaut. Il se permet même de lâcher le manche pour nous prendre en photo. Et il prend son temps ! La qualité des œuvres de la maison Dassault y est certainement pour quelque chose, mais là, figé dans l’espace, collé sous notre aile, le spectacle a quelque chose d’irréel, de surnaturel.
Jamais encore, et c’est une réelle première, je n’avais vu un avion de combat en vol… Depuis les airs. Il y a des choses, des sensations que même le plus fin des écrivains ne pourrait décrire, même en y déployant tout son talent. J’ai beau avoir fait des progrès, que déjà je me disais « mais comment vais-je raconter ça aux copains ? ».
Et puis enfin, il bouge. Tout en souplesse, il augmente l’étagement, et glisse en dessous de nous pour réapparaitre à tribord et se figer sous l’aile droite, sans aucune hésitation. Il répètera la manœuvre plusieurs fois et nous accompagnera pendant au moins 30 minutes. Enfin à peu près. Accrochés aux hublots, nous sommes rentrés dans un autre espace-temps, ou tout va très vite. Et très lentement.
Le temps passe, et je délaisse quelque temps notre Rafale pour surveiller un autre bout de ciel. Mon petit doigt m’a dit qu’un autre delta, un pur de la DA celui-là, aller pointer le bout de son museau pointu dans pas longtemps…
MIRAGE À GAUCHE !
Ha, HA ! Cette fois-ci, c’est moi qui l’aurais annoncé ! Arrivé tout spécialement de Lorient via un décollage sur alerte, ce 2000 du 2/5 vient relever le Rafale. Bien que ce dernier aurait eu assez d’autonomie pour nous accompagner jusqu’à Villacoublay puis rentrer, le CDAOA a cru bon de tester l’ensemble des procédures ce jour-là, et grand bien leur en a pris ! La présence des journalistes et des photographes n’y aura été certainement pas pour rien. Mais pas non plus la présence d’un général ayant commandé ce même organisme situé sur la base de Lyon Mont Verdun, et qui a pu apprécier l’efficacité du dispositif qu’il a lui-même contribué à maintenir quelques années auparavant. Cerise sur le gâteau, c’est avec la complicité de l’équipage qu’il prend le micro et nous explique en détail le tableau qui se déroule sous nos yeux ébahis, et mes yeux larmoyants (oui j’ai pleuré, et alors ?!).
Après tant de temps et d’argent investi, toutes ces soirées à écrire, à publier, à corriger, à faire, défaire et refaire… On ne pense plus aux erreurs commises, aux commentateurs acerbes et éternels mécontents qui ne loupent pas une occasion de nous le faire savoir de la pire des manières (ça me pèse souvent), j’ai vécu ce moment extraordinaire comme le plus beau des cadeaux aéronautiques qui m’ont été donnés de recevoir. Et je tenais à vous partager ce moment, le plus humblement possible.
Je terminerai en m’adressant à tous les jaloux et envieux. Je ne vous en veut pas, jusqu’à hier, j’en étais, et je le suis encore dans bien d’autres domaines: “Il faut savoir provoquer sa chance”.
9 Comments
Nenel
Je t'imagine Bubzy avec les yeux remplis de larmes mais aussi avec pleins d'étoiles dedans. Comme un gosse qui vient d'ouvrir son gros cadeau de Noël qu'il a rêvé toutes les nuits depuis des années….. Super moment, je n'en doute pas une seconde et j'en suis très heureux pour toi, très sincèrement.
Le_Renard_Polaire
Merci de partager ce bout de rêve avec nous.
Je suis également très content pour toi !
Romain J.
Félicitations pour ce beau grand moment !! Nombre d'entre nous aurait aimé partager cette expérience. Mais quel cadeau de l'armée de l'air.
Sayanel
Bravo pour nous avoir fait vivre avec tellement de passion ce moment magnifique !
Tes articles sont habituellement techniquement parfaits, mais là, nouvelle dimension: l'émotion !
Ce rafale, non seulement il est magnifique, mais il a l'air doux et précis aux commandes. Les gens de chez Dassault peuvent être fier.
kerlo
Grand merci pour ce chouette article.Vidéo très sympa.
Je ne savais pas que la France est le pays le plus survolé au monde.
Petite question en passant:à quelle altitude est le Casa sur la vidéo?(à quelle altitude ça vole un Casa en mission de transport?).
Bruno ETCHENIC
l'aller, 17 000 pieds. Le retour je ne sais pas, je n'étais pas dans le cockpit. Mais à une vache près… C'était la même.
kerlo
Merci pour la réponse. : )
Anonyme
Très bel article! Merci!
Fabreg
Merci beaucoup pour ce fabuleux article, pris avec mon smartphone de l'époque :
http://www.hostingpics.net/viewer.php?id=745239mirage2000.png