Par deux fois au moins, l’aviation Emiratie a fait parler la poudre en Libye à la fin du mois d’août. L’information sur cette opération est surprenante à plus d’un titre, et soulève d’intéressantes questions et débats, parmi lesquels le durcissement de la politique extérieure des EAU via l’utilisation de moyens militaires directs, qui à court terme peut influencer une nouvelle vision de la donne géopolitique de la région. Le lieu de départ du Raid (l’Egypte), comme les moyens utilisés (entre autre Mirage 2000), sont également très riches d’enseignements.
Si, quelque jours avant les révélations nous avions eu connaissance de raids aériens sur l’aéroport de Tripoli, théâtre de violents combats depuis plusieurs semaines entre différentes milices, et qu’il était clair qu’aucun avion Libyen n’ayant la capacité d’agir de nuit et avec précision, le monde s’interrogeait sur la provenance de ces frappes. C’est le New York Times qui a révélé l’information, au travers de cet article du 25 août, embarrassant au passage la diplomatie des Emirats qui n’a pas fait de commentaires, ainsi que l’administration Américaine qui n’a pas été mise au courant de ce raid d’une part, mais qui n’a pas non plus été capable, officiellement, de savoir qui avait agi.
Cependant, une des interprétations des journalistes du NY Times s’est avérée fausse.
The officials said the U.A.E. — which boasts one of the most effective air forces in the Arab world, thanks to American equipment and training — provided the pilots, warplanes and aerial refueling planes necessary for the fighters to bomb Tripoli out of bases in Egypt. It was unclear if the planes or munitions were American-made.
L’information a été reprise dans plusieurs médias sans prendre en considération la précaution présente à la fin de la citation. Car si l’armée de l’air des Emirats possède bien des avions made in US très récents et hautement capables, le Raid a été entièrement conduit avec des moyens fournis par des constructeurs Européens : des ravitailleurs Airbus A-330 MRTT et des Mirage 2000-9, comme l’a révélé Jean Dominique Merchet, (lire cet article: Les frappes des Emirats en Libye ont été effectuées avec des Mirage 2000-9 ) sans citer de source, mais dont le professionnalisme donne toute crédibilité à l’information.
Pourquoi avoir décollé d’Egypte ?
Il est très intéressant de connaître les jeux d’alliances ayant mené à ces frappes. Pour cela, vous pouvez lire l’article du site Opex 360 qui nous éclaire sur le sujet, et nous fait mieux comprendre pourquoi les EAU ont souhaité rester le plus discret possible.
Jusqu’à présent, des pays comme le Qatar, l’Arabie Saoudite ou les Emirats Arabes Unis avaient toujours mené des guerres par interposition, en finançant des parties politiques ou des groupuscules armés. C’est la première fois qu’un de ces états décide de frapper directement un ennemi en usant de ses propres moyens militaires.
Avec ses trois ravitailleurs A-330 MRTT l’armée de l’air Emiratie aurait tout à fait été capable de mener ces frappes depuis son territoire. Mais cela n’aurait pas été discret car en effet, les installations de la base aérienne d’Al Dhafra sont également utilisées par le 380th Air Expeditionary Wing de l’US Air Force ainsi que l’armée de l’air française, qui y a implanté la base aérienne 104 active de façon permanente depuis 2008. Difficile donc d’y faire décoller deux raids de 6 Mirage 2000-9 armés bon de guerre sans éveiller une quelconque curiosité.
Ci-dessus et en médaillon: Mirage 2000-9 déployés par les Emirats sur la base de Nellis pour l’exercice Red Flag 2013
Utiliser des Mirage, une question d’indépendance ?
Si les médias US sont persuadé que les F-16 Block 60 (et bientôt 61) sont plus performants que les Mirage 2000-9, ce qui est discutable mais pas forcément entièrement faux, il est néanmoins possible de deviner pourquoi des Mirage ont été utilisés pour ce raid, en lieu et place de F-16.
Selon des contacts s’étant déjà rendus sur place, il existe un fossé entre l’utilisation des matériels d’origine Américaine, et ceux d’origine Française. Plusieurs intervenants Américains étant présents aux pieds des F-16 Emiratis, y compris dans les salles de préparation des missions qui seraient utilisées conjointement. Ce qui est un signe de coopération fort peut être gênant dans le cadre d’une opération dont on souhaite qu’elle reste discrète vis-à-vis de son principal allié.
Une force aérienne qui monte en compétence.
Non contente d’utiliser parmi les avions les plus performants au monde, l’armée de l’air des Emirats Arabes Unis a également mis le paquet concernant la formation de ses pilotes. Outre leur participation active à plusieurs exercices internationaux dont le fameux Red Flag, qui mettent à rude épreuve les stagiaires pilotes afin de les aguerrir, ceux-ci ont obtenus leur baptême du feu, il y a trois ans lors de l’opération Unified Protector… au-dessus de la Libye, déjà !
Opération au cours de laquelle les pilotes et leurs Mirage avaient déjà donnés entièrement satisfaction, à contrario des F-16 qui avaient connus quelques déboires (Les mirage 2000 ont damé le pion aux F-16).
Si le raid n’a pas démontré une portée stratégique, la capacité à pouvoir mener en toute autonomie une mission de frappe conventionnelle précise n’est pas à la portée de n’importe quelle armée. L’acquisition d’informations utiles pour le ciblage, la préparation de la mission, et l’exécution de celle-ci en usant plusieurs aéronefs ravitaillés en vol démontre un certain savoir-faire. Si les Emirats sont embarrassés par la révélation de cette affaire, le fait qu’ils interviennent de cette façon dans ce qui est leur premier engagement armé dans un conflit en dehors d’une coalition, apporte une preuve visible des moyens de cet état Arabe. L’armée de l’air des Emirats est désormais une force capable, qu’on se le dise.
8 Comments
mav06550
Le F16 meilleur que le Mirage 2000 ? lol…
Bruno ETCHENIC
on a quand même ici deux types d'avions poussés dans leur retranchement au niveau avionique avec le top du top. Avantage au F-16 tout de même avec quelques solides arguments. Si les F-16 Emiratis vont encore subir une modernisation, c'est fini pour les 2000 qui seront remplacés par d'autres avions… Des Rafale ont l'espère tous.
Anonyme
D'où tenez vous l'information que les -9 ne seront jamais rénovés ? Pour le moment aucun remplacement en vu…
Bruno ETCHENIC
Ils ne seront pas rénovés car une amélioration coûte très cher. Ce qui a été fait sur les F-16 et les 2000 n'est pas anodin. On peut presque dire qu'une nouvelle version de chacun de ces avions a été développé pour les besoins de l'émirat avec le top du top.
Plus spécifiquement pour les 2000, si les derniers livrés directement au standard -9 sont relativement récent, les autres sont des modernisation des 30 premiers avions livrés dans les années 80. La question du potentiel se pose donc, et en toute logique, on parle plus de remplacement que de modernisation.
Je ne dis pas qu'il n'est pas possible qu'il y ai quelques améliorations mineures, mais c'est fort peu probable, et illogique.
Anonyme
Intéressant de noter que l'article du NY Times ne mentionne jamais les M2000 😉
Montaudran
"Cependant, une des interprétations des journalistes du NY Times s’est avéré fausse."
Avéré faux ne se dit pas car un fait est avéré veut dire qu'il est vrai donc cette phrase pourrait être remplacé par
"Cependant, une des interprétations des journalistes du NY Times s'est révélé vrai fausse."
Jusqu’à présent, des pays comme le Qatar, l’Arabie Saoudite ou les Emirats Arabes Unis avaient toujours menés des guerres par interposition.
Interposition veut dire se positionner entre, j'utiliserai plutôt par intermédiaire.
C'était mon moment maitre Cappelo. Sinon l'article est très intéressant comme toujours.
Anonyme
Devoirs de fin de vacances Bruno, combien de bi et mono places?
Bruno ETCHENIC
Pour les biplaces, 6 de la première commande plus 12 de la seconde. Logiquement 18, mais je me demande si il n'en manque pas un à l'appel.
donc 68 – 12, 56 monoplaces. Mais j'ai pas fais l'inventaire.
J'ai juste ?