Selon certains membres du parti de centre-gauche Italien, actuellement majoritaire, Une proposition de loi serait en préparation visant à réduire la commande de F-35, jusqu’à… 45 unités ! Rien n’est toutefois confirmé, car il est possible que cette annonce ait pour but de mettre la pression sur le programme, afin d’obtenir plus de contreparties sur les plans économique, technologique et industriel.
L’Italie n’est pas le seul pays partenaire à réduire la voilure. Les Pays bas n’achèteront que 37 des 85 avions prévus. Le Canada et le Danemark ont décidé de geler leur acquisition de F-35, l’Australie a quant à elle acheté des Super Hornet supplémentaires afin de pallier au retard du Lightning II.
Alors que l’avion affiche une liste de clients à faire pâlir d’envie n’importe quel avionneur, pourquoi autant de nations se désengagent elles de ce programme ?
Réduction de commandes de l’Italie
Pour l’heure, les italiens souhaitent s’équiper d’une part de F-35A pour leur armée de l’air, et d’autre part de F-35B (version STOVL, décollage court et atterrissage vertical) pour la Marina, afin d’armer le porte-aéronefs Cavour. Toutefois, en février 2012, le premier ministre avait annoncé une coupe claire dans les intentions d’achat, en passant de 131 appareils à 90. La nouvelle réduction envisagée porterait le nombre total d’avions commandés à seulement 45 ! Le détail de la répartition des versions n’a pas été communiqué.
Un programme, des partenaires, des espoirs…
Cette possible réduction toucherait l’un des partenaires principaux du programme. En effet, l’Italie, avec 1 milliard de Dollars de ticket d’entrée versé dans le programme et une commande initiale de 131 avions, forme avec les Pays-bas le groupe des “partenaires de niveau 2” (sur 3 niveaux). La participation donne un droit de regard (mais pas de décision) sur le développement du programme, et des compensations industrielles; le pays accueillera d’ailleurs l’une des chaînes d’assemblage final de l’appareil.
Au lancement du projet JSF, les USA et Lockheed Martin ont voulu capitaliser sur la réussite du programme F-16, auquel quatre pays européens avaient participé dès l’origine, et avaient obtenu des retombées industrielles importantes, au grand dam des avionneurs européens. Le but affiché des américains est alors de “couper l’herbe sous le pied” des européens en leur proposant un avion abordable, avec d’importantes retombées industrielles, et technologiquement très avancé. Le principe étant de les convaincre que l’effet de grande série ramènerait le prix unitaire à un niveau équivalent aux dernières productions du F-16, et que les pays européens n’auraient pas un marché domestique suffisamment important pour y arriver par eux-mêmes.
Pourtant, les pays européens, et l’Italie au premier chef, commencent à douter de la pertinence de leurs investissements. En effet, certains accords industriels ont été annulés ou repoussés unilatéralement par les USA
… Et un réveil douloureux
L’exemple du Royaume unis est édifiant , ayant investi pas moins de 2.5 milliards de Dollars afin de devenir “level 1 partner” (seul pays à ce niveau), il aurait dû bénéficier d’importantes retombées industrielles qui ont été finalement repoussées voire purement et simplement annulées, et ce sans compensation. Il en sera ainsi du développement du moteur F-136, alternative du f-135 de Pratt and Whitney dont Rolls Royce détenait une participation de 80%,ou encore de l’intégration du missile air-air ASRAAM, et d’autres munitions air-sol, voulue par certains des partenaires.
A cela s’ajoutent des difficultés d’ordre technique. Le Lightning II est un avion ambitieux : disponible en 3 versions très différentes (A, chasseur terrestre, B, avion STOVL, et C, chasseur embarqué), doté d’une avionique de pointe, d’un Radar à antenne électronique active, de senseurs infrarouges et TV offrant une vision dans toutes les directions, d’un système de visualisation sur la visière du casque suffisamment perfectionné pour rendre caduc l’usage d’un HUD (affichage tête haute), le tout dans intégré dans un vecteur dit “furtif”, c’est à dire doté de formes et de matériaux le rendant beaucoup plus discret face aux radars adverses.
Cette recherche d’une discrétion maximale imposera l’adoption d’une soute à armements intégrée dans la cellule, alourdissant de fait l’avion, et augmentant sa charge alaire, ce qui a pour effet de diminuer ses performances en matière de manœuvrabilité.
La complexité technique du programme avait été sous-évaluée ; nul pays n’avait prévu autant de complications : les retards accumulés sur le programme d’essais en vol sont importants. Jugez plutôt: Problèmes liés à la génération électrique – Problème de conception du revêtement “furtif” empêchant les avions d’approcher le mach, taux de descente limité à 6000 pieds par minutes, interdiction d’approcher les nuages orageux sous peine de surprises, criques dans plusieurs tronçons, divers problèmes de motorisation. Les difficultés spécifiques à la versions B furent d’une importance telle que cette variante a bien failli passer à la trappe. Quant à la version destinée à la marine américaine, sa crosse d’appontage ne s’est avérée capable d’attraper un brin d’arrêt autrement qu’en modifiant le logiciel du contrôle de vol, et seulement par temps calme. Il aura fallu deux ans après la découverte du problème pour revoir complètement le système (lire l’explication ici).
deux F-35B et un F-35A en formation. Saurez vous les reconnaître ? (source: Lockheed Martin)
Ceci, conjugué à l’augmentation des coûts bien au-delà des prévisions (et du raisonnable), aux problèmes d’industrialisation et de développement, le tout sur fond de crise économique persistante, conduit les états à réévaluer leurs commandes. Les achats de Lightning II par les pays européens ont été fréquemment abaissés, voire menacés d’annulation, au point de poser des questions quant à la pérennité du programme dans son ensemble. Ainsi, début 2013, le Danemark a purement et simplement annulé sa commande de 48 avions, et relancé un processus de sélection d’un nouvel avion de combat (le F-35A demeurant l’un des concurrents).
Un avion qui sait presque tout faire, mais qui rend son utilisateur dépendant
En outre, certains pays craignent de devenir dépendants militairement des USA. Le F-35 est par nature un avion destiné au “strike”, c’est à dire à la pénétration en profondeur au dessus d’un territoire ennemi pour frapper ses cibles. Le fait de posséder un avion “furtif” (mais qui ne l’est pas tant que ça, voir cet article), ne fait pas tout. Il faut pouvoir cartographier les défenses adverses, et intégrer les données dans le logiciel interne de l’avion. Ce qui suppose avoir un accès à certaines parties du programme informatique, et les américains sont extrêmement frileux sur ce point. Le F-35 est certes multirôle, mais dépend fortement des F-15 et F-22 pour les missions air-air), ainsi que d’une couverture SEAD (suppression des défenses anti-aériennes)… Autant de moyens ne pouvant être fournis que par les USA, et qui rendraient dépendante du bon vouloir de Washington toute intervention aérienne militaire des pays utilisateurs de l’appareil.
Un succès insolent malgré tout
Malgré ses déboires, le Lightning II rencontre un certains succès à l’exportation : pas moins de 11 pays s’en sont portés acquéreurs, et une dizaine d’autres ont entamé des négociations. Ne serait-ce que par le nombre d’appareils qui seront probablement en service dans quelques années, ainsi que par la rupture technologique qu’il apporte, le F-35 sera malgré tout un succès, et démontrera une fois de plus (la dernière ?) la toute puissance des états unis dans le domaine, en réussissant à imposer des choix à ses alliés.