C’est avec quelques jours de retard que nous souhaitions fêter un anniversaire pas comme les autres. Le 2 février 1974, le YF-16 prenait officiellement son envol. 40 ans après, avec plus de 4 500 exemplaires construits dont la majorité sont encore en service dans le monde entier, nous souhaitions revenir sur un événement qui marquera durablement le monde des avions de combat tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Avant qu’il ne devienne le F-16, l’avion n’était “qu’un” démonstrateur technologique, d’où la dénomination YF. Fruit d’un programme initié par le pentagone, visant à étudier la possibilité de concevoir un chasseur léger, peu complexe, très abordable, et conçu en un temps record. Le pentagone émit un RFP (Request For Proposal) aux constructeurs aéronautiques, et ceux-ci n’avaient que 6 semaines pour y répondre (!!).
Le RFP offre aux deux futurs vainqueurs une enveloppe budgétaire afin de construire et faire voler pendant un an le futur démonstrateur technologique. L’avion devra être léger, simple, peut coûteux, et disposer d’une bonne manœuvrabilité dans une plage de vitesse comprise entre Mach 0.6 et 1.6. Point de raffinement dans les demandes techniques, il n’est pas prévu que l’avion soit produit en série. Du moins, pas encore…
A l’époque du très lourd, performant et complexe F-15, les grands constructeurs répondirent timidement, car une réussite de cet appel d’offre aurait envoyé un très mauvais message: il serait alors possible de fabriquer des avions opérationnellement performant pour beaucoup moins cher. Comme aujourd’hui, les constructeurs américains, ainsi que l’USAF ne jurent que par des avions technologiquement supérieurs en tous points à leurs adversaires potentiels, afin que la suprématie du ciel ne leur échappe pas.
Cette demande originale (pour l’époque) du pentagone avait plusieurs sources. La première est d’ordre opérationnelle. C’est durant la guerre du Vietnam, et précédemment celle de Corée, que la toute puissante US Air Force eu à en découdre avec un ennemi bien coriace, d’abord représenté par le Mig-17, puis par le Mig-21. Ces avions, tous deux provenant du bloc de l’est avaient en commun d’être légers, performants et extrêmement manœuvrant. Permettant à l’adversaire d’opposer un nombre non négligeable d’avion de combat redoutable avec des moyens bien moindres, puisque ces appareils étaient bien plus abordables que leurs homologues américains.
L’autre source d’ennui du Pentagone, et même de la maison blanche, était le succès étonnant d’un tout petit constructeur à leurs yeux, qui produisait à l’époque des avions aux performances égales sinon supérieures, à des prix défiant toute concurrence américaine. Ce constructeur n’est autre que Dassault Aviation, et un rapport fut commandé à la Rand Corporation, qui étudia les méthodes de travail et le contexte dans lequel la France concevait et achetait ses avions. Le Rapport de 46 pages fut remis aux autorités en 1973, et donnait quelques pistes intéressantes pour améliorer la compétitivité des productions US. Devant le peu de moyens alloués, les français faisaient preuve de génie, et leur organisation en petites équipes de travail leur permettait de travailler différemment, avec la conséquence de pouvoir concevoir des avions beaucoup plus rapidement, avec des coût obligatoirement maîtrisés.
C’est moins d’un an plus tard que le RFP fut émis. Une enveloppe restreinte et seulement six semaines pour répondre! Au terme d’une sélection, deux appareils furent retenus. Et devant le succès de leur conception, le Pentagone imposera à l’US Air Force l’achat de 650 appareils qu’elle ne souhaitait pas. Ce sera le programme ACF (Air Combat Fighter).
L’histoire retiendra cependant que des deux projets sélectionnés, le YF-16 de General dynamics, qui fut déclaré vainqueur, et le YF-17 de Northrop furent tous deux de grands succès. Bien que n’ayant pas été sélectionné par l’Air Force, le YF-17 Cobra sera choisi par la Navy et connaîtra également une brillante carrière opérationnelle et commerciale.
Bien que la date du premier vol du YF-16 soit officiellement le 2 février 1974, l’avion avait déjà volé quelques jours avant…Accidentellement. Le 20 janvier 1974, durant des essais de roulage à haute vitesse, son pilote d’essai,Phil Oestricher, rencontra quelques difficultés de stabilité, et préféra décoller plutôt que de tenter un freinage brutal. Il fera un tour de piste et se reposera six minutes plus tard.
General Dynamics, considéré aux états unis de petite entreprise (toute proportion gardée, nous sommes aux US!) planchait déjà sur un projet avant de recevoir le RFP. Son avion possédait beaucoup de caractéristiques nouvelles.
La plus remarquée d’entre elles était l’adoption de ce que nous appelons communément, et par abus de langage, les commandes de vol électriques. Le manche actionné par le pilote n’a plus d’incidence directe sur les gouvernes, mais les mouvement sont interprétées par une ordinateur qui commande l’action des gouvernes en fonction du profil de vol de l’appareil. Ce système apporte une facilité de pilotage, mais aussi une sécurité en gardant systématiquement l’avion dans son domaine de vol, et enfin, une plus grande réactivité des commandes.
Le manche classique présent entre les jambes du pilote sera remplacé par un mini-manche à droite du cockpit, et le pilote profitera alors d’une meilleure position, bien plus confortable amenant une précision supplémentaire dans son pilotage. Le cockpit présente aussi une autre innovation permise par la suppression du manche classique, en permettant de basculer le siège vers l’arrière. Conséquence: avec une position plus couchée, le pilote encaisse beaucoup mieux les fortes accélération pendant les combats.
Les bureaux d’étude de General Dynamics ont aussi fait le choix judicieux d’utiliser un moteur déjà existant pour propulser leur appareil. Ce sera le Pratt & Whitney F100, le même que celui motorisant le F-15, deux fois plus lourd (et bi-moteurs).
Depuis son entrée en service dans sa version A en 1979, le Fighting Falcon (surnomé aussi Viper par ses pilotes) deviendra un des avion les plus célèbre au monde. Il sera surtout reconnu pour son excellente manœuvrabilité, et aujourd’hui encore il sert de mètre étalon dans ce domaine. Même son successeur, le F-35, devant entrer en service presque 40 ans plus tard, et suite à une demande de l’USAF, se devra d’être au moins aussi performant que lui à ce niveau là.
La suite de l’histoire est digne d’une success story hollywoodienne. Avant même son entrée en service dans l’USAF, General Dynamics proposera son avion à plusieurs pays d’Europe. La Belgique, les Pays Bas, le Danemark et la Norvège devant remplacer les avions équipant leur armée de l’air, ils ont décidés de mettre en commun leur besoin afin d’obtenir de plus grandes contre parties. Le constructeur américain proposera un véritable partenariat en se basant sur les capacités industrielles des pays respectifs dont certains ont une industrie aéronautique non négligeable. C’est ainsi que les Pays Bas et la Belgique obtiendront une chaîne d’assemblage finale, et plusieurs industriels européens participerons activement au maintien en conditions opérationnel du chasseur, jusqu’à ce jour encore.
Le 7 juin 1975, la décision sera annoncé lors du salon aéronautique de… Paris! Amère nouvelle pour les industriels français qui fondaient pleins d’espoir sur un avion spécialement étudié pour ce marché.
Du petit chasseur léger, au système d’arme sommaire et capable d’opérer uniquement de jour à seulement 20 millions de dollars pièce, il ne reste presque plus rien de commun avec la bête de combat de haute technologie qu’est devenu le F-16 de nos jours.
La plateforme s’est révélée si bien conçue qu’elle a subit des améliorations continuelles tout au long des années. Des premiers standards de l’appareil, les “block 1, 5 et 10, capable seulement de tirer le missile Aim9 Sidewinder à courte portée, et quelques munitions non guidées, le block 15 marqua l’arrivée d’une capacité de tir “au delà de la porté visuelle” avec l’intégration du Missile Aim-7 Sparow à guidage radar semi-actif, conférant à l’appareil une nouvelle dimension dans le combat aérien. Entre temps, la désignation de l’avion est passé des F-16 A et B (mono et biplace) aux lettres C et D.
Profitant du faible coût de la plateforme et des technologies déjà développées pour d’autres appareils comme le F-15, les capacités du F-16 s’étofferons d’année en année, jusqu’au modèle encore en vente aujoud’hui, le F-16 C/D Block 52. Appareil véritablement multirôle, presque aucune mission n’est hors de sa portée. Qu’ils soient d’origine américain, européen ou même israélien, la panoplie de munitions dont le F-16 est capable de servir est tout simplement impressionnante. Missiles Air-Air Amraam, Sidewinder, Iris-T, Python, Bombes non guidées, bombes guidées Laser et GPS, missiles de croisière, missiles air-sol, air-mer, anti-radar, nacelles de reconnaissance ou de brouillage et même, la bombe thermo-nucléaire B61!
La version ultime, le block 60 a été étudiée sur une demande spécifique des émirats arabes unis (à l’image du Mirage 2000 -5 Mk2, aussi connu sous la désignation -9). Elle comportes d’importantes amélioration au niveau des systèmes de protection et de guerre électronique, mais surtout d’un radar AESA, muni d’une antenne électronique active, ce qui en fait un des chasseur en service les plus moderne à l’heure actuelle.
Des prototypes et des variantes
Durant sa longue carrière, son constructeur déclina plusieurs prototypes et démonstrateur de son produit phare. Si certains prototypes comme le A-16 par exemple, ont trouvé des débouchés techniques, en intégrant certains développement dans des blocks ultérieurs des F-16 produits, semblaient très fidèles au design d’origine, certains démonstrateurs ont marqué les esprits. De tous, le F-16XL est certainement un des plus remarqué.
Fuselage allongé, modification de l’aile de type Delta, le démonstrateur devait répondre à un programme dont le nom se suffirait à lui-même ” Supersonic Cruise and Maneuvering Program (SCAMP)”. Plus lourd, plus rapide, avec une augmentation importante de son autonomie et une démultiplicaiton du nombre de ses points d’emports, l’avion participera au programme “Enhanced Tactical Fighter” auquel lui sera préféré le F-15E Strike Eagle.
Via ses entreprises privées, les états unis participèrent aussi activement à des programmes d’avions de combat étrangers. Cela leur permettant également de garder un pied dans des pays qui auraient potentiellement pu disposer à terme d’une industrie indépendant et donc concurrentielle.
Il n’est donc pas étonnant de retrouver des programmes d’avions étrangers ayant de fortes similitudes avec le F-16. Le cas le plus flagrant est très certainement l’avion japonais, le Mitsubishi F-2. Plus grand que le F-16, il est aussi doté en grande partie d’une électronique et d’armements d’origine japonaise.
le Kai T-50 Golden Eagle est un autre exemple récent de coopération avec Lockheed Martin (qui a racheté en 2003 General Dynamics), avec un avion plus léger, d’entrainement avancé, avec une variante armée. L’avion est un concurrent direct du Hawk T2 britannique ou des M-346 et Yack 130 respectivement italien et russes.
Avant la commande initiale de l’USAF, personne n’aurait pu prédire un destin aussi souriant à ce chasseur léger si mal aimé avant même son premier vol. Et pourtant, l’arrêt de la chaîne de production, a été maintes fois annoncé, et maintes fois repoussées. Alors qu’elle aurait dû fournir son dernier avion en 2012, il n’est pas exclu que la ligne d’assemblage final fonctionne jusqu’en 2020!
En 35 ans de production, ce seront 4500 F-16 qui auront vu le jour dans la gigantesque usine de Forth Worth au Texas, mais aussi dans plusieurs pays partenaires, soit une moyenne d’environs 130 chasseurs produits par an! à titre de comparaison, et sans aucune arrière pensée tant les époques et le contexte est différents, il faudrait plus de 400 années au Gie Rafale pour fournir autant d’avions au rythme de production actuel.
Il semblerait donc que General Dynamics ai trouvé en son temps la recette parfaite permettant de fabriquer un chasseur simple, très abordable, mais disposant d’un potentiel d’amélioration phénoménal. Avec un habile jeu de retours industriels, partenariats mais aussi de politique, le F-16 aura su s’imposer à pratiquement tous les alliés des USA.
Visiblement, la recette est dure à reproduire avec le cauchemar technique et financier qu’est en train de vivre Lockheed martin avec le programme JSF, bien qu’un des objectifs ai déjà été rempli avant même son entrée en service opérationnel: l’imposer sur le marché.
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Jean-Emmanuel
Petite précision concernant la comparaison avec le Gie Rafale : la cadence actuelle de 11 avions par an est due à l'absence de commande à l'étranger et par l’État Français. Si demain le Rafale se vend dans plusieurs pays, Dassault et ses partenaires auront bien entendu la possibilité de grandement augmenter cette cadence (sans pour autant atteindre 130 appareils/an il est vrai…).