Après l’annonce fracassante, mais en même temps tant attendu du brésil hier, après plus de 12 longues années de procédure riche en rebondissement, c’était la douche froide hier pour Dassault International, la France, et plus généralement, tous les supporters du Rafale.
Si beaucoup aujourd’hui lirons dans les colonnes des médias toutes les raisons de l’énième échec du Rafale sur le marché international, je préfère me focaliser plutôt sur les raisons du succès de son petit concurrent suédois, qui marque ici sa seconde victoire après la Suisse, alors qu’il a toujours été considéré comme l’outsider, un avion n’ayant pas les capacités de rivaliser, notamment en raison de sa petite taille et des faibles performances qu’elle offre.
Nous nous permettrons une petite précision importante. Le Gripen n’est pas encore vendu, seulement sélectionné au terme d’une compétition, et désormais s’engage une négociation exclusive entre Saab et le Brésil. Si les journalistes donnent une victoire au Gripen et une défaite au Rafale, ils doivent alors considérer que le Rafale possède aussi la sienne, avec la victoire sur un contrat de 126 appareils en Inde. Je ferme la parenthèse.
Moins de trois heures après la conférence de presse ayant lieu à 17H00 à Sao Paulo au ministère de la défense, Dassault Aviation réagissait officiellement à l’annonce brésilienne via ce communiqué de presse :
« Depuis 15 ans, au Brésil, DASSAULT AVIATION et ses partenaires SNECMA (Groupe Safran) et THALES, regroupés dans le GIE RAFALE International, ont fait la promotion du MIRAGE 2000 pour l’appel d’offres FX, puis du RAFALE pour FX2, animés par la volonté de coopérer sur le long terme avec l’industrie brésilienne, en particulier avec EMBRAER. Les transferts de technologies sans restriction et les partenariats scientifiques, techniques et industriels demandés par le Brésil comptaient parmi les points forts de l’offre du GIE RAFALE International, avec le soutien des autorités françaises.Nous regrettons que le choix se porte sur le GRIPEN, doté de nombreux équipements d’origine tierce, notamment américaine. Il n’appartient pas à la même catégorie que le RAFALE : monomoteur et plus léger, le GRIPEN n’est pas équivalent en termes de performances et donc de prix. Cette logique financière ne prend en compte ni le ratio coût-efficacité favorable au RAFALE, ni le niveau de la technologie offerte. »
C’est la dernière phrase de ce communiqué qui sera à la base de notre réflexion : « Cette logique financière ne prend en compte ni le ratio coût-efficacité favorable au RAFALE, ni le niveau de la technologie offerte »
La logique financière. C’est cette même logique qui avait permis à Saab de placer son petit dernier, encore à l’état de projet, en Suisse il y a tout juste deux ans.
En Suisse, la situation du Gripen E n’était pas brillante. Jugé insuffisant dans tous les critères de sélection, et opérationnellement moins performant que le mètre étalon qu’était alors l’actuel F-18 Hornet en service dans les forces aériennes suisse, il réussit quand même à s’imposer. Le choix a surtout été une déduction logique, en regard de la situation des finances de l’état helvétique. Si le ministère de la défense voulait un nouvel avion de combat pour remplacer les vieillissants F-5 Tiger II, elle n’aurait pas pu obtenir une enveloppe suffisante pour acquérir l’avion de son souhait. Et le Gripen fut alors un moindre mal face à la possibilité que, devant les difficultés économiques, le peuple ne soutienne pas l’achat dispendieux d’un avion plus performant.
Au Brésil, la situation est également peu ou prou identique. Entre l’organisation du mondial de Football qui englouti des milliards, le ralentissement de la croissance et les fortes inégalités sociales ayant entrainé des émeutes, la force aérienne devra se contenter de ce que le gouvernement voudra bien lui donner. La situation géopolitique du Brésil à ceci de particulier qu’elle souhaite devenir un acteur important de la scène mondiale. L’armée est donc en train de mener de front de nombreux projets d’acquisition. Sous-marins (avec un programme nucléaire), hélicoptères de transport et d’attaque, avions de combat, blindés, systèmes de défense Sol-air, navires de guerre et certainement, dans les années à venir, un groupe aéronaval embarqué moderne.
Le ralentissement de la croissance et les priorités sociales internes du pays doivent mener le gouvernement à faire des choix. Celui de l’armée de l’air brésilienne était fait depuis longtemps, ayant toujours affiché une préférence pour le Gripen.
Le plus faible coût d’acquisition de celui-ci, associé à un coût d’entretien plus faible, permets à la Fab, en achetant le même nombre d’appareil, d’avoir certainement un meilleur taux de disponibilité, un nombre d’heures de vol plus important, et de dégager des crédits pour d’autres programmes.
Le Gripen E, et malgré le fait que sa version de série n’est pas encore volé, et qu’il ne sera jamais aussi performant opérationnellement qu’un Super Hornet ou un Rafale, est capable de mener tout le spectre des missions dans lequel une armée de l’air peut être amené à l’engager. Interception, attaque air-mer, air-sol, reconnaissance.
Bien que le Gripen ai un rayon d’action moins important, et qu’il ne dispose pas de la sécurité offerte pas un second moteur, ni d’une version navale à même de satisfaire les ambitions navales du Brésil, le son faible coût d’acquisition et de possession en font un acteur incontournable des petits appels d’offre.
Si le choix du brésil se concrétise, il sera le troisième pays à acquérir la version NG ou E, du Gripen, et le septième client après la Suède, la Hongrie (12), l’Afrique du sud (28), la république tchèque (12), la Thaïlande (12) et la Suisse (22).
Pour terminer cet article, nous citerons le journaliste et pilote d’essai brésilien Vianney Riller Jr qui déclara sur son compte Twitter, en réponse à une personne lui demandant son opinion sur ce choix:
“Dear friend, I’m a soldier. Whatever aircraft they give me I will push it to the limits and extract its best.”
Traduction: Cher ami, je suis un soldat. Quelque soit l’avion que l’on me donnera, je le pousserai dans ses limites, pour en retirer le meilleur.