Comparer les deux superproductions européennes est un jeu risqué. Mais je ne peux résister à l’engouement et la curiosité des internautes sur le sujet. Durant les dernières semaines, presque 500 requêtes sur un moteur de recherche avec les mots clé « Rafale VS Eurofighter » ont atterri sur mon blog, avec un article que j’avais écrit à mes débuts, et faisant dans le sensationnalisme. Je me devais de corriger le tir et de vous présenter une véritable analyse, publiée en deux parties.
Il est assez compliqué de tenter d’expliquer à un non-passionné pourquoi deux avions qu’ils ont du mal à différencier sont en réalité très différents, et qu’on ne peut faire un simple tableau comparatif des performances, car les deux avions ne sont vraiment pas faits pour les même missions. Si on devait faire une analogie avec le sport, ce serait comme demander une comparaison entre un joueur de rugby et un handballeur. Les deux ont des bras et des jambes, les deux jouent avec un ballon, mais le sport et les règles du jeu, l’entrainement et les conditions physiques sont complètement différentes.
Pour que cette analyse soit la plus complète possible, je comparerai, en fouillant dans la genèse des deux programmes, leur cahier des charges ; ou plutôt les points clés de leur fiche programme, puisque le cahier de charges est un élément classifié. Entre aussi en considération les choix politiques et de stratégie d’équipement qui ont fait qu’au final ces deux appareils diffèrent fortement.
Il est vrai que le Rafale (les deux au premier plan) et le Typhoon (les deux au second plan) sont deux avions visuellement similaires pour le non initié. Les deux sont des
bimoteurs à aile delta et plan canard, monodérive, et représentent la quintessence de la technologie européenne actuelle. Mais la comparaison ne pourra aller plus loin.
Une genèse commune, et les premières divergences
Lorsque la France, à la fin des années 70 a commencé à évoquer le programme ACF (Avion de Combat du Futur), elle avait déjà pris en considération que l’avancée de certaines technologies aurait pour conséquence une montée en flèche des coûts de développement d’un nouvel avion. C’est donc tout naturellement que des discussions avec d’autres pays européens ont eu lieu.
Mais les premières divergences sont intervenues très tôt, et sur deux thèmes bien précis. Les demandes des opérationnels d’une part, et du partage industriel d’autre part.
Alors en pleine guerre froide, les trois nations leader dans le programme PANAVIA Tornado, le Royaume-uni, l’Allemagne et l’Italie étaient sur le point de faire entrer en service un chasseur bombardier très performant. Il leur fallait désormais un intercepteur capable d’assurer la sécurité de leur territoire face à une éventuelle attaque soviétique, et un avion capable d’assurer la supériorité aérienne sur n’importe quel théâtre, pour s’assurer que les bombardiers puissent faire leur travail. Il fallait que l’avion soit rapide, et plus lourd que ne le souhaiterai l’armée de l’air française.
Armée de l’air qui, très tôt, souhaite homogénéiser son parc aérien et décide d’établir une fiche programme pour un avion capable d’être aussi bien à l’aise dans le domaine de l’aérien, que de l’attaque air-surface. La France souhaite aussi que l’appareil soit navalisable ce qui, ajouté au lourd avion souhaité par les autres partenaires, aurait encore fait augmenter la masse de l’avion à cause du renforcement de la structure et du train d’atterrissage qu’auraient imposé les contraintes de l’appontage et du catapultage.
Le partage industriel et technologique n’étant pas à l’avantage de la France (qui voulait certainement une trop grosse part du gâteau), décida donc d’entamer son propre programme expérimental, l’ACX (Avion de Combat eXpérimental), qui donna naissance au Rafale A.
Le Rafale A mènera une véritable course avec le programme EAP (Experimental Aircraft Programme) mené de front par les autres pays, mais leadé par le Royaume-uni et BAe. Le but non-affiché de ces programmes expérimentaux était d’éprouver un maximum de savoir-faire au niveau national avant qu’un partage technologique et industriel ne soit décidé. Les divergences de point de vue sur l’avion à réaliser étant trop importantes, et ne voulant pas perdre son lead technologique durement acquis, la France décida, sous le gouvernement Mitterrand, de se lancer seule dans l’aventure, et de créer SON avion.
A partir de là, les calendriers des deux programmes connaîtront les mêmes similitudes. Après les démonstrateurs technologiques et les prototypes, les deux programmes subiront à peu près de la même façon les coupes budgétaires liées à la fin de la guerre froide, faisant glisser les dates et les budgets. Au final, l’un et l’autre des avions seront entrés en service pratiquement 10 ans après la date prévue au départ.
Mais alors que la France, via son choix de concevoir un avion polyvalent, renouvelle avec le Rafale l’ensemble de ses moyens de combat aérien, l’Eurofighter n’offre à ses possesseurs qu’un renouvellement de leur moyen d’interception, de police du ciel et d’interdiction aérienne. Car pour le reste, les armées allemandes, britanniques, italiennes et espagnoles avancent en ordre dispersés pour ce qui concerne le renouvellement de leurs flottes de chasseurs bombardiers.
La Grande Bretagne s’est engagée à grand frais dans le programme JSF. C’est donc sur les épaules du F-35 que reposeront les capacités de strike de la couronne britannique, même topo pour l’Italie (Et le retard du programme impacte directement les capacités de ces armées). L’Espagne a moins d’ambitions de ce côté-là, et les Allemands ne semblent pas avoir de plans clairement établis pour le remplacement de leurs Tornado. Le consortium pousse donc pour le développement de la version T3 de l’Eurofighter, censée apporter une nouvelle dimension au chasseur européen au travers de nouvelles capacités Air-surface, et combler le retard qu’ils ont accumulé face au Rafale sur ce plan-là. Il faut bien comprendre à cet instant que ce n’est pas une lacune de l’avion, mais du programme.
On pourrait résumer la situation actuelle des deux programmes en disant que la France à fait le bon avion au moment où il le fallait (certainement aussi avec une certaine dose de chance), là où les européens se retrouvent avec un avion inadapté à leur époque et à leurs moyens. L’Eurofighter, conçu pendant la guerre froide, n’a pas pu évoluer efficacement vers un avion de combat multirôle. Et si même la communication d’EADS semble vouloir faire croire que cela est possible, les idées des concepteurs de l’époque semblent avoir laissé bien peu de place au développement de ces capacités, donnant bien du fil à retordre aux ingénieurs actuels, comme nous le verrons plus tard.
Dans la seconde partie de l’article seront détaillées les performances et les capacités des deux appareils. la suite est disponible ici.
MAJ:
N’étant pas très doué en graphisme et voulant attirer l’œil avec un visuel sympa, j’ai demandé à Vangeure Masquait si il pouvait m’aider… Mais avec lui, impossible d’avoir un truc sérieux. Le pire, c’est qu’il s’est défoncé à faire un truc presque hors sujet, mais que je ne pouvais pas garder pour moi.
16 Comments
Antoine Romano
"L’Eurofighter, conçu pendant la guerre froide, n’a pas pu évoluer efficacement vers un avion de combat multirôle. Et si même la communication d’EADS semble vouloir faire croire que cela est possible, les idées des concepteurs de l’époque semblent avoir laissé bien peu de place au développement de ces capacités, donnant bien du fil à retordre aux ingénieurs actuels, comme nous le verrons plus tard." C'est pas juste un peu le même genre (à une échelle moindre bien entendu) de défauts que le F22 Raptor?
Bruno ETCHENIC
Avec les USA, le problème posé par la fin de la guerre froide sur le Raptor est différent. Le Raptor est l'avion de supériorité aérienne ABSOLU. En tant que tel, l'avion reste à sa place. Le soucis est que la réduction des crédit a réduit le nombre prévu en parc, et ne remplaçant pas les F-15 qu'il était censé remplacé. Du coup, la moyenne d'âge des avions de l'USAF a fortement augmenté, tous les avions n'étant pas remplacés. Concernant les capacités d'attaque au sol, les USA avaient prévues l'arrivée du F-35, et disposent encore de nombreux F-15E, F-16, B-52 et B1. Donc si ils ont un problème de rupture en terme de nombre d'appareil à court terme, ils n'ont pas de problème de rupture capacitaire. http://portail-aviation.blogspot.fr/2012/11/le-programme-f22-ete-une-erreur.html
James
La GB et l'Italie ont besoin du F-35 (version B) pour remplacer les Harrier sur leurs PA. Sauf pour l'Italie qui veut aussi des F-35A pour remplacer les Tornado, la GB n'a pas encore de remplaçant pour les Tornado, peut-être ces mêmes F-35B?
Le démonstrateur EAP a germé avant l'idée du Rafale A, de la part des Britanniques pour appuyer leur idée. La France les a rattrapés et a fait voler le Rafale A quelques semaines avant son homologue!
Le Typhoon a un radar à balayage mécanique, tandis que le Rafale, dès le début possède un radar à balayage électronique passif, actif à partir de la tranche 4. Ce radar permet aussi le suivi de terrain comme le Tornado, le Mirage 2000 N et D. Le Typhoon aura des capacités air-surface mais pas de suivi de terrain car en plus d'un radar qui le permet, il faudrait aussi renforcer la structure pour le vol à basse et très basse altitude.
Yves PAGOT
Sauf erreur de ma part, ce renfort fait partie des amélirations de la Tranche3 du Typhoon, avec comme notables autres améliorations des "pré-cablâges" pour un AESA et une liaison tactique haut débit, le cablage des armes stanag 3910 optique (sur leRafale c'était cuivre)… Sans atteindre la même polyvalence que le Rafale, il fait des progrès le Typhoon (Paveway iv etc.)
James
Concernant l'analogie avec le sport pour tenter d'expliquer la différence entre les 2 avions, je proposerais l'exemple de l'athlétisme, le Typhoon est un spécialiste (sprint, demi-fond ou de marathon), tandis que le Rafale est plutôt un heptathlonien, sauf qu'il est meilleur que le spécialiste dans sa propre discipline (cf les exercices entre Rafale et Typhoon).
Montaudran
Belle entrée en matière historique mais n'est-il pas possible d'éviter cette françisation en verbe du mot "leader" (qui est maintenant bien accepté).
"mais leadé par le Royaume-uni et BAe"
Je leade, tu leades etc…
Philippe AMIEL
… il fait des progrès le Typhoon, mais certains choix paraissent douteux : emport du pod désignation laser en ventral, les StormShadow aux points humides … C'est hyper contraignant. Quant aux photos qui le montre avec 6 BGL sans le moindre RPL … c'est uniquement pour faire "beau".
Anonyme
Les choix douteux se sont fait des le stage du dessin de conception. EF ont brade l'endurance et les capacite d'emport lourdes, y-compris fuel interne et externe pour des performances DASH qui ne tiennent pas debout operationellement, il n'y a qu'a detailler le dossier "Suisse" pour s'en rendre compte: La seule performance validee de l'Eurofighter c'est celle liee a l'endurance a M 1.4 avec deux bidons; super crosiere. Pour le Reste c'est les performances DASH du Rafale qui expliquent leur choix. Le Rafale est une avion de guerre, le Typhoon un avion de show (toute proportion gardee)… Question d'expereince.
Patrick Killpatrick
En fait lorsque je regarde ces deux programmes je suis admiratif devant les prouesses techniques et les défis relevé, pourtant dans le même temps je ne peu m' empecher de penser à la ligne Maginot, des chars russes patinant sur des pavés consciencieusement graissés à Prague ou a un guerrier afghan avec ou sans stinger.
Il ne fait aucun doute que nos politiques manquent d' expériences aucun n' a été sur le terrain et peux être sont ils plus sensibles aux lobbyes des marchands que leurs utilisateurs.
nebankh
l'eurofigter souffre d'un problème de conception : c'est un biréacteur sans l'avantage du biréacteur.
En effet ,contrairement au rafale , les 2 réacteurs ,surtout les entrés les entré d air, sont trop proches.
Autrement dit toutes avaries sur un moteur affectera l'autre.
Sur le rafale les 2 moteurs sont bien isolé l'un de l'autre et du coup il est moins vulnérable.
Anonyme
c'est une des raisons qui on fait rétracter les Français .
Ça ne sert à rien de faire un biréacteur qui et vulnérable sur ses 2 entrée d'aire et qui ne pourra pas finir sa mission sur 1 réacteur comme le rafale
Anonyme
ça fait du bien de voir que la France n'a pas fait un si mauvais choix avec le Rafale 🙂
Seigle
Presque tout est du dans l’article.
C’est vrai, le rafle à essentiellement pour lui le pragmatisme de d’assaut qui a trouvé écho auprès de la DGE.pour le typhoon, les considérations étaient bien autre.
D’un côté, des ingénieurs allemans qui littéralement grevaient d’envie de développer la formule aérodynamique devenue celle du typhoon, de l’autre le gouvernement anglais qui exigeait la main mise de rolls Royce sur le programme motorisation.
Résultat: un avion qui volé vite, ce qui ne sert à rien, mais manœuvre mal comme tous les avions rapides.
Et surtout, un avion qui ne pourra jamais emmener sous ses ailes le nombre de bidons ni le nombres d’arme qu’exige une mission comme celles menées aujourd’hui au proche orient.
Pire, dans des exercices OTAN, le typhoon à été dominé de la tête et des épaules par le rafale en combat rapproché.
Bref quoi qu’il fasse, le consortium Eurofighter ne pourra pas rattrapper le rafale.
Et, le pire, c’est qu’avec le même pragmatisme, Dassault à lancé le programme neuron, et que pour les mêmes protections des chapelles industrielles et de concepteur, l’Europe se prépare à commettre la même ânerie que pour le typhoon.
Abriot
Ca me fait penser a un jeu en equipe. Le chef entraine l équipe dans une direction qui se défend. Mais il y en a toujours un pour partir seul de son côté. Il a parfois raison il trouve l ennemi mais seul il ne peut rien. Le rafale a fait le bon choix sauf que ca lui serre a rien la France n a pas les moyen de l acheter et il n y a pas assez d étranger pour l acheter. On c est jetter dans la gueule du loup tout seul. Surtout q on oublie de dire que le rafale est très très cher en maintenance…
Aubin
Oui c’est vrai que parler du cout du Rafale est amusant quand on se rend compte que le Rafale s’avère finalement moins chère que l’Eurofigther et bien meilleur (exemple cout de reviens d’un Eurofigther 272 millions d’euros pour l’Angleterre contre 142,3 millions pour un Rafale) Donc on a fait cavalier seul pour finalement avoir un avion meilleur et moins chère (il est intéressant de souligner que les Anglais ont étudié la question d’acheter des rafales pour leur porte avion pour finalement opter pour le F-35). Sinon pour le prix de la maintenance tout les nouveau aéronef sont chère en maintenance mais le Rafale n’est surement pas le plus chère en maintenance
Pascal
Je ne vois pas pourquoi il serait plus cher en maintenance, il a besoin de 2 fois moins de personnels pour l’entretenir en opérations que le typhoon, (6 au lieu de 12 personnes)