Après un précédent article listant les principaux prospects crédibles pour les années à venir, j’aborderai dans cet article les choses qui fâchent, à savoir, ses échecs à la vente sur des marchés déjà conclus. Et surtout, savoir pourquoi il a échoué et pouvoir répondre à l’éternelle question « pourquoi le Rafale ne se vend pas ».
Cette question ne peut pas trouver une réponse simple et générique. Il faut analyser chaque échec pour comprendre pourquoi au jour d’aujourd’hui le Rafale ne vole que sous les cocardes françaises.
Corée du Sud, 2002.
C’était le premier marché sérieux auquel concourrait le Rafale. Il perdit face au F-15 américain. Dassault Aviation a été tellement échaudé par l’expérience qu’il n’a même pas pris la peine de répondre au dernier appel d’offre encore en cours dans ce pays.
Le Rafale avait pour lui un gros problème, il n’était pas encore opérationnel à cette date. Bien que le Rafale F1 fut entré en service expérimental au sein de la Marine nationale qui n’en pouvait plus d’attendre après le retrait de ses déjà trop vétustes Crusader, cette version n’était pas équipée comme aurait dû l’être la version finale du Rafale, n’avait que des capacités air-air limitées, et aucune capacité multirôle. Pour couronner le tout, certains défauts techniques (réglés depuis) liés aux premiers avions de série livrés furent révélés au grand jour par un hebdomadaire spécialisé, ce qui fit perdre beaucoup de crédit à l’avionneur alors en pleine compétition sur place.
Et pourtant, le Rafale a gagné sur le fil la compétition technique. Mais de trop peu pour faire de l’ombre au champion américain et aux 37 000 Gi’s alors déployés sur place, en prévention d’une attaque de son voisin du nord. Militairement et géopolitiquement, la France ne pouvait pas faire le poids.
2007, Maroc
Au départ, les autorités marocaines avaient contactées Paris pour acheter des avions d’occasion remis à niveau à l’armée de l’air, ou des Mirage 2000 neufs, le pays n’ayant pas les moyens d’acheter un avion de dernière génération. Malheureusement, la stratégie de Dassault Aviation pour du « tout Rafale » avait pour conséquence l’arrêt programmé de la chaine de production du Mirage 2000, bien que beaucoup de clients aient exprimés le besoin pour cet avion. Mais les arguments commerciaux de Paris, ont fait mouches, et les marocains se voyaient déjà devenir le pays africain disposant de l’avion le plus moderne. Mais par la suite, le dossier fut mal géré entre les services de l’état et les industriels, avançant en ordre dispersés. Les USA profitèrent de ces maladresses et firent une offre que Rabat ne put refuser. Le fiasco politique fut total.
2012, suisse
Tous les espoirs étaient permis sur ce dossier. La sélection finale se porta parmi trois finalistes, tous européens. Le Gripen de Saab, l’Eurofighter Typhoon II d’EADS, et le Rafale du GIE Rafale. Les évaluations des trois avions par ARMASUISSE semblent avoir filtrés ci et là, et il semble désormais acquis que le Rafale aurait la supériorité, un large soutien de la part des politiques et des militaires. En novembre 2011, tout s’effondre. Ueli Maurer, ministre de la défense de l’époque annonce alors la victoire du Gripen suédois ! Filtre alors le rapport complet de l’évaluation des trois avions et il s’avère que la conclusion est en complète contradiction avec le choix annoncé. Le Rafale arrive en tête de toutes les évaluations opérationnelles, suivi par l’Eurofighter, annoncé comme le choix le plus raisonnable si le Rafale n’est pas choisi et enfin, le Gripen est en dessous des minimas édictés par les militaires au point que même ses évolutions futures, prises en compte dans le document ne suffiraient pas à le hisser au niveau du minimum requis. Vous pouvez consulter la traduction d’une partie de ce rapport ici. La décision sera incompréhensible au point que la tête du ministre sera même demandée, et qu’il fut la risée de la presse pendant de longues semaines.
La décision fut avant tout politique. Sans rentrer dans les détails, les deux années précédentes ont vu se dérouler d’âpres combat de politique interne pour faire accepter la nécessiter d’acquérir un avion de combat, et de trouver le moyen de ficeler un budget. Hors c’est un fait, le Gripen est plus léger et monomoteur. Et ses inconvénients au niveau opérationnel sonartict devenus des avantages au niveau financier. Le plus important pour Ueli Maurer fut de consolider l’achat d’avions de combat devant les pressions politiques et démocratique et ce, quel que soit le modèle choisi.
Le Rafale est aujourd’hui un produit totalement abouti, en service dans les forces françaises depuis 2001 dans sa version F1, et 2007 au sein de l’armée de l’air dans sa version F2. Depuis, le standard F3, complètement polyvalent est désormais de rigueur pour tous les avions. Il possède aussi le tampon « combat proven » comme disent les anglo-saxon. Envoyé pour ses premières campagnes dès 2007 en Afghanistan, il a depuis fait les campagnes de Libye, où l’avion est intervenu seul dès les premiers jours du conflit, ainsi qu’au Mali, réalisant par là même le raid le plus long de l’armée de l’air française.
Je rentrerai plus en détail dans un prochain article sur les atouts du Rafale par rapport à la concurrence. Mais clairement, il est le seul à boxer dans sa catégorie, jusqu’à l’apparition prochaine de l’Advanced Super Hornet de Boeing. Aucun autre avion aujourd’hui sur le marché ne peut proposer à ses clients un panel de missions aussi large sur un avion de cette taille, et à ce niveau de technologie. Ce n’est pas une publicité déguisée pour Dassault Aviation, mais un constat que je développerai dans une prochaine publication.
4 Comments
Montaudran
Il y a un point que vous n'abordez pas et qui je suppose joue mais je ne sais pas dans quel sens c'est l'offre d’équipement militaire.
Je m'explique un client peut trouver notre Rafale comme le "best one" mais manque de bol il n'emporte pas tel AMRAAM ou tel JSOW qu'il a en stock pour d'autres appareils.
Je suis une armée je possède une nacelle de recco mais elle n'est pas adaptable facilement au Rafale, l'achète-je ?
On ne vend pas juste un appareil pour brasser du vent mais un système d'arme… vous êtes peut être plus au fait de tel problème.
Bruno ETCHENIC
C'est tout à fait vrai, et ne pas avoir cité les munitions est un manquement. Pour tout dire, ça m'est complètement sorti de la tête!
Heureusement que les commentaires sont là, et je voudrait compléter votre remarque en essayant de répondre à votre question.
Le Rafale est compatible avec certains armements US, et l'intégration de missiles Air-Air ou air sol est quelque chose de possible. Chez les indiens, se sont deux missiles russes qui feront l'objet d'une intégration. Mais c'est le client qui paye ses options. L'état n'a pas à payer l'intégration d'un Amraam qu'il n'utilisera pas, ça reste logique.
En même temps, choisir tout français, malgré le coût de certaines munitions, permets des avantages. L'avantage d'être indépendant des US dans la logistique. Et ce n'est pas rien. D'autre part, il n'existe aucun équivalent au Mica IR et à l'AASM.
Et les missiles de croisière américain sont trèèèès difficilement achetables. Faut voir les problèmes qu'on eu les anglais à la vente de Black Shaheen à l'Arabie Saoudite (un Scalp EG export)
James
Le seul type de missile qui peut être utile et qui manque au Rafale est le HARM, missile anti-radar dont la France n'avait pas senti le besoin pour le Rafale (même pour le Mirage 2000 à l'époque), elle en avait pourtant dans le passé (Mirage III et Jaguar)
Stephane Hubert
En Belgique, notre gouvernement va soulever le problème du remplaçant du F16 au cours de la prochaine législature.
Avant tout il y a toujours une dimension politique lors d'achats militaires, peu de gens disposent de tous les éléments, dès lors je ne vais pas commenter ce point.
Au delà de l'aspect purement technique où ont lieux d'interminables guerres de chiffre qui souvent sont interprétées au en fonction de l'appartenance de l'interlocuteur (je ne jette pas la pierre) et valide ponctuellement dans le temps au grès des évolutions technologiques.
On oublie très souvent de parler du volume de machines produite ainsi que la mutualisation des couts de modernisation nécessaires pour des machines dont la durée de vie opérationnelle a plus que doublée en 50 ans.
Pour le cas de figure de la Belgique, il y a une forte tendance à se diriger vers le F35 à tout niveau par simple choix rationnel.
Premièrement la coopération et mutualisation des couts au niveau du Benelux
Deuxièmement il y a également un problème de calendrier, nous devons acquérir un appareil qui rentrera en service entre 2025 et 2030 ce qui veux dire un décalage d'entrée en service moyenne de +/-20 ans pour le EF et le rafale avec comme conséquence l'impossibilité de trouver des partenaires pour mutualiser les couts de développement pour une 'mid life update' en 2050 à mi-vie (la France commençant probablement à mette à la retraite le Rafale si elle ne le fait pas avant pour des raisons économiques)
Troisièmement le petit volume de Rafale produit (ce point est intimement lié au précédent) va poser problème en fin de vie de la machine dû à l'augmentation et le difficulté d’approvisionnement en pièce de rechanges de plus l'unique industriel qui aura la production de pièces aura tout pouvoir sur un petit client qui n'aura qu'une trentaine de machines, il est toujours plus facile de trouver des solutions de rechanges quand une machine est produite en grand volume.
Voilà c'est juste un point de vue, je n'ai pas d’apriori contre le rafale mais je crains que les points précités démontrent qu'il est presque trop tard pour le rafale.