Il s’appelle « F-GSQR ». Ce nom impersonnel, en réalité l’immatriculation de l’avion, appartient à un Boeing 777-300 ER de la flotte Air France. Cet avion est utilisé sur le réseau COI (Caraïbes, Océan Indien) par la compagnie nationale. Peut-être l’avez-vous déjà emprunté pour vous rendre sur votre lieu de vacances, ou pour tout autre raison. Si pour beaucoup le voyage en avion reste un moment privilégié par les horizons nouveaux qu’il nous permettra de découvrir, et par la rareté de l’évènement, de plus en plus l’aventure du “prendre l’air” est devenue une banalité presque déconcertante. Malgré tout, il ne faut pas oublier ceux qui impriment des traces de leurs ongles les accoudoirs qui crissent sous la lourde anxiété du passager qui ne sera soulagé qu’après l’arrêt complet des moteurs, après quelques heures de stress.
Si l’avion est unanimement reconnu comme le moyen de transport le plus sûr, ce n’est pas le fruit du hasard. L’absence de risques apparents en ferait presque oublier la vigilance de tous les instants de toutes les personnes impliquées dans leur mission de sécurité maximale.
Un avion de ligne a beau être conceptuellement quasiment parfait sur le plan de la fiabilité, il ne pourrait pas voler sans une armée de techniciens. Ces mécaniciens œuvrent en première ligne et sont les garants de la tranquillité de votre vol. Mais comment la maintenance fonctionne-t-elle ?
Aujourd’hui je vous propose de vous faire découvrir les étapes de la maintenance d’un avion durant son exploitation au travers du témoignage d’un employé de chez Air France Industries.
La visite de piste :
Première étape avant le démarrage de l’avion, la visite de piste, aussi appelée visite pré-vol. Le mécanicien de piste inspecte visuellement l’avion, s’assure de l’état correct des pneumatiques, des systèmes de freinages, de l’absence de fuites hydraulique ou du circuit carburant, et du bon état général de l’avion. C’est lui qui délivre l’APRS, ou Approbation pour Remise en Service. Sans ce sésame signé de sa main, ce qui engage donc sa responsabilité, le commandant de bord ne pourra
démarrer son avion. Le document est valable 24H après sa délivrance. Durant ce tour avion, l’équipe de maintenance pourra tout à fait intervenir sur des petites réparations ou réglages, comme le changement d’une roue, un complément d’huile, ou toute autre opération rapide ne nécessitant pas l’immobilisation de l’avion.
Avant de signer l’APRS, le mécanicien de piste consulte deux documents en possession de l’équipage. L’ATL (aircraft technical logbook) et l’ACL(aircraft Cabine logbook). Ce sont deux carnets de bord dans lesquels l’équipage note tous les disfonctionnements d’ordre des systèmes de bords (l’ATL), et tout ce qui concerne la cabine et ses équipements (ACL). Si une partie des pannes relevées par l’équipage peuvent poser un problème de sécurité lors du vol, le mécanicien propose alors une tolérance au commandant de bord, en consultant la documentation constructeur. En effet, les systèmes essentiels à l’avion sont jusqu’à triplement redondant. Mais pour ce qui concerne les systèmes de base, peu de commandants accepteraient de partir avec un circuit hydraulique en rade sur les trois. Par contre, une ceinture de sécurité qui ne fonctionne pas sur un siège, et celui-ci est condamné pour le vol, en attendant que l’avion retourne à sa base pour être remplacé. Si les problèmes simples peuvent être traités sur place, une partie va nécessiter une intervention plus lourde qui sera réalisé lors d’une maintenance plus approfondie de l’avion, nommée Check-A.
Check A : En fonction de l’avion, de son nombre d’heures de vol et du nombre de ses cycles d’atterrissage et décollage, la visite de maintenance Check-A est prévue à intervalle fixe. Il s’agit d’une opération de maintenance d’ordre préventive, qui consiste à inspecter l’avion de manière plus précise que lors des visites pré-vol. Pendant cette opération, qui mobilise des équipes d’une dizaine de mécaniciens organisé sous un roulement de trois rotations de huit heures. L’avion est ainsi constamment accompagné, H24, afin qu’il reste immobilisé le moins possible, pour des raisons évidentes de coût. Une Check A est réalisée environs tous les un mois et demi/ deux mois, et dure de trois à six jours. Pour les compagnies ayant les infrastructures nécessaires, elle est réalisée à l’abri d’un hangar.
Durant cette visite, toutes les trappes de l’avion sont ouvertes, et l’ensemble des circuits hydrauliques, électriques et de carburants sont inspectés. Les moteurs sont vérifiés, ainsi qu’une majeure partie des équipements.
En amont de la visite, l’ensemble des composants devant faire l’objet d’un remplacement programmé ou d’une inspection détaillée sont établis, en fonction des impératifs dictés par le constructeur de l’avion.
La moitié des éléments mécaniques mobiles sont aussi graissés (volets, spoilers, gouvernes de direction, trains d’atterrissages, portes passagers, etc.) L’autre moitié le sera lors de la prochaine visite.
Durant la Check A, les ATL et ATC sont aussi analysés et les problèmes solutionnés.
La sécurité prend tout son sens pour chaque opération de maintenance, ou chaque mécanicien engage sa propre responsabilité pour chaque opération de maintenance. Sa signature sera consignée en bas d’un document qu’il aura dûment rempli, puis archivée dans un centre spécialisé. Ce sont ces documents qui sont consultés en premier et mis sous scellés par le BEA (bureau d’enquête et d’Analyses) lors de chaque accident.
Les avions biréacteurs transcontinentaux tels que le Boeing 777 répondent à des normes très strictes concernant leur exploitation, tel l’ETOPS (Extended-range Twin-engine Operation Performance Standards), qui limite notamment le survol de zone inhabitées (comme les océans) à une distance de vol de 60, 90, 120 ou 180 minutes d’un aéroport. Cette norme a aussi une répercussion dans les opérations de maintenance, en interdisant notamment qu’un même technicien engage une même opération technique sur les deux côtés de l’avion, le même jour.
Si l’opération de maintenance CheckA est relativement complète, il en existe une encore plus intrusive, qui ne laisse rien passer. J’ai nommé, la très sexy Check C !
A poil ! : Pour un avion tel que le triple sept, elle intervient tous les 3 à 4 ans, et dure de trois à quatre
semaines. L’avion est littéralement mis à nu. Toute la cabine est démontée : sièges, porte-bagages, plafond, planchers, panneau… Même dans le poste de pilotage, tout y passe, et il est intégralement démonté. Le but est de voir la structure même de l’avion, pendant que tous les autres éléments sont démontés et en cours d’analyse dans les ateliers spécialisés. La structure désormais intégralement accessible, les mécaniciens vont maintenant l’analyser à la recherche de la moindre crique de fatigue. Suivant l’élément vérifié, plusieurs techniques sont utilisables. Du produit réfléchissant aux UV, aux ultrasons, en passant par la radiographie et la magnétoscopie.
Des techniciens rentrent donc dans les réservoirs pour les inspecter de l’intérieur, et tous les circuits carburant, mais aussi pneumatiques et hydrauliques sont vérifiés.
Il peut arriver que la compagnie aérienne décide de changer la configuration de cabine, lorsque l’avion change de ligne, ou au profit d’une nouvelle gamme de sièges. C’est durant la Check C que cela peut se faire, ainsi que le changement des Galley de cuisine.
Au niveau cabine, ont aussi lieu les essais de la climatisation. Nécessitant l’utilisation de l’APU, les essais sont réalisés à l’extérieur, comme les essais moteurs lorsqu’ils sont nécessaires, et les essais d’orientation du train avant.
Certaines tâches de maintenance importantes sont soumises à la validation d’un contrôleur, comme le remplacement du train d’atterrissage, ou d’un moteur par exemple. Ce sont ces mêmes contrôleurs qui, à l’issue des tests délivrerons la première APRS.
Suivant les tâches effectuées durant la Check-C, il est possible qu’un point fixe soit réalisé, voire un vol technique de validation, uniquement dans le cas où une gouverne aurait été déposée.
Dans l’absolu, les Check A et C ne sont pas les seules à exister. Suivant le type d’appareil et la stratégie d’exploitation de leur flotte d’appareils, il existe aussi une Check intermédiaire, la B, ainsi qu’une grande visite, nommée Check D, mais qui ne sont plus utilisées par Air France Industries.
Nul doute désormais que la prochaine fois que vous prendrez l’avion, vous ne penserez plus seulement au pilote, mais aussi à toutes les personnes qui auront pris un grand soin pour s’assurer que vous puissiez voyager dans les meilleures conditions de sécurité possible.
Alors à tous, bon vol !
Un grand merci à Y.B. pour sa participation, et sans qui cet article n’aurait jamais été aussi complet.