Alors que l’actualité de l’aviation militaire s’est fortement orientée vers les drones ces dernières années, la France traine des pieds et aucun projet concret ne permet de dire aujourd’hui que la France est en mesure de rattraper rapidement son retard, tant au niveau opérationnel qu’au niveau commercial. Cet article apporte des éléments de réponse aux questions suivante :
-Alors que la France est capable de se montrer au plus haut degré de technicité au niveau des avions de combat, elle est mystérieusement absente du marché des drones. Pourquoi ?
-Pourquoi avoir lancé un programme ambitieux de drone furtif de combat et pas un drone MALE, plus simple ?
-Dans combien de temps est-il possible d’envisager l’un et l’autre système en service opérationnel au sein de l’armée française ?
Pour commencer, voici une légère mise en bouche sur le contexte sur lequel cet article va se baser.
Les drones ont majoritairement eu un rôle d’observation, utilisée en premier au bénéfice de l’artillerie, elle permet de « voir au-delà de la colline », sans risquer un équipage, et à moindre coût. Ce rôle a évolué ; en améliorant l’autonomie et la portée des capteurs, et grâce à la démocratisation rapide des liaisons satellites haut débit, le drone peut être employé à l’arrière du front, plus longtemps, et voir plus loin. Il travaille au bénéfice des forces au sol, pour la sécurité d’un périmètre, ou pour les décideurs qui cherchent des cibles pour des frappes d’opportunité. Ces rôles sont donnés en général à des drones dits « MALE », pour Moyenne Altitude, Longue Endurance. Il existe aussi une autre catégorie de drones, beaucoup plus complexes, les « HALE » (Haute Altitude Longue Endurance) ; bien que ces derniers peuvent, comme les MALE, assurer un rôle d’observation, la haute altitude à laquelle ils évoluent les prédestines au renseignement technique (électromagnétique, interception de communications), relais de communications inter-théâtres, etc.
Dans un futur relativement proche, les drones remplaceront aussi un rôle majeur dévolu aux avions de combats, et en concurrence avec les missiles de croisière : l’attaque de cibles de haute valeur lors des premiers jours d’un conflit de haute intensité. En évitant d’avoir à risquer un avion couteux et la perte d’un équipage d’un avion de combat, mais aussi en délivrant de l’armement à un coût plus raisonnable que l’utilisation massive de missiles de croisières, le drone peut se révéler un complément intéressant à une flotte d’avions de combat moderne.
Le marché des drones actuel est majoritairement dominé par les états unis et les israéliens, et beaucoup d’autres pays sont sur le point d’acquérir les briques technologiques nécessaires à la conception et la mise en œuvre de drones. Ce qui nous ramène aux questions posées plus haut.
-Alors que la France est capable de se montrer au plus haut degré de technicité au niveau des avions de combat, elle est mystérieusement absente du marché des drones. Pourquoi ?
La première des raisons -évidente- est la situation économique inquiétante dans laquelle est plongé notre pays. Les armées, si elles ne sont pas directement impactées par des coupes budgétaires importante et ne sont pas des « variable d’ajustement » comme aiment à le rappeler tous les politiques qui se succèdent au pouvoir, chaque livre blanc sur la défense, qui redéfinie le but et l’emploi de nos forces masque en réalité des réductions importantes d’effectifs, permettant d’économiser des crédits en faveur de l’équipement en matériels. Matériels qui, au cours des années, se voient affublés d’un mal bien occidental : le technologisme. Depuis toujours, les armées cherchent à s’équiper avec du matériel plus performant que son ennemi potentiel. Mais un tournant a été amorcé par les USA et ses alliés, qui ont choisis la voie de la recherche d’une supériorité technologique à l’opposé de la supériorité numérique de l’URSS lors de la guerre froide. Malgré la fin de la guerre froide, aucun changement de cap n’a été effectué. Alors que l’argument financier pourrait faire pencher la balance en faveur de l’engagement de drones armés, moins chers à l’acquisition et à l’utilisation que des avions de combats dans des rôles basique, les forces armées françaises n’ont toujours que peu de matériels à engager, obsolètes dans leur rôle d’observation par rapport aux équipements déployés par les forces étrangères, et non armés.
-Pourquoi avoir lancé un programme ambitieux de drone furtif de combat et pas un drone MALE, plus simple ?
Il serait risqué de répondre avec une logique imparable à cette question. Après m’être entretenu avec plusieurs personnes « proche des dossiers » comme le veut la formule, notamment chez un industriel du secteur bien connu, plusieurs éléments de réponses peuvent être identifiés.
Premièrement, et contradictoirement, le programme d’avion de combat furtif non piloté NEURON, coute bien moins cher que l’acquisition sur étagère, ou la construction nationale d’un drone MALE, beaucoup moins ambitieux technologiquement parlant. La raison en est bien simple, le programme NEURON ne vise que la réalisation d’un démonstrateur technologique dont le coût est d’environ 400 millions d’euros, partagés entre les divers pays européens participants au programme, dont la France est Leader, au travers de Dassault, l’architecte du programme. Le coût de l’achat d’une flotte de drones MALE armés, entre les vecteurs, les stations de contrôle et la mise en place d’infrastructures de communication nécessaire à leur mise en œuvre se chiffrerait à plusieurs milliards d’euros.
Ensuite, le choix pour la France de développer NEURON est stratégique. Il permet à la France de s’assurer une maitrise technologique essentielle à la conception de tels équipements, et de faire vivre et donne du travail aux différents bureaux d’étude, pour garder des compétences nationales dans un domaine plus que stratégique. Ou comment être en mesure de savoir faire, sans faire…
Mon dernier élément de réponse est à chercher du côté politique. Alors que le programme NEURON s’est basé sur une demande officielle du pouvoir et des armées, une fiche programme clairement établie, rien de semblable n’a été fait concernant un drone MALE, armé ou non. Les industriels n’ont donc eu d’autre choix, en face du manque criant de tels équipements dans les armées françaises que de proposer des solutions imaginées en interne, à une problématique connue mais qui n’a pas été exprimée officiellement.
-Dans combien de temps est-il possible d’envisager l’un et l’autre système en service opérationnel au sein de l’armée française ?
Pour ce qui concerne un système de drone MALE, en imaginant une décision ce jour, il est possible qu’un drone acheté sur étagère, comme le REAPER américain, et à l’aide d’une procédure accélérée nommé Foreign military Sale outre atlantique permettrait de s’équiper en prélevant sur du matériel normalement destiné aux forces américaines en cours de livraison. La mise en service serait donc rapide, moins de deux ans.
Le HéronTP, fabriqué en Israël et francisé par Dassault Aviation peut être lui aussi livré assez rapidement, en deux ans après signature, assure l’industriel. Il faudra par contre compter un délai supplémentaire pour la mise en service.
Héron comme Reaper ne sont cependant à considérer que comme des systèmes intermédiaire, en attendant la livraison d’un système répondant parfaitement au besoin des forces, un programme étudié sur mesure, comme le drone franco-britannique TELEMOS par exemple.
En ce qui concerne un drone de combat basé sur le démonstrateur NEURON, qui devrait effectuer son premier vol à la fin de l’été, le délai sera certainement beaucoup plus long. Sans compter le rapprochement Franco-Britannique, qui a été cristallisé par des annonces croisées venant de part et d’autre de la manche, sur le développement en commun entre Paris et Londres du futur avion de combat non pilotés de ces deux pays. NEURON ne devrait donc pas, en l’état actuel des choses, avoir de dérivé direct mis en service en France.
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Nicolas
Intéressant comme toujours, merci.