JSF : le programme qui détruit l’aéronautique militaire européenne
Suite aux deux précédents volets concernant les déceptions de la « cinquième génération », j’ai décidé de m’attaquer aux conséquences –nombreuses- du programme JSF sur l’industrie aéronautique européenne, mais aussi l’impact désormais négatif que le programme aura sur les capacités des forces armées de toute l’Europe.
Pendant que certains pointent du doigt les importants retards et surcoûts du programme JSF (dont je fais partie), certains me tapent sur l’épaule en me rappelant que d’autres programmes ont aussi connus les mêmes déboires. C’est vrai. Mais il faut faire un travail pragmatique, et replacer chaque programme dans son contexte.
F22, Rafale et Eurofighter sont les derniers programmes menés en occident ayant connus des ratés similaires.
Le F22, était un tout nouveau chasseur devant assurer la suprématie totale de L’USAF pendant des décennies. Ainsi les caractéristiques lui étant propres ont nécessités le déblocage de technologies clés.. Avec la disparition de l’URSS le programme ne trouvait plus grâce auprès des politiques qui ne voyaient plus l’utilité d’une « super-arme ». Les risques pris étaient donc énorme.
Le Rafale a lui aussi subit les conséquences de la fin de l’URSS, mais aussi des décisions successives du gouvernement et de l’armée qui ont exagérément allongé la durée du programme. Le plus sérieux concurrent du Rafale provenait de l’intérieur, c’était le Mirage 2000. Voulant combler certains manque opérationnels, les militaires ont engagés des crédits dans la rénovation d’une trentaine de mirage 2000 C en -5. Mais ont aussi acquis 86 mirages 2000D, version qui n’aurait peut-être pas eu de raison d’être si le Rafale était entré en service quelques années avant. L’ensemble des crédits distribués à des programmes parallèles ont provoqués les retards que nous connaissons. Au niveau du coût, le programme n’a par contre pas subi d’importantes dérives.
L’Eurofighter, comme ses contemporains a lui aussi subit les réductions de budgets des différents ministères de la défense des pays concernés suite à la fin du rideau de fer. Mais surtout, c’est le partage des risques industriels qui a été catastrophique. Comme il est de coutume en Europe, c’est la cible d’acquisition de chaque pays qui décide de la part de travail qui lui revient. Le partage du travail est donc décidé en fonction d’une décision politique, laissant de côté la logique qui aurait voulu que le travail soit partagé en fonction des compétences de chacun.
L’Eurofighter est le seul avion au monde où ses ailes droite et gauche ne sont pas produites dans le même pays. Cette anecdote ne peut expliquer un quelconque surcoût, mais la manière dont est organisé le programme industriellement parlant. Pire, chaque pays partenaire dispose de sa propre chaîne d’assemblage. Si les coûts de développement son commun, l’organisation de l’industrialisation ne permet pas franchement une économie d’échelle efficace.
Revenons-en au programme JSF.
La principale raison des retards et surcouts des avions précédemment cités est le gel des crédits alloués à la défense suite à la fin de la guerre froide. Hors, les balbutiements du projet JSF datent de 1993 ; les premiers démonstrateurs ont volés au début des années 2000, donc dans une période post guerre froide. Le programme d’essais a débuté en 2006 avec le vol du premier prototype de la version classique, le F35C. A cette époque, une première mise en service dans un standard intermédiaire -Block1, sur les trois prévus- est prévue pour 2010 en 1996, 2012/13 en 2005, et 2019 désormais, au mieux. Ce qui est inquiétant, c’est que la commande devant initier la production en grande série est repoussée aux calendes grecques. Aucune date n’a été annoncée.
Au niveau technique, les constructeurs ne partaient pas totalement de zéro. Ils devaient hériter d’une partie de l’expérience acquise lors du couteux développement du F22 Raptor dans les domaines de la fusion de données, la furtivité, les senseurs et la motorisation.
A la furtivité et à la complexification du système de combat digne de la nouvelle génération, il fallait ajouter la capacité d’une variante du F35B de pouvoir décoller et atterrir verticalement. La variante Adav va devenir peu à peu celle qui va cristalliser bon nombre de tensions au niveau du développement. Au point que son principal utilisateur, l’US Marine Corps ne compte plus en acquérir que 250 exemplaires sur les 642 prévus au départ.
Les difficultés du programme continuent, et l’amoncellement de déboires aurait poussé bon nombre de décideurs à renoncer à ce programme. Mais il en faut plus. Non seulement le programme est trop avancé pour qu’un abandon ne se fasse pas dans la douleur de milliards de dollars investis en pure perte, mais en plus nombre de pays partenaires attendent avec grande impatience le chasseur censé avoir autant de succès que le vénérable F16 connait toujours, presque 35 ans après.
Le programme F35 a surtout un objectif officieux moins avouable. Celui de détruire l’industrie aéronautique militaire Européenne, ou tout du moins de l’asphyxier au point qu’elle ne représente plus une menace économique et industrielle sur l’hégémonie américaine.
Pour ceux qui s’offusqueraient de cette dernière affirmation, je rappelle que ce n’est pas la première fois que les USA agissent ainsi. Habiles en diplomatie, lobbying et pressions diverses, c’est ainsi que le F104 Starfighter avait été choisi pour équiper certains pays européens auxquels était aussi proposé le Mirage 3, bien plus adapté à leurs besoins, et moins cher… Les USA avaient fait de cet intercepteur pur un chasseur multifonction tout temps à grand frais, et avec le succès qu’on lui connait (Outre Rhin, il était surnommé le « faiseur de veuves »).
IL y a aussi eu le malheureux destin du chasseur Canadien Arow, merveilleuse réussite sur le plan technique mais abandonné suite aux pressions du grand voisin. Ce ne sont que des exemples parmi tant d’autres.
Le problème en Europe pour les américains est que deux programmes majeurs sont en cours – L’Eurofighter et le Rafale – Les avions sont récents, et malgré l’existence de versions modernisées du F16, et avec l’interdiction de vendre le F22, les européens risquent d’inonder le marché export avec des avions récents et performants.
Pour reprendre la main sur le marché, et s’assurer que les pays renouvellent leurs flottes d’avions de combats avec du matériel américain, les états unis vont proposer plus qu’une simple relation client-fournisseur ; ils vont proposer aux pays qui le souhaitent de devenir partenaire du programme. Contre un ticket d’entrée de quelque million de dollars, les nouveaux partenaires se voient offrir la possibilité de participer au plus grand programme d’armement de tous les temps, retombées industrielles comprises.
Le programme de partenariat s’articule autour d’un principe simple. Le pays voulant devenir partenaire doit payer un ticket d’entrée en fonction du niveau d’implication (3 niveaux) et de la cible du nombre d’appareils à commander. Les différents niveaux de partenariats permettent un plus grand retour sur investissement au plan industriel, mais aussi au niveau du partage des technologies et la possibilité d’intervenir dans les décisions à prendre.
Le seul partenaire de niveau un est la Grande Bretagne.
A l’époque où les britanniques réfléchissaient au remplacement de leurs Sea Harrier pour donner un coup de jeune à leur aéronavale, ils firent la conclusion que sur la base d’un besoin de 60 avions ADAV, un programme purement national leur couterai entre 60 et 105% plus cher.
C’est avec ce constat que la Grande Bretagne signa un MOU (Memorandum Of Understanding) en 2001, en versant les 2 milliards de dollars permettant de devenir un partenaire de niveau 1 au programme JSF.
A cette époque, la Grande Bretagne espérait recevoir ses premiers chasseurs en 2010 pour la Royal Navy et 2012 pour la Royal Air Force. Et ce pour un prix d’un peu moins de 10 milliards d’euros, pour 150 appareils, version C et B confondues. Ce qui nous fait un appareil de combat furtif à 66.6 millions d’euros à l’unité. Imbattable. Surtout après les déboires de l’appareil européen.
Avec les dissonances au sein du programme Eurofighter, on comprend mieux à présent pourquoi Londres à tardé à investir dans l’amélioration de l’avion, espérant tellement dans la promesse d’un juteux retour sur investissement.
Pourtant, le programme JSF a dérapé dès le début pour Londres lorsqu’ils ont dû rallonger
850millions de dollars supplémentaires pour la phase SDD (développement et démonstration).
Avant même le vol du premier prototype, les USA annoncent déjà une réduction de la cible d’acquisition de 2978 à appareils, soit une baisse de 18% du volume représentés par 535 avions en moins, et un coût augmenté d’à peu près 40%, jusqu’à 55% pour la version ADAV à un prix unitaire de 61 millions de dollars, hors coûts de développement.
La phase SDD est passée en fin 2005 de 21.1 à 45.7 milliards de dollars, soit une augmentation de 216%.
Un des symboles de la participation importante de la Grande Bretagne au programme F35 est une participation à hauteur de 10% au développement du moteur F135, et 40% au développement du moteur F136. Hors en 2006, ce dernier moteur est abandonné, menaçant le retrait britannique du programme.
Le Royaume Unis n’est pas le seul Pays Européen à être devenu un partenaire du programme JSF. Voici la liste des pays européens participant, associés au montant versés au programme.
UK 2056 millions
Italie 1028 millions
Pays bas 800 millions
Norvège 122 millions
Danemark 110 millions
Total 4.116 milliards de dollars
Ce ne sont donc pas moins de 4 milliards de dollars qui ont irrigués le programme JSF, soit 10% du coût de la phase SDD, qui n’ont pas alimentés des programmes de recherche européens.
Pire : avec les sommes engagées, et malgré l’envolée des coûts du programme, aucun pays n’a encore osé se retirer du programme, avec seulement quelques réductions de cibles d’appareils à commander, ce qui a eu pour effet d’augmenter encore potentiellement le coût unitaire de l’avion.
Aujourd’hui, le coût unitaire se situe aux alentours des 120 millions d’euros. Il n’est donc plus risqué de parier sur le fait qu’un F35 sera plus cher qu’un Eurofigter ou un Rafale, pour des performances opérationnelles qui restent discutables.
Mais il y a encore pire. L’appareil qu’attendent le plus le Royaume unis et l’Italie est le F35B. Il est le seul appareil à même de pouvoir renouveler leur groupe aéronaval respectifs ; en effet, il n’existe aucun autre appareil ADAV en développement dans le monde à l’heure actuelle, et les Harrier italiens sont fatigués, et les britanniques ont revendus les leurs… à l’USMC.
Ces deux pays européens n’ont que des porte-avions à tremplins, sans catapulte ; ils ont donc impérativement besoin d’un avion à décollage court et atterrissage vertical.
A en croire un blog appartenant au célèbre AviationWeek, en comptant à part les développements spécifiques au F35 B, le programme coute 92 milliards de dollars pour 340 appareils, soit 270 millions de dollars, Frais de développement inclus, par appareil !!
Conclusion :
Vous tirerez de ces informations, en plus de celles que j’ai données sur les articles parlant de la cinquième génération, les conclusions que vous voulez. La mienne est que les USA ont trouvé l’arme parfaite pour s’assurer du maintien de leur industrie à un top niveau et affaiblir un peu plus l’industrie européenne. Seule ombre au tableau pour les USA, le Rafale qui reste et s’affirme comme un concurrent sérieux. Les déboires du F35 renforcent la compétitivité du Rafale à l’international. Et pour une fois, c’est tant mieux.
2 Comments
Dany84
Le CF-105 Arrow, une merveille volante qui, en théorie aurait dominer tout ce qui a voler sur terre pendant 20 ans. sous la pression des américains, ont a foutu notre dominateur pour les missiles bomarc qui, faut-il le rappeler était armé de tête nucléaire afin d'abattre les bombardiers soviétique près des zone habité canadienne. Il en était de même avec les missiles Geni monté sur les CF-101B Voodoo, épave volante que même l'US Air Force ne voulait plus (c'est pour cela qu'il nous les ont donné). Je rêve du jour ou l'industrie canadienne regardera pour construire sont propre avion de chasse…
Anonyme
Le F35 est un fiasco sans nom, y compris pour les US!!!
Un avion trop parfait, avec des caractéristiques super alléchantes, des brochures de commerciaux… qui ont fait le succès des ventes. Meme l'UE, qui parle de défense européenne, y a massivement investit dedans.
Mais au final, les performances seront largement revuesà la baisse, le prix va exploser… et tout ceci va être payer par les abrutis de contribuables.
Alors que faire de cet avion, qui en 2030 sera obselète et sans intérêt!!!