Aujourd’hui je vous présente une interview d’un officier de l’armée de l’air. Il va nous raconter quelque souvenirs de sa formation d’élève officier personnel navigant. En discutant avec lui m’est venu l’idée de l’interviewer pour vous faire profiter de ses anecdotes.
-Lieutenant P. Est ce qu’il y aurait une anecdote, un souvenir particulier pendant votre formation d’élève pilote ?
-Il y a beaucoup de choses. Le premier lâché, la sélection en vol, le saut en parachute, la course d’orientation de nuit… Pas mal de souvenirs refont surfaces!
-Pourriez-vous nous en raconter un en particulier ?
-Je pourrais vous raconter l’épisode du saut en parachute.
-Je vous écoute
-On a fait une formation théorique de 2/3 jours où on apprend principalement à se réceptionner au sol, ce qui se révèlera par la suite plus théorique qu’autre chose, car le roulé-boulé qu’on apprend au sol doit être reproduit en pratique alors que l’on tombe à au moins 6 mètres secondes.
-Une expérience douloureuse ?
Je me suis tordu le genou au niveau du ménisque, ce qui fait que j’ai dû attendre la session suivante, 4 mois plus tard.
On devait faire 4 sauts pour obtenir notre brevet de parachutisme, qui est le premier brevet que l’on obtient en tant qu’EOPN.
-Un peu d’appréhension avant ce premier saut ?
-Non pas vraiment pour le premier, car j’étais avec les membres de mon groupe. Pour le second par contre, j’avais l’appréhension dû à la mauvaise expérience de mon premier saut, et je n’avais pas envie de me louper après 4 mois passé à attendre. Pour mon troisième saut, j’ai décidé d’aller au-devant de toutes mes appréhensions en voulant être le premier à la porte du Transall.
-Et ce troisième saut c’est bien déroulé ?
-Et bien à ce troisième saut, la consigne était d’utiliser le parachute ventral en plus du parachute principal. Après avoir jeté le parachute devant moi, je ne sais plus comment les faits se sont exactement déroulés, mais j’ai commencé à pivoter sur moi-même et la suspente du parachute ventral s’est enroulée autour de mon cou. Du coup j’avais la tête bloquée vers le haut et je ne voyais pas le sol. Je ne pouvais pas prévoir l’atterrissage. En plus du stress d’être à moitié étranglé, j’avais vraiment peur de me faire encore plus mal qu’au premier saut.
-Vous vous rendez compte que vous êtes en train de tuer des vocations en racontant tous vos malheurs ? (rires)
(Rires)-Les plus motivés resteront! Mais rassurez-vous, l’atterrissage, bien que violent, c’est bien passé. Ce sont des expériences fortes en émotions, et je vous les livre tel quelles. N’est-ce pas cela que les passionnés recherchent ?
Je me rappelle de la fois où j’avais voulu être le premier à sauter. La porte était ouverte alors que l’avion faisait le tour de la zone de saut. Au moment où le signal de saut est arrivé, je regarde le vide, puis je me suis retourné pour voir la trentaine de gars qui attendaient que ça avance. Et là on a plus le choix, on se jette dans le vide! Au moment où on sort de l’avion, on se prend une énorme baffe. Comme si le souffle nous arrachait de l’avion. Tout de suite après le parachute s’ouvre en me secouant violement. Une fois ouvert, un calme incroyable. Mais on n’a pas le temps de regarder le paysage. Largué à environ 400 pieds, en moins d’une demi-minute on est au sol. Mais la notion de temps dans une situation pareille est complètement perturbée. Au début on ne s’aperçoit pas vraiment de la vitesse, mais dans les dernières secondes, lorsque le sol se rapproche de plus en plus vite, on serre les fesses
-L’initiation au parachutage a principalement pour but de vous former en cas d’éjection. Pour compléter ce stage, vous recevez aussi une formation de survie en cas d’éjection. Je crois avoir compris que vous avez beaucoup de choses à partager concernant le stage SATER
-Oui c’est un souvenir fort. Fort parce qu’on est dans l’attente pendant trois jours sans rien d’autre que le matériel qu’on est censé avoir après une éjection, puis on vient nous chercher comme un ministre.
Ils ont commencé par lâcher le groupe dans une zone au sud de la gironde entre le lac de Cazaux et le Centre d’essai de Landes. Après quelque kilomètre de marche à pied, on a été dispatchés par groupe de deux. Le premier réflexe est de trouver de l’eau que l’on rend potable grâce aux pastilles fournies. Ensuite il faut se créer un abri-tente ainsi qu’un couchage avec la toile de son parachute, puis monter un trépied, appelé tripode pour surélever le fumigène qui aidera les secours à nous retrouver.
Le plus dur est d’arriver à gérer son énergie. En plein mois d’aout sous les pins, il faut trouver de l’ombre constamment, ne pas trop bouger durant la journée. Faire un maximum d’activité tôt le matin et le soir et gérer sa ration d’eau et de nourriture. Les repas donnent de l’énergie mais ne rassasient pas; On a tout le temps faim, au point que l’on se retrouve dans un état presque second.
Au petit matin du troisième jour, j’ai entendu au loin le bruit de l’hélicoptère, et j’ai allumé mon fumigène. L’hélico est arrivé et s’est placé en stationnaire au-dessus de nous. Avoir plusieurs tonnes de métal au-dessus de la tête est une chose, mais tirer sur la corde tendue et voir l’appareil compenser en permanence est une sensation qui m’est restée. Ajoutez à cela le souffle assourdissant du rotor et vous avez un souvenir assez fort qui vient clôturer un épisode très épuisant.
-Qu’avez-vous fait en premier après être rentré sur la base Cazaux ?
-Aller au mess!