Du Kosovo à la Libye, 12 ans d’évolution des forces aériennes françaises
23 mars 1999. L’OTAN est engagé dans la première intervention de l’histoire, où seuls des moyens aériens seront massivement utilisés afin de faire tomber l’emprise d’un “dictateur” usant de la force contre la population en majorité d’origine albanaise de la région du Kosovo.
19 mars 2011, 12 ans après, la France, en prémices du reste de l’armada de l’OTAN, envoie son armée de l’air frapper l’armée fidèle à un autre dictateur qui réprime dans le sang une révolte née dans la suite du printemps arabe.
Alors que les combats n’ont pas vraiment cessés, des critiques se sont déjà formés autour de l’incapacité de la France et des européens en général à mener seul des engagements sans l’aide des américains. manque de missiles de croisières, de capacité SEAD, de ravitailleurs, de munitions, de capacité de combat électronique, de moyen de renseignements, de drones, etc.
Même si nous n’aurons jamais, en tout cas à moyen terme l’ensemble des moyens de notre politique, j’aimerai dans cet article, noter les évolutions favorables entre ces deux engagements séparés par presque 12 ans jour pour jour.
Il est à noter pour commencer que même si 12 ans séparent les opérations aériennes qui sont décrites ici, les forces de Kadhafi n’était pas plus efficace au début des hostilités que ne l’étaient celles des serbes en 99. En cause un long embargo sur les armes que n’avaient pas les Serbes.
Alors que les serbes pouvaient aligner quelque Mig 29 contre les forces de l’OTAN, la Libye n’avait même pas fini de se faire remettre en état de vol ses mirage F1, et disposait en outre de vieux avions qui n’avaient pas les moyens de rivaliser avec l’armada aérienne otanienne.
Le seul moyen cohérent dont dispose Kadhafi est représenté par ses missiles sol-air d’origine russe. Et là encore, pas aussi évolués que ne l’étaient ceux des serbes.
Pour continuer dans le pragmatisme, il faut se rappeler des énormes COMAO engagés en 99 qui ne l’ont pas été contre Kadafhi, la menace n’étant pas la même. plusieurs dizaines d’avions étaient souvent engagés simultanément contre quelque objectifs, avec d’important moyens de guerre électronique offensive dont les tornados ECR et surtout, les EA6B Prowler de l’US Navy. Et ce, pendant la quasi totalité du conflit.
S’il est une évolution (certains n’hésiterons pas à dire révolution) qui est à souligner dés le début de l’intervention en Libye, c’est bien l’intervention du Rafale.
Car malgré les nécessaires prises de renseignements électronique sur les moyens de défenses lybiens, et malgré ce qui a été annoncés par les média américains, la France a pris le risque d’engager le rafale au premier jour, sans préparation préalable du terrain en exterminant les moyens de défense sol-air.
Les 12 années de modernisations des moyens aériens français (armée de l’air et aéronavale), n’ont pas été veines. Il serait trop long, et je suis sur qu’un livre pourrait être écrit sur le sujet, d’expliquer tout ce qui a été apporté. mais jugez plutôt avec ces rapides affirmations.
En 1999, l’aéronavale ne disposait pour ses missions d’assaut que de super étendards modernisés, emportant au maximum 2 bombes guidées laser, et aux moyens d’auto défense anti-aérien très limités.
Le seul avion étant censé disposer de moyens d’interception était l’antique F8NE Crusader, retiré du service la même année, dont les capacités de combats étaient dépassées depuis longtemps.
En 2011, la marine aligne sur son porte-avion nucléaire une dizaine de Rafale F3, apte à toutes les missions de combat que l’on peut donner à un avion de chasse. Attaque au sol, interdiction du champ de bataille, interception, CAP, renseignement, et j’oserai presque le dire: le SEAD.
Elle peut aussi participer au contrôle et à la gestion de l’espace aérien avec ses avions de guet avancés Hawkeye.
En 1999, l’armée de l’air, pour ses missions de patrouille aérienne, aligne le mirage 2000C RDI, qui, doit choisir entre un emport de 2 bidons de 2000 litres ou des missile semi-actif S530D, en plus des deux missiles IR magic2. La frappe ou l’allonge.
Aujourd’hui, le Mica est non un missile de type tire et oublie, mais est aussi emporté au nombre de 6, en plus des bidons, ou 4 avec des armements air-sol.
En 1999, l’armée de l’air n’avait que des bombes guidées laser, bien embêtant face à une météo capricieuse, ou chaque nuage protège sa cible en la masquant. Larguées à haute altitude, la balistique leur permettait un vol plané jusqu’à une quinzaine de kilomètres. malgré tout, à cette époque, encore beaucoup de bombes lisses sont larguées sur coordonnées, obligeant l’avion à suivre une direction bien “propre” avant le lancement. Les américains mettaient en avant leur nouveaux JDAM à guidage GPS.
Le meilleur avion de pénétration dont dispose l’armée de l’air est alors le mirage 2000D, toujours d’actualité (mais amélioré), et n’emporte qu’une seule bombe (deux désormais).
En Libye, le rafale dispose du récent AASM. jusqu’à 50KM de portée, tire-et-oublie, avec plusieurs modes de guidage. De plus, le rafale peut en emporter jusqu’à 6, en plus de son armement air-air. Dans les faits, seulement 2 seront montés pour chaque lanceur tri-bombe, de crainte que si le lanceur du milieu ne vienne à tomber en panne, les autres bombes soient bloquées aussi.
En 2011, l’économie en carburant et l’allonge du rafale lui permet de rester bien plus longtemps sur zone que les mirages 2000. Son système spectra lui permet d’être constamment en alerte avec une détection de la menace, et surtout une bien meilleure vision de la situation de la zone de combat.
La seule chose que nous pourrions regreter après 12 ans d’évolution est la disparition de notre capacité de reconnaissance stratégique avec le vénérable mirage IV, en partie et incompletement comblé par d’autres moyens.
Il devient clair que même arrivé en retard par rapport aux prévisions initiales, le rafale permet aux forces aériennes française un retour au premier plan. Même avec un nombre limité d’avion, il permet de faire bien mieux qu’avant.
A lire aussi, un article de Jean dominique Merchet, qui déjà à l’époque faisait le raprochement entre les opération en Irak lors de la libération du Koweit en 91 et celles du kosovo:
http://www.liberation.fr/monde/0101279112-guerre-au-kosovo-l-armee-francaise-guerroie-contre-ses-deboires-equipement-inadapte-ou-insuffisant-le-conflit-revele-les-carences-des-trois-armes
“On se souvient que, durant la guerre du Golfe, les avions français n’étaient pas équipés pour bombarder de nuit. Huit ans plus tard, 8 Mirage 2000D le font régulièrement depuis Istrana (Italie). «Nous possédons près de 60 Mirage 2000D basés à Nancy», explique l’armée de l’Air. Certes, mais les escadrons lorrains doivent se partager une quinzaine de systèmes permettant de tirer de nuit avec précision. Le PDL-CT (pod de désignation laser-caméra thermique), sans lequel l’avion est aveugle, est une denrée très rare. Un pod pour quatre avions. Sauf à stopper l’entraînement des pilotes restés en France, l’armée de l’Air ne peut pas mettre plus d’une dizaine de «2000D» équipés à la disposition de l’Otan. C’est-à-dire deux ou trois de plus que ceux déjà déployés en Italie.
Reste les avions sans capacités nocturnes. Pour l’essentiel, il ne s’agit pas d’appareils de toute première jeunesse (Jaguar, Mirage F1 CT et Super-Etendard). «Il reste en réserve une cinquantaine d’avions avec les systèmes de protection qui vont bien. Pas plus», assure un aviateur. Car un chasseur bombardier ne peut aller au combat que s’il est équipé de toute une série de contre-mesures IR-EM (infrarouges et électromagnétiques), comme des brouilleurs, des détecteurs de départ-missiles ou des lance-leurres. Et ceux-ci n’équipent pas tous les avions. Trop cher. Sans compter les «pods» de désignation laser Atlis dont les marins découvrent la fragilité lors d’apontages musclés“”