Lors de la définition du concept Rafale, cet avion “omnirôle” devait remplacer pas moins de 7 types d’avions (Mirage 2000, Etendard IVP, Super Étendard, Jaguar, Mirage F1, Crusader, Mirage IV) et se devait, selon la même philosophie, d’être doté d’armements aussi polyvalents que possible. Ainsi, en dehors de l’assaut à la mer (missile Exocet), de la mission nucléaire, réservée au missile ASMP-A, et de la frappe pré-stratégique à longue portée (missile SCALP), l’avion fut doté de missiles MICA EM et IR, assurant à la fois des capacités de combat à moyenne et courte portée et de kits de propulsion/guidage AASM (Armement Air Sol Modulaire).
Ces armements sont constitués de kits comprenant une unité de guidage et une unité de propulsion que l’on rajoute à des corps de bombe simples. La version opérationnelle sur Rafale est celle utilisant un corps de type Mark 82 de 250 Kgs pour une charge utile de 87 Kgs. On la retrouve équipée de différents types de guidage, INS/GPS (SBU 38), INS/GPS/IR (SBU 64), INS/GPS/Laser (SBU 54). Le kit peut aussi être monté sur un corps de bombe BLU 126, dont la charge est nettement plus faible (13 kg) afin de diminuer les effets secondaires.
Ils ont d’abord été utilisés par l’armée de l’Air en Afghanistan, puis très largement en Libye. Ces armements se sont montrés extrêmement polyvalents et efficaces. Ils disposent en effet d’une allonge bien supérieure à une simple bombe guidée, peuvent être tirés à toutes les altitudes (la portée s’en ressentant de 70+ à 20 km), avec un fort dépointage et une grande précision, y compris sur des cibles très mobiles dans sa version “laser”. Néanmoins, ils restent coûteux (de l’ordre de 120 000 € hors développement). Pour ces raisons, des kits américains de guidage GPS/laser, nettement moins chers, sont aussi régulièrement utilisés (kits Enhanced Paveway II). A tel point que Safran développe dorénavant une version “low cost” de l’AASM (AASM Block IV ou “Evolution”), qui devrait coûter de l’ordre de 80 000 €. Enfin, ces systèmes sont actuellement limités à un corps de bombe “moyen” de 250 kg.
Par ailleurs, à l’écoute des retours d’expériences des armées de l’air de différents pays impliqués sur les derniers théâtres d’opérations, MBDA a constaté que la plupart du temps, le choix de munitions de moyenne puissance n’était pas le plus indiqué. Selon leurs études, dans la plupart des cas, l’emploi de munitions plus petites (125 kg ou moins) ou, à l’inverse, nettement plus grosses (1 t ou plus), serait plus pertinent. Il est intéressant de noter que le magazine Air Fan, dans une interview récente du directeur de projet Rafale à la DGA évoquait ainsi une AASM 1 t pour le standard F4 du Rafale. Ce besoin avait été exprimé par l’armée de l’Air dans une expression de besoin nommée AASL (Armement Air Sol Léger)
Enfin, la prolifération de systèmes anti-aériens de portée croissante crée des zones de déni d’accès dont les défenses à moyenne/longue portée ne peuvent être attaquées que via des munitions à longue portée (80 km et plus). Ces systèmes sont souvent “intégrés”, mis en réseau, ce qui implique une attaque par saturation et donc un bon nombre de munitions, ce qui pose un problème au vu de la diminution du nombre de porteurs et la multiplication des conflits. Il s’agirait ainsi non pas de viser le “cœur” d’un réseau type S400, mais plutôt de “peler” l’oignon et de préparer une frappe de missile de croisière type SCALP.
L’arme future devrait donc être compétitive, à longue portée, exister en versions légères et lourdes, et pouvoir être emportée en grand nombre dans le cas de la version légère. Elle devra permettre des frappes de précision, sur des cibles relocalisables (ou faiblement mobiles). Enfin, elle devra être d’emploi général, capable à la fois d’avoir un effet de souffle important et une bonne capacité de pénétration.
Munis de ce “cahier des charges”, les ingénieurs de MBDA ont travaillé , essentiellement à partir de briques technologiques issues d’autres programmes, sur un système de bombe planante, proche du concept SDB américain (Small Diameter Bomb). Les bombes SDB sont au nombre de trois : SDB-I/GBU-39/B et GBU-40/B de Boeing, et SDB-II GBU-53 de Raytheon. Ces bombes, récentes, disposent respectivement d’un guidage INS/GPS (SDB-I) et INS/GPS/EOIR/RF (électro-optronique, infrarouge et radar) mais n’ont pas les mêmes charges. La SDB-I emporte une charge explosive de 93 kg et la SDB-II 48 kg. Elles partagent un lanceur “quad” commun pneumatique Cobham BRU-61. Leurs coûts respectifs sont d’environ 40 000 et 129 000 $ et leurs portées de 70 et 110 Kms pour des poids approximatifs de 130 et 90 Kgs. Elles devraient être disponibles au début des années 2020.
Deux modèles pour deux échelles de frappe.
MBDA, fort de son expérience de missilier expert en charges, proclame que la bombe smartglider de la classe des 100 kg, possèdera à la fois la puissance explosive et de pénétration de la SDB I et la précision de la SDBII. Le Smartglider L (léger ou light, munition de 2 m et 120 kg) serait ainsi capable , après un largage à 12 000 m et un vol de plus de 100 km, de pénétrer une hangarette et de délivrer un souffle important grâce à sa charge de 80 kg à effet variable mise au point par la firme allemande TDW. Cette technologie “RADIUS” permet de contrôler les effets de souffle et de fragmentation de la charge de 10 à 100% et ce depuis le cockpit du vecteur, voire dans l’avenir directement par un JTAC selon son constructeur. Ce n’est qu’une illustration, la technologie francaise des bombes BANG permettrait des effets proches.
Muni de systèmes de guidage GPS (GNSS)/INS (inertielle)/Laser, une version améliorée comporte un système optronique (visible et infrarouge), voire (en option) radar. La voie infrarouge à capteur non refroidi permet l’identification de la cible via un système de reconnaissance automatique de cible grâce à un modèle de type injecté dans l’armement avant le lancement. L’armement pourra être lancé depuis un lanceur simple ou hexabombe. Le lanceur HSL, hexabombe proposée, permettra la mise en place éventuelle d’une liaison de données, voire d’un réseautage des bombes selon les options développées. MBDA obtient ainsi une munition possédant la portée et la puissance de frappe de la SDBI ainsi que la portée et la précision de la SDB II. De surcroît, certaines versions seraient au moins aussi, voire plus polyvalentes, que cette dernière. MBDA affirme arriver à un prix compétitif sur un produit ne comportant pas de composés ITAR ( sujets à d’éventuelles restrictions US).
Selon MBDA, ce lanceur permettrait de placer 12 à 18 bombes sous un Rafale, permettant ainsi à une patrouille d’attaquer un réseau de déni d’accès aérien par saturation (bien que la configuration à 18 bombes semble lourde et “traîneuse”). Il intégrerait une liaison de données permettant des interconnexions plus ou moins complexes selon les modèles de bombes choisies.
L’armement SmartGlider H (pour heavy, lourd) quant à lui pèsera rien moins que 1300 kg (le poids aproximatif d’un missile SCALP) et possèdera une charge de 1 000 kg, soit une puissance double par rapport à celle d’un corps de bombe standard de 1 000 kg Mark 84. Cet armement aura la même finesse que la version légère et donc la même portée. Il sera équipé d’un “pénétrateur”, système de retard permettant la pénétration du vecteur par effet cinétique.
Entre le Meteor, les évolutions de la gamme AASM (Agile Release, Evolution non propulsé, future version 1 000 kg et améliorations de la programmation de trajectoire finale) et Smartglider, la gamme d’armements du rafale est ainsi (enfin) en train de s’étoffer vers un spectre capacitaire beaucoup plus large et diversifié. Il n’y manquerait plus qu’un système léger et low cost de type BAT 120 LG ou roquette guidée afin de traiter des objectifs peu défendus et protégés en environnement complexe.
Reportage Yves Pagot et Yannick Smaldore
6 Comments
Thierry
Je suis un peu perdu dans l’offre MDBA. C’est quoi la différence entre le Spear et le Smartglider ?
Yves PAGOT
Le spear est plus petit, propulsé et… Côuteux.
Bruno
Donc la smart Glider est non propulsé alors ?
On perd tout le bénéfice de la propulsion de l’AASM qu’il est censé remplacer si j’ai bien compris.
D’ailleurs, cet armement est développé sur fond propre ou répond à une fiche programme ?
Yves PAGOT
non Bruno,, il ne remplace pas l’AASM, il le complète. L’AASM possède des capacités dynamiques bien plus intéressantes, le smart glider quant à lui peut être emporté en grand nombre et avoir des effets collatéreaux beaucoup plus limités.
Lefrançois
c’est super sauf que nous n’aurons plus de vecteur aérien nucléaire pendant deux ans pour cause d’exportation, en plus je suis étonné qu’il n’ y ait pas de petit propulseur pour en augmenter la vitesse à l’approche de la cible.
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