Nous avons déjà abordé le sujet à de multiples reprises sur ce site. Miser sur la discrétion d’un avion face aux ondes radar au détriment de ses capacités aérodynamiques et opérationnelles, de sa complexité de conception, de maintenance et donc de son coût n’est pas forcément une bonne idée. Mais lorsque c’est un grand ponte de l’US Navy qui propose la même analyse, les mots n’ont pas le même poids.
Jonathan Greenert, chef des opérations navales de la marine américaine, lors d’une audience à Washington a jeté un pavé dans la marre du programme F-35 en lançant cette phrase cinglante et lourde de conséquences.
“stealth may be overrated.” (La furtivité serait surestimée)
Cette simple phrase s’inscrit dans un long contexte de défiance des amiraux de la Navy face à ce programme qui ne leur convient pas totalement. Et si le contexte de cette intervention est à replacer, le général parlant bien du futur avion de combat et non pas du F-35, ce dernier en fait directement les frais. Face à la complexité de ce programme, à l’envolée de ses coûts, l’US Navy préfère utiliser son budget de façon plus équilibrée. Déjà en 2012, ce même amiral publiait un article dans le Naval Institute, dont la conclusion était simple. Il préférait augmenter la capacité des munitions que celle de leurs porteurs. Voici la phrase complète qui a fait le buzz outre-Atlantique, en parlant du futur avion de la marine :
“(…)not be so super-fast because you can’t outrun missiles, and not so super-stealthy because you can’t be invisible. Stealth may be overrated »
“Il n’aura pas besoin d’etre super-rapide puisqu’il ne pourra de toute manière pas semer les missiles, ni super-furtif puisqu’il est de toute manière impossible d’être totalement invisible… La furtivité pourrait bien être surestimée”
C’est de cette façon que le général a pu, de manière fort simple, mais bien peu diplomatique envers le programme le plus cher de l’histoire de l’armée américaine, justifier une ré-allocation des budgets de l’US Navy. En effet, pour la période 2016-2020, la puissante Marine américaine réduira sa commande de F-35C d’un tiers ! Au lieu des 54 appareils prévus initialement en 2015, seuls, 38 seront effectivement commandés dans cette période, soit une réduction de 30 %.
Exit également le budget prévu en 2016 pour le développement du missile air-air AIM 9X Block III, version dotée d’une portée améliorée, destinée principalement au F-35 C également…
En suivant la logique simple exposée ci-dessus, deux nouveaux programmes bénéficieront des lignes de crédits ainsi dégagées :
Un remplaçant sera donné au missile antiradiation AGM-88 HARM, nommé AGM-88E AARGM-ER, pour : Advanced Anti-Radiation Guided Missile—Extended Range, dont la phase de développement est budgetée à hauteur de 267 millions de dollars.
Une nouvelle famille de munitions de frappe à longue distance va également être étudiée, en mettant en commun deux programmes remplaçant le missile antinavire Harpoon et le missile de croisière Tomahawk, le tout sur une base commune. La munition devrait connaître plusieurs variantes, lui permettant d’être lancée aussi bien depuis la surface (les navires) que les airs ou depuis un sous-marin. 510 millions de dollars sont crédités pour cette étude.
La sortie de Jonathan Greenert a eu beaucoup de conséquences médiatiques, et a obligé son homologue de l’USAF, le général Herbert Carlisle à devoir justifier les choix de sa propre institution, en défendant la nécessité pour l’USAF de disposer d’un avion supérieur en tous points à ses concurrents, aussi bien sur le terrain de la vitesse que sur celui de la furtivité, et ce afin de disposer de la suprématie aérienne pour les décennies à venir. Mais en dehors du futur chasseur de sixième génération dont il est question ici, c’est encore le programme F-35 qui est défendu.
Il faut bien comprendre qu’outre Atlantique, les deux armées sont très puissantes et s’affrontent régulièrement sur le terrain politique, et leurs divergences d’opinions sont nombreuses. Il suffit de s’imaginer que le corps des Marines, appartenant à l’US Navy, il dispose d’une force de combat comparable à l’ensemble des armées françaises pour comprendre les enjeux.
Le F-35, programme conjoint, cristallise bien des tensions, et les attentes de chaque armée ne sont pas les mêmes, car basées sur des missions différentes dans l’absolu. Alors que la Navy dispose d’une flotte jeune et en cours de renouvellement avec plusieurs centaines de Super Hornet et Growler qui sont entrés en service ces dix dernières années, l’USAF est dans une situation diamétralement opposée. Le F-15 n’a pas été remplacé nombre pour nombre par le F-22, et aucun programme n’a été à même de remplacer la nuée d’avions tactiques composée des F-16 et A-10, entre autres…. Et place l’armée de l’air américaine dans l’urgence, et sans solution de secours, ce qui n’est pas le cas de la Navy qui a les coudées franches pour imposer son point de vue.
Pour en savoir plus sur la situation qui a déjà été abordée sur notre site, nous vous conseillons la lecture de: Le Super Hornet, l’avion qui pourrait sauver l’Amérique
Article source, Aviation Week : Navy JSF Cuts Mirror CNO Priorities
4 Comments
Anonyme
Un liens pour ceux que cela intéresse.
http://translate.googleusercontent.com/translate_c?depth=1&hl=fr&prev=search&rurl=translate.google.fr&sl=en&u=http://www.smh.com.au/technology/technology-news/revolutionary-f35-joint-strike-fighter-pilots-smart-helmet-will-cost-a-bomb-20150224-13ko9d.html&usg=ALkJrhg8kWHeqZHjfU0LQW2-rpz05466TQ
Lukycold
Michel47
mdr mdr mdr…
Excusez moi mais c'est plus fort que moi. Les êtres supérieurs sont en passe d'annoncer qu'ils ont fait des erreurs !!!!
Ha, c'est américain, on ne les changera pas ;o)
Anonyme
Un autre lien qui est interresant.
http://www.fool.com/investing/general/2015/02/28/bad-news-for-boeing-france-is-still-making-fighter.aspx
lukycold
Anonyme
L'USAF ne peut plus s'acheter qu'un seul (type) d'avion, et elle n'en veut pas…