Lundi 20 mars, lors du comité ministériel des investissements, le ministre de la défense, monsieur Jean-Yves Le Drian, a annoncé le lancement des premiers travaux de développement du Rafale au standard F4. On sait que le futur standard F3-R sera disponible l’année prochaine et amènera – entre autres – l’intégration du missile longue portée Meteor de MBDA, la nouvelle nacelle de désignation Talios de Thalès, de nouveaux modes pour le radar RBE2 AESA, des améliorations de Spectra…
Il est néanmoins nécessaire, dès maintenant, d’envisager les évolutions de l’avion en fonction de l’évolution des menaces, en particulier l’émergence et la prolifération de réseaux de déni d’accès intégrés antiaériens sophistiqués à base, par exemple, de systèmes S300 et de leurs successeurs. Ces réseaux comportent des avions, navires ainsi que des systèmes de missiles de très longue portée à courte portée, interconnectés, se protégeant les uns les autres, souvent mobiles et couvrant de larges surfaces.
Pour attaquer de tels réseaux défensifs, il apparaît de plus en plus nécessaire de coordonner les forces offensives de façon très étroite, de créer de véritables réseaux “contre-réseaux”. Les retours d’expérience des guerres en coalition (Libye, Syrie…) ou des exercices multinationaux (dans une certaine mesure “Trilat” mais surtout “BoldQuest”, axés sur l’interopérabilité) montrent clairement ce besoin, d’une part au sein des forces françaises, mais aussi des coalitions internationales (la fameuse liaison L-16 ayant tout de même quelques années…). Ces réseaux permettent au commandement et aux opérateurs de disposer d’une situation tactique claire et unifiée “en temps réel” nécessaires à une prise de décision rapide et l’exécution des missions.
Bien sûr, ce type de capacités existe déjà plus ou moins au sein des forces armées, par exemple via le logiciel “Alliance” de l’armée de l’air, mais l’évolution des technologies permet l’arrivée de systèmes beaucoup plus performants.
Cet axe sera, selon nos informations, au cœur du standard F4, disponible vers 2025. On devrait ainsi voir apparaître sur le Rafale, une liaison de données intra-patrouilles discrète et à très haut débit permettant de partager images, streaming, etc. en temps réel. Le Rafale devrait aussi être équipé d’une liaison satellitaire opérant dans une autre bande que les liaisons civiles, de radios numériques (système “contact”), pour communiquer via un serveur de communications…
On retrouve cet axe dans le communiqué de presse du ministère, ainsi qu’une évolution des senseurs et de la motorisation des missiles.
Concernant la motorisation on sait que la puissance actuelle est considérée comme suffisante par l’armée de l’air. Néanmoins, certains clients opérant dans des conditions spécifiques en conditions chaudes à haute altitude (l’Inde par exemple), ou à partir de porte-avions STOBAR (décollage à l’aide d’un tremplin et atterrissage avec brin d’arrêt, toujours l’Inde) verraient certainement d’un bon œil une augmentation de puissance. D’autre part, une des lois “universelles” de l’aviation de combat est l’alourdissement des versions des avions au fur et à mesure de leurs évolutions, d’où la nécessité de plus de puissance. Enfin, l’arrivée de systèmes électroniques de plus en plus puissants, consommateurs d’énergie électrique et de refroidissement, implique des générations électriques de plus en plus importantes. De nouveaux alliages permettant d’augmenter la température des parties chaudes (et donc le rendement du moteur) sont en cours de tests à la DGA propulsion. Une augmentation de puissance, sans une reconception des entrées d’air permettant un flux plus important, semble cependant impossible au delà de 8.2-8.3t de puissance de réchauffe.
Concernant les missiles, le développement du remplaçant du MICA, le MICA “NG” a été acté il y a quelques temps déjà, avec un nouvel autodirecteur et une nouvelle propulsion. Enfin, on sait que le programme AASM est en pleine évolution (nous y reviendrons prochainement dans un nouvel article).
Enfin, l’électronique et l’optronique (senseurs) sont des domaines qui évoluent extrêmement vite. Abandonnée il y a quelques années lors de l’apparition de l’OSF-IT, la voie IR (infra rouge) de l’OSF (optronique secteur frontal) est à nouveau en passe d’être renouvelée (OSF IRST) ainsi que l’atteste une offre d’emploi récente sur le site de Thales datant du début du mois. Quant au radar RBE2 AESA, si sa conversion avec des modules au Nitrure de Gallium (GaN) possédant un meilleur rendement a été repoussée car trop coûteuse actuellement, elle est une voie d’avenir de plus en plus pertinente, particulièrement dans le cadre de la guerre électronique.
Il faudra aussi sécuriser toutes ces communications. La nouvelle version du FA-18 “Growler” utilisera par exemple, l’annulation active pour supprimer les brouillages en bande UHF pour ses radios. La sécurisation est un des défis de l’interconnexion en réseau.
On le voit, si ce lancement peut sembler prématuré pour certains, il répond à une logique d’évolutivité du programme imposée par la mutation rapide des menaces à affronter et l’arrivée en masse du concept de “netcentric warfare” (guerre réseau-centrée) qui devient de plus en plus prégnante.
18 Comments
FoxMikeHotel
Bonjour Yves, a ma connaissance, pas de M88, du moins pas celui destiné au Rafale a poussée augmentée, n’est en essais à DGA-EP en ce moment, j’espère que ça arrivera vite, et puis si jamais ils remodelaient les entrées d’air, on pourrait faire d’une pierre deux coups en montant le moteur à 9T (il me semble qu’il les a déjà largement atteint en essais au CEPr), et peut-être en permettant à nouveau d’atteindre Mach 2
Yves PAGOT
Bonjour Fox.
Effectivement. Je voulais souligner les alliages. Pour le reste je pense qu’il est préférable de ne pas le publier non? Si vous avez des contacts là bas cela dit, je serais passionné pour faire un article (un peu en retard) à l’occasion de leur anniversaire…
FoxMikeHotel
Bonsoir, Pour l’anniversaire, on en avait déjà parlé à Toussus il y a quelques temps, je n’ai malheureusement pas eu l’occasion d’en parler à la hiérarchie, j’ai le livre des 70 ans qui pourrait servir de support, et je pense qu’il doit y avoir moyen de les contacter, à vrai dire le CEP semble vouloir se faire connaître un peu plus ces derniers temps donc je pense que ça devrait pouvoir se faire
Yves PAGOT
Merci FMH! Le livre m’intéresserait beaucoup aussi.
Yves PAGOT
FMH, te serait il possible de me contacter? yves@portail-aviation.com . merci!
Fonck
Bonjour. Merci pour cet update en “live”.
Qu’en est il du casque ? Maintenant que le sujet est déverminé par les clients exports, est ce que cela devient plus facile à intégrer pour nos propres forces ?
De même est ce que les antennes conformes qui ont été un temps évoqué pourraient trouver leur place dans ce standard ?
Yves PAGOT
Bonjour Fonck.
Pour le casque, il risque bien d’être nécessairement rapidement sélectionné avec l’appel d’offres belge. Pour les antennes conformes, à priori pas avant la MLU. Ces antennes devraient comporter un certain nombre de modules en tuiles. Il faut tout d’abord maitriser la technologie résultant du programme CARAA. Puis, si l’on utilise des modules au GaN les problèmes de température induits, à la fois pour la puissance de refroidissement et la nature de la matrice (on parle de silicone/diamant)
Yves PAGOT
Bonjour Fonck, au dernières nouvelles gllanées oralement au Bourget, le casque serait le Scorpion de visionix/thales.
JOHNMARCO65
et sinon , ce bel , trés bel avion peut t il evoluer physiquement , ou va t il rester figé dans cette configuration ? qu est t il prevu , vu que visiblement il serait le dernier avion de chasse que notre pays construirait pour des années encore ?
James
“peut t il évoluer physiquement” : Probablement au niveau des entrées d’air si une augmentation de motorisation l’exige, pour la version MLU?
“visiblement il serait le dernier avion de chasse que notre pays: C’est ce que clamaient les industriels et les politiques depuis longtemps mais si les projets en coopération (FCAS, MALE) ne finissent pas bien, que d’autre part, c’est une décision politique, vu qu’elle engage l’argent du pays, le successeur du Rafale pourrait être franco-français.
En somme, je n’exclue pas cette idée.
roro1
bonjour
je suis un peu hors-sujet mais ça me parait être le meilleur endroit pour poser ma question.
Lors de la conception du rafale, les américains nous ont proposé de travailler avec eux sur une version à aile delta du f18 et d’abandonner le programme rafale. A l’époque j’étais tombé sur un article à ce sujet mais je n’ai plus sa référence. Quelqu’un est au courant de cette proposition américaine et sait où je peux la retrouver sur le net ?
Yves PAGOT
Pas à ma connaissance, navré. J’essaierai de me renseigner.
Rémi
Super Hornet plus ?
https://books.google.fr/books?id=cPs6DAAAQBAJ&pg=PA163&lpg=PA163&dq=super+hornet+plus&source=bl&ots=7eEAcB_Q8s&sig=zQf6GIt7W5HEsJEJ3d74wyNaQiY&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjzt_z8g-rTAhVKcBoKHacuA4oQ6AEIYDAM#v=onepage&q=super%20hornet%20plus&f=false
Rémi
Mais apparemment, c’était plutôt avec le consortium européen EFA qu’ils voulaient travailler.
roro1
Merci pour vos réponses.
En fait j’avais trouvé un article dans une revue (je ne sais plus laquelle) fin des années 80 ou début 90. Il y était question d’un hybride entre fuselage du f18 et la voilure du rafale. L’idée étant de profiter du savoir faire Dassaut sur les commandes de vol (si ma mémoire est bonne) et de transférer je ne sais plus quel technologie à Dassault. Le but (inavoué) était en fait, selon l’article, de proposer une solution à bas coût à la France pour développer… en fait rien ou presque et d’abandonner le programme rafale. Toutefois, visuellement l’idée était assez plaisante : un hornet à ailes delta et plan canard, c’était plutôt joli. Voila les quelques souvenirs dont je dispose. Va faloir que je revérifie si j’ai pas une vieille photocopie de l’article dans un aussi vieux carton. En cas, je vous tiens au courant.
Amicalement.
roro1
bonsoir à tous.
Pour ceux que ça intéresserait, j’ai enfin retrouvé la référence à l’article dont j’ai parlé plus haut, au sujet d’un hybride entre hornet et rafale.
Il s’agit de l’article “rafale D et hornet 2000” de Jean-Louis Promé, paru dans la revue bimensuelle “Aviation Magazine International”, n° 960 (15 – 30 avril 1988).
J’ai fini par remettre la main dessus dans un vieux carton ce week end.
voila… mystère résolu.
Si l’article complet intéresse quelqu’un, suffit de laisser un commentaire et je verrai à faire une copie de ma copie. par contre soyez pas pressés, je visite pas le site tous les jours… héhéhé…
amicalement.
Yves PAGOT
Merci roro. ca m’intéresse . yves@portail-aviation.com!
Lefrançois
c’est trop cher c’est ce qu’on dit quand on n’en a pas besoin alors que l’ennemi lui s’en dote sur les mig35, ce que les américains vendent avec le f35 c’est la capacité de combattre en réseaux et sur ce point par rapport à eux on est resté les mains dans les poches, ils vont avoir le monopole de l’intelligence artificielle en ce domaine.