Après une première livraison réussie via sont drone Prime Air dans la région de Cambridge le 7 décembre dernier, Amazon dévoile de nouveaux objectifs… ambitieux !
Un brevet déposé il y a deux ans (décembre 2014) et accordé en mai dernier, expose en effet une logistique de distribution de produits pour le moins innovante car entièrement aéroportée. Pour cela, Amazon a imaginé une chaîne logistique comprenant pas moins de trois systèmes aériens différents. Cette solution ne manque pas de panache ! L’idée est la suivante : la plateforme logistique, aujourd’hui solidement ancré sur Terre, serait cette fois-ci aéroportée et stationnée à une haute altitude (45.000ft évoqués par le brevet en guise d’exemple). Cette plateforme, appelée AFC pour « Airborne Fulfillment Center » stockerait les produits Amazon, ainsi qu’une nuée de « drones livreurs ». Ainsi, à la commande d’un produit, l’AFC enverrait l’un de ses RPAS (« Remotely Piloted Aircraft System », dénomination officielle des drones) en mission de livraison. Une esquisse de ces RPAS fournie dans le brevet montre le choix d’une voilure fixe, ce qui se justifie dans l’argumentaire d’Amazon avec sa volonté de diminuer les besoins énergétiques pour transporter les colis. Une voilure fixe permettrait effectivement au drone de planer et les rotors verticaux permettraient un atterrissage en douceur tout en apportant la capacité VTOL (« Vertical Take-Off and Landing »). Une fois le colis livré, le drone redécollerait et irait se poser sur une aire de dépôt. Une « navette-ravitailleur » prendrait alors le relais pour remonter drones, carburant (fuel), personnel et bien évidemment les produits Amazon jusque dans le « vaisseau-mère ».
Cependant, se pose la question de l’intérêt de cette logistique complexe. Pour le moment, Amazon ne communique pas sur les raisons qui l’ont poussé à déposer ce brevet, mais il est aisé de faire le parallèle avec ses actuels développements en matière de livraison par drones. L’objectif de la livraison par drone est simple : réduire les coûts en s’exemptant des contraintes et limites des infrastructures routières et en automatisant au maximum les processus; les temps de livraison seraient aussi plus courts. Dès lors, il est aisé de comprendre qu’Amazon souhaite pousser plus loin le principe, en automatisant au maximum et en s’exemptant de l’ensemble des contraintes infrastructurelles terrestres. Un exemple évoqué dans le brevet est la possibilité de déployer le système pour des événements ponctuels et à relative basse altitude, pour des rencontres sportives. Les spectateurs commanderaient nourriture et autres goodies à l’effigie des équipes défendues et se verraient livrées en quelques minutes par drones depuis une station volante. Reste à prouver l’équation économique…
Car malgré les nombreux attraits économiques et logistiques, ce concept pose de nombreuses questions. En effet, si le système drone est aujourd’hui techniquement abordable, les systèmes ravitailleurs et surtout les plateformes logistiques aéroportées n’existent pas et sont à développer. Comme vu dans nos précédents articles, le milieu du dirigeable reste encore balbutiant, bien que certains développements actuels pourraient répondre en partie aux besoins d’Amazon.
Ainsi, le dirigeable ravitailleur, tout d’abord, devra être capable de voler jusqu’à une haute altitude. Si l’ascension est chose aisée pour les dirigeables, la diminution de pression de l’air ambiant liée à la prise d’altitude influe grandement sur la navigabilité des dirigeables. De plus, l’ « appontage » du système ravitailleur sur la plateforme logistique aéroportée pose encore une fois un challenge technique.
D’autre part, le brevet déposé par Amazon ne fait pas mention de la capacité de la plateforme logistique aéroportée d’être motorisée pour se déplacer. Néanmoins, cette plateforme devrait « croiser » à une altitude relativement haute (45.000ft), probablement pour éviter le trafic aérien civil. Compte tenu de la quantité de marchandises à stocker et de l’altitude de vol, un tel aéronef aura inévitablement des dimensions exceptionnelles. Enfin, l’insertion dans le trafic aérien pose là aussi de nombreuses questions techniques et réglementaires concernant ces trois systèmes.
Bien que soulevant de nombreuses questions, il est important de souligner que l’utilisation de dirigeables comme plateformes logistiques est régulièrement évoquée.
Ainsi, en juin dernier, la « Science Applications International Corporation » (SAIC) et la société ArcXeon ont présenté lors d’une conférence à l’American Institute of Aeronautics and Astronautics (AIAA) leur concept de transporteur de drones pour des missions militaires et… de livraisons de colis.
En 2013 déjà, la société MBDA avait présenté un concept novateur de soutien aérien au combat terrestre. Comme expliqué dans la vidéo ci-dessous, un dirigeable abritant un centre de commandement déploierait drones de surveillances et missiles.
L’utilisation du dirigeable pour de telles missions n’est par ailleurs pas nouveau. Rappelons que deux des plus grands dirigeables au monde, l’USS Macon et l’USS Akron, étaient capable de transporter 5 avions de surveillance et chasse, des Curtiss F9C Sparrowhawk. Ces petits avions, dépourvus de trains d’atterrissages, « décollaient » et « atterrissaient » depuis les dirigeables.
Si tout cela parait futuriste, Amazon, portée par son ambitieux fondateur et CEO Jeff Bezos, a tout de même pris la peine de breveter le concept. En réalité, et comme pour tout brevet, ce n’est pas le concept qui est protégé, mais le système permettant le contrôle de l’ensemble de la chaîne logistique automatisée et aéroportée, depuis la commande du produit jusqu’à la livraison. En cela, le brevet prouve qu’au-delà des systèmes « aéroporteurs », c’est bien l’intelligence de gestion de la chaîne logistique qui est visée. Il est d’ailleurs stipulé que les drones communiqueront entre eux, avec les navettes ravitailleurs et avec la plateforme logistique « AFC » pour se coordonner et assurer une veille météorologique.
Par ce dépôt de brevet, Amazon, actuel leader mondial de la vente en ligne, démontre encore une fois ses ambitions et sa créativité. À la vue des actuelles réalisations d’Amazon et de Blue Origin, toutes deux fondées et présidées par Jeff Bezos (considéré comme la 3ème fortune mondiale en 2016), on peut espérer que cette idée permettra au moins de faire évoluer les mentalités concernant l’acheminement des biens d’un point A à un point B dans une vision de limitation des impacts environnementaux.
_______________________________________________________________________________
_______________________________________________________________________________
Thibault Proux
One Comment
Alexis FC
Le concept illustre le besoin de penser “out of the box” pour innover aujourd’hui , Amazon repense toute sa chaîne logistique et y intégre des technologies actuelles et futures, en rapport avec des domaines qui lui sont encore inconnus: aero station etc…!
Pour les passionnés d’aéronefs, on se réjouit d’entendre parler de plate-forme aéroportée, qui plus est dans un domaine un plutôt exotique comme la Livraison…
Alexis FC