Il est coutume de décrire les pilotes de chasse comme des hommes exceptionnels. Ils doivent en effet faire preuve d’intelligence, d’instinct, d’endurance, de vivacité, de ténacité et bien sûr de courage. Parmi ces hommes, certains se distinguent comme de “grands” pilotes. Pete faisait partie de ceux-ci. Grand par sa carrière exceptionnelle dont nous vous donnerons un bref résumé, mais aussi par ses qualités humaines sur lesquelles je souhaiterais aussi m’étendre, ayant eu la grande chance de le connaître personnellement. Pete, si il était déjà bien connu dans les milieux aéronautiques (plus particulièrement en tant que chef pilote d’essai de la célèbre revue “Flight International”), a défrayé la chronique sur la web-sphère aéronautique après un essai particulièrement remarqué et élogieux du Rafale , s’attirant même l’ire d’une certaine presse britannique qui tenta en vain de le décrédibiliser.
Après une licence de physique, Pete s’engagea dans la Royal Air Force en 1975. A l’âge de 24 ans, il fut versé en unité opérationnelle au 3rd Sqn sur Harrier Gr3, l’unité de Pierre Clostermann se plaisait il à rappeler a ses amis francais. Le début d’une carrière fort mouvementée et riche. En 1982 survint la guerre des Malouines.
Il y participera sur Sea Harrier dans un rôle de défense aérienne. Après avoir pas mal navigué entre différents escadrons et avoir très jeune été qualifié chef de patrouille, instructeur combat aérien, air-air, air-sol et reconnaissance, il intégrera en 1985 les “Red Arrows”, la patrouille acrobatique de la RAF. Après un crash au décollage lié à une turbulence causée par le sillage de son leader en juin 1988, il intégra la célèbre ETPS (Empire Test Pilot School), l’école britannique de pilotes d’essais, ou il se liera d’ailleurs d’une amitié indéfectible avec le (futur) Général Guillaume Gelée, formant avec lui la “AngloFrench Test Pilots Society” qui comptait… Deux membres. Humour so British!
A l’entendre, cette année fut la plus riche de sa carrière. La devise de l’école, “Learn to test, test to learn”, lui convenait parfaitement. Pete n’aura eu de cesse d’apprendre et de tester tout au cours de sa longue carrière aéronautique. Il avait fait sienne la maxime “on peut apprendre à un singe à piloter, mais pas à apporter des réponses”. Et des réponses à des questionnements concernant l’aéronautique, il en apportera toute sa vie. Après son diplôme, il participera à différents programmes d’essais. Le plus marquant fut celui du célèbre Harrier “VAAC”. L’objectif était de valider des lois de contrôle de vol numérique permettant, avec un modèle unique, la transition de vol linéaire vers un vol stationnaire sans action particulière du pilote. Ce modèle unique est utilisé pour le programme F-35 B.
Après son départ de la RAF en 1993, Pete deviendra pilote d’essai civil, entre autres pour Raytheon UK et chef pilote d’essais pour le magazine Flight International. La quantité d’avions sur lesquels il était certifié est proprement sidérante : plus de 110 types (au point que malicieusement, certains l’appellaient “Flown That!”)! Deux en particulier l’auront marqué : le Folland GNAT et le Dassault Rafale (il adorait les commandes de vol électriques de tous les avions Dassault, du Mirage 2000 aux derniers Falcon).
Mais j’aimerais parler de l’homme autant que du pilote. Avant d’être un grand pilote, Pete était un grand homme. Débordant d’énergie, sportif (triathlonien), avec un phrasé rapide et saccadé, la plupart du temps avec un franc sourire accroché aux lèvres, Pete était avant tout quelqu’un de gentil et de généreux. Lors de nos premiers contacts, après quelques échanges par mail ou twitter, j’ai eu l’honneur de recevoir un patch “à l’ancienne” (cousu) de l’ETPS dans ma boîte aux lettres. Tout cela simplement suite à quelques amabilités sur les jaguars et la rotondité de la terre (certains comprendront)…
Il avait une famille qu’il adorait, et tirait une grande fierté des capacités de pilote de son fils (premier “Top Gun” britannique), et bien sur des futures capacités de sa petite fille (bon sang ne saurait mentir). On sentait chez lui une immense tendresse pour les siens, jusqu’à son berger allemand (diplômé d’un doctorat en physique de Cambridge selon lui), Bruno “Brunsky” Collins, qualifié de meilleur copilote existant…
Toujours ouvert et drôle, Pete avait décidé de se remettre au Français (il considérait comme aberrant de ne pas maîtriser la langue de ses plus proches voisins) et luttait régulièrement avec sa tablette pour s’améliorer. Pete était un Européen avant l’heure, époux d’une femme allemande et particulièrement attaché aux cultures (plus particulièrement gastronomiques) de ses voisins. D’ailleurs, il avait décidé de voter “oui” au référendum, considérant qu’il avait tellement lutté pour assimiler les règles européennes de navigation aéronautiques que ce serait idiot de tout avoir à refaire… Il en était même venu, comble pour un sujet de Sa Majesté, à comprendre les causes de la révolution Française lors de notre visite de Versailles…
Bref un homme drôle, heureux et surtout qui savait partager ce bonheur et en donner aux autres. Une perte immense pour la communauté aéronautique, mais tellement plus grande pour ceux qui le connaissaient et plus encore pour sa famille.
Voilà, c’est de ce Pete que je souhaitais vous parler, pilote et homme d’exception.
Pete Collins s’est éteint fin Août 2016 de manière inattendue. Adieu mon ami, que les cieux te soient propices.
“Un pilote ne meurt pas, il décolle et ne revient jamais”.
Antoine de Saint-Exupery.
L’ensemble des photos utilisées pour cet article proviennent du compte public twitter de Pete, @testpilotpete. Toute l’équipe souhaite exprimer sa profonde sympathie pour la famille Collins.
Adieu Pete.
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James
RIP