Un communiqué de presse nous annonce que le contrat de l’étude de définition vient d’être signé entre l’OCCAR (Organisation Conjointe de Coopération en matière d’ARmement) et trois constructeurs aéronautiques européens. Nommé MALE RPAS pour Medium Altitude Long Endurance Remotely Piloted Aircraf System (ouf !), cette nouvelle étape a été signée aujourd’hui même, mercredi 28 septembre 2016.
L’Eurodrone comme l’a nommé le ministre de la défense français devant la commission de la défense, ou programme MALE 2020 comme l’appelait Dassault Aviation dans ses différents communiqués, va rentrer dans une étape complexe.
La France, l’Allemagne et l’Italie se rejoignent donc au travers des entreprises Dassault Aviation, Airbus Defense & Space et Leonardo-Finmeccanica, pour déboucher potentiellement sur une nouvelle phase de développement prévue en 2018 qui devrait voir un prototype voler à l’horizon 2023 et la livraison d’un premier système en 2025.
A noter que le drone n’est pas seulement prévu pour faire du renseignement et de la surveillance, mais devenir également une plateforme armée.
C’est un constat; les armées européennes sont majoritairement et largement dépendantes des USA ou d’Israël dans la fourniture et l’utilisation des systèmes de plateformes aériennes sans pilotes embarqués.
Les militaires apprécient peu cette situation car cela impose un contrôle quasi permanent et indirectement indiscret des USA sur tout ce que font les alliés européens. En effet, l’utilisation des systèmes est restreinte, et la bande passante nécessaire à leur contrôle transite le plus souvent via des satellites américains, et pas seulement à cause du manque de bande passante disponible des satellites de communications étatiques…
Une autre raison est à trouver du côté opérationnel. Les engins non pilotés ne sont utilisables que sur des théâtres d’opération, et l’utilisation d’un tel engin en Europe nécessite la fermeture de l’espace aérien, le drone ne pouvant s’introduire dans le trafic aérien civil. Ce qui fait donc des drones actuels des outils de théâtre, qui perdraient de leur utilité en métropole par exemple.
L’état, en tant qu’entité indépendante y perd également. L’utilisation d’engins non pilotés étrangers le prive de toute liberté de manœuvre dans leur utilisation, dans le cas où les USA auraient une position fortement divergente dans certains contextes diplomatiques. C’est également laisser aux autres acteurs étrangers le soin de développer et vendre des technologies qui ne sont pas maîtrisées en Europe.
Ce qui amène le dernier point sensible, provenant cette fois de la part des industriels qui goûtent peu au faible engagement politique de l’Europe, les ayant conduit à prendre plusieurs années de retard et perdre des marchés potentiels. C’est d’ailleurs à l’initiative de ses industriels que ce programme a été poussé auprès des états-majors et ministères de la Défense, non sans mal, et malgré l’urgence de la situation.
C’est donc pour répondre à tous ces points que le programme MALE RPAS est entré dans une nouvelle phase d’études. Ce qui ne se fera pas sans difficulté, car la phase d’étude de définition doit recueillir les besoins de chaque état signataire complexifiant d’autant son cahier des charges final, et de les assembler dans un système unique. C’est ce qui fut une des cause des errements de plusieurs programmes européens tel l’A400M ou l’Eurofighter Typhoon, pour ne citer que les programmes les plus emblématiques.
Il existe cependant une grosse différence, étant donné que les industriels ont largement eu le temps de s’entendre avant une éventuelle signature, et qu’ils sont à l’origine de la manœuvre. Le programme de démonstrateur de Drone de combat nEUROn par exemple, avait été mené par les industriels qui s’étaient entendu sur un partage du travail selon le champ de compétence de chacun, et non d’un partage industriel imposé par les états en fonction de la participation financière de chacun, ce qui abouti souvent à des situation inextricables.
Technologiquement, l’énorme apport de ce programme est sans aucun doute la certification civile tant attendue par les militaires. Les avantages de ce choix ne sont plus à démontrer (et en partie expliqués précédemment), mais la réalisation est une affaire compliquée. Obtenir une certification civile nécessite d’impliquer les autorités de certification civile dans quasiment toute la définition de la plateforme aérienne et des systèmes de communication lui permettant de transmettre les ordres. Il faut comprendre que tout doit être traçable ce qui augmente considérablement les charges de travail des bureaux d’étude. En omettant bien entendu les charges utiles qui sont couvertes du secret défense, chaque pièce de structure ou chaque ligne de code des lois de pilotages doivent pouvoir être vérifiées selon des normes strictes.
Une fois la certification obtenue, un drone pourra par exemple rejoindre sa zone de patrouille en passant par des couloirs aériens contrôlés conjointement par les militaires et les civils, et pourquoi pas profiter de l’extrême endurance de tels systèmes pour les déployer sur les théâtres directement depuis des bases en Europe, ce qui économise un transport onéreux. Une certification civile permettrait, pourquoi pas, via quelques modification au drone prévu pour les militaires, son utilisation dans le domaine civil pour des opérations de sécurité par la police ou le contrôle des frontières, la surveillance des feux de forêt, ou partout ou un opérateur trouverait utile de pouvoir disposer d’un œil dans le ciel pendant plusieurs dizaines d’heures; le champ d’application est tellement vaste qu’il est certain que beaucoup d’usages n’ont même pas encore été imaginés.
One Comment
Lefrançois
faire pression pour faire exemption aux drones militaires serait plus simple, un simple dépôt de plan de vol devant suffire, quel pays européen est gagnant dans cette réglementation? On arrive à l’aberration ou des rafale ou mirage 2000 peuvent parcourir le ciel et pas des drones de reconnaissance!