Nous connaissons la culture de l’innovation chez Lockheed Martin, et en particulier au sein de son département Skunk Works. Cette division est à l’origine de bon nombre de programme aéronautique comptant parmi les plus ambitieux. Nous leur devons entre autres le Lockheed U2, mais aussi l’ultra-rapide SR-71 Blackbird ou plus récemment les programmes F-22 Raptor et F-35 Lightning II.
Depuis quelques années, les ingénieurs du Skunk Works développent aussi un programme de dirigeable ayant pour application le transport de passagers et de fret. Le Lockheed Martin Hybrid (nom de code LMH-1) est un dirigeable de type hybride souple. Hybride de par sa portance, assurée à 80% par le gaz porteur (portance aérostatique), l’hélium, et à 20% par la forme aérodynamique de son enveloppe combinée à une propulsion à orientation vectorielle. Le LMH-1 est considéré comme souple car il se compose d’une unique enveloppe contenant le gaz porteur sur laquelle sont fixés les éléments propulsifs, les gouvernes et la cabine (cockpit + cabine passagers + soute cargo). Ce choix technologique impose une grande dépendance à la qualité de l’enveloppe, qui est alors considérée comme un double élément porteur car répondant à la double fonctionnalité de confiner le gaz porteur et d’assurer la forme aérodynamique. Cette dépendance se concrétise par une grande sensibilité à l’étanchéité de l’enveloppe à l’hélium. Cela est d’autant plus vrai que pour assurer la forme aérodynamique souhaitée, l’hélium est en légère surpression (par rapport à l’air environnant). On comprend alors aisément qu’une dégradation de l’enveloppe engendre non seulement un risque catastrophique pour la survie de l’aéronef mais aussi qu’une telle dégradation sera accentuée par la surpression d’hélium.
Pour limiter l’impact d’un tel risque, la division Skunk Works a désormais trouvé une solution originale pour détecter et réparer une fuite. Le SPIDER (Self-Propelled Instrument for airship Damage Evaluation and Repair ou Instrument Automoteur pour Évaluation des Dommages et Réparation de Dirigeable) se compose de deux équipements, disposés de part et d’autre de l’enveloppe à maintenir. Les deux éléments, liés entre eux par aimantation, se déplacent sur la surface de l’enveloppe et détectent les éventuelles fuites via un capteur photosensible situé sur la partie interne de l’enveloppe. Une fois le trou détecté, le SPIDER dépose un patch et transmet la localisation de la réparation au logiciel central de gestion de l’équipement. Ce logiciel permet la gestion de plusieurs SPIDER en même temps, diminuant encore davantage les temps d’inspection et de réparation de l’enveloppe.
Comme l’explique Bob Boyd, responsable du programme LMH-1 chez Lockheed Martin, la maintenance des enveloppes de dirigeables nécessite encore aujourd’hui une main d’œuvre qualifiée et nombreuse. Les équipes Zeppelin sont ainsi obligées de dégonfler entièrement et annuellement les enveloppes des Zeppelin NT pour assurer des tests d’étanchéité manuellement. Cette opération de maintenance est évidemment coûteuse en temps, en main d’œuvre et en immobilisation de l’aéronef. Nul doute qu’un tel équipement intéresse les constructeurs et les opérateurs de dirigeables, et en particulier ceux développant et opérant des dirigeables de types souples, davantage sensibles aux fuites de l’enveloppe.
Cependant, Lockheed Martin ne précise pas si le SPIDER est conçu pour être utilisé en vol, comme le faisaient en leur temps les équipiers embarqués sur le Graf Zeppelin.
Même restreint à une utilisation au sol, le système SPIDER reste un équipement révolutionnant la maintenance des enveloppes de dirigeables, éléments critiques pour ces aéronefs, et en particulier les dirigeables de type souple.
Cette annonce démontre une fois encore l’implication de Lockheed Martin dans le milieu du dirigeable, près d’un an après l’officialisation du programme LMH-1 au Salon International de l’Air et de l’Espace (SIAE, Paris Air Show, Bourget, Juin 2016) et quelques mois seulement après l’annonce de la signature d’un protocole d’entente sur la vente d’une douzaine d’aéronefs au groupe StraightLine Aviation.
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Thibault Proux
2 Comments
pyrignis
Encore une fois un très bon article. Juste une petite coquille: “Le SPIDER (Self-Propelled Instrument for Airship Damage Evaluation and Repair” => pas besoin de “A” majuscule en gras, c’est SPIDER pas SPIADER.
Thibault PROUX
Merci Pyrignis, en effet bonne remarque, je corrige de suite.
Thibault