Comme nous l’avions vu précédemment, Le programme Typhoon du consortium Eurofighter, originellement destiné à la supériorité aérienne, manque cruellement de réelles capacités air sol (constatées pendant la guerre en Libye ou lors de la fameuse évaluation suisse par exemple).
Ce manque de capacités a certainement été préjudiciable, non seulement pour les pays concernés (les vénérables Tornado continuant à “faire le job”), mais aussi pour l’export.
Le standard PE1B, implémenté l’année dernière (voir ici), pallie partiellement cette lacune en rendant l’appareil réellement multi-rôle au sein d’une même mission. Il comporte ainsi l’intégration complète du pod de désignation laser Litening3 et de la bombe guidée planante Paveway IV de 250 Kgs.
Néanmoins reste le problème crucial de la faible variété des emports, en particulier pour les engagements “stand-off” (hors de portée) : la Paveway IV est par principe lente et le Typhon est incapable de tirer des missiles de croisières longue portée.
Afin de pallier à ces faiblesses, le consortium Eurofighter a décidé de financer le standard PE2 et définir le standard PE3. Les détails de ces évolutions sont cités dans l’article cité plus haut; nous ne nous intéresserons ici qu’à certains points.
Le missile Storm Shadow est l’homologue anglais du missile de croisière français SCALP. Il est furtif, ne pèse rien moins que 1.300 kg pour une portée supposée supérieure à 500 km. Cela pose un gros problème de largage au Typhoon pour deux raisons : le missile de 5 m de long ne peut être porté en “point d’épaule” car il déséquilibre trop l’avion vers l’avant. L’emport a donc du être déplacé vers un point plus en arrière qui se trouve aussi être un des trois points “humides” de l’avion (points ou l’on accroche des réservoirs supplémentaires), réduisant ainsi le réserve de carburant à un bidon de 1.000 l en point central (unique point ou l’on peut fixer un pod de désignation…). En tenant compte de la traînée induite par la taille et le poids des missiles, le rayon de combat de l’avion est drastiquement réduit.
Le consortium est donc en train de tester aérodynamiquement des réservoirs conformes dorsaux, avec les avantages et inconvénients de ceux ci (traînée moindre, mais non respect de la loi des aires, ce qui perturbe le passage en transsonique et affecte l’extrados des ailes); ils ne sont d’autre part pas largables.
On sait que récemment le consortium Eurofighter a proposé un upgrade aérodynamique (aigrettes, LERX et élargissement des flaperons). Il est envisageable que celui-ci améliore l’enveloppe de tir du Typhoon tout en augmentant sa manœuvrabilité à faible vitesse et à grande incidence. En effet, lors de des largages de leurs bombes de 1.000 kg (rappelons que le Strom Shadow pèse 1.300 kg), les Typhoons espagnols effectuaient des “sauts de carpe”.
Sur cette photo, on distingue bien les aigrettes triangulaires au dessus des canards, les extensions à la base des ailes et l’agrandissement des commandes de profondeur à l’arrière des ailes. L’implémentation d’un tel kit peut sembler simple mais elle est en fait fort coûteuse (structure des ailes, modifications des commandes de vol électriques, modification des antennes situées au niveau des aigrettes…).
Le standard PE3 est censé amener la capacité à tirer des missile de type “Brimstone” (capables d’engager des cibles roulant à 100 km/h) ainsi que des missiles anti-navire Marte, donnant au Typhoon un spectre complet de capacité Air/Surface. Celui-ci restera néanmoins, du fait des choix effectués lors de sa conception (ailes basses, seulement trois points humides, géométrie de train ayant imposé un positionnement très avancé des points “lourds”) peu adapté aux missions air/sol.
L’arrivée prochaine du radar AESA Captor E permettra d’utiliser ces armements à leur plein potentiel (ainsi que le missile air-air longue portée Meteor), mais celui ci ne devrait pas à priori disposer d’un mode de navigation très basse altitude guidé par le radar (contrairement au Rafale). Par contre, son fort potentiel de dépointage et sa puissance pure (environ 1.400 modules) devrait lui donner des capacités tactiques intéressantes.
Mais une panoplie d’armements complète ne conduit pas une mission au succès. Encore faut il que le vecteur puisse amener l’armement et le délivrer en toute sécurité, et ce dans de multiples conditions. La versatilité du Rafale et sa conception dès l’origine comme multi-rôle ainsi que son allonge et ses capacités de pénétration lointaine nous fait penser qu’il aura toujours un net avantage, au moins en air/sol. De plus, le radar RBE2/AESA sera, lors de la sortie du Captor E, déjà déverminé et aura reçu des évolutions (standard F3R, programme MELBAA…).
4 Comments
Montaudran
Article intéressant, je mets en parallèle ce lien
http://www.defens-aero.com/2015/11/photo-un-mirage-2000d-vole-equipe-de-quatre-gbu-12.html
Qui montre aussi que l’on ne monte pas comme ça au dépoté des bombes et autres charges sur un avions. Que le moindre élément, calculateurs, points humides etc… influx sur les possibilités.
yves pagot (@emouchet2)
Tout à fait. Je lis aussi régulièrement les articles de Loic…
Guindoule Leader
Bonjour,
Qu’est ce que la lois des aires évoquées lorsque vous parlez des défauts des bidons au point de vue aérodynamique ?
Montaudran
La loi des aires ou loi de Whitcomb est les loi qui dit que la meilleure forme aérodynamique a une section frontale constante.
Or sur un avion les sections sur lesquelles sont rattachées les ailes sont plus grandes. Il faut donc rétrécir le fuselage sur ces sections puis le regrossir dès la fin des ailes.
Un avion ne répond jamais parfaitement à cette loi car d’autres considérations jouent cela ne serait ce que l’ajout de charges et bidon sous les ailes.
On voit l’effet de cette loi sur les Convair F-102 et F-106 (=F-102B) qui diffèrent essentiellement par le fait que le second recoure à la loi des aires et est donc beaucoup plus efficace aérodynamiquement.
Cordialement.
Dans le cas de l’article l’ajout de bidon sur le fuselage du Typhoon qui tenait compte de cette loi fait que l’aérodynamique de l’avion sera sans doute plus mauvaise.