100 ans, un siècle, que de temps passé pour une escadrille bien discrète, mais néanmoins glorieuse, comme nous le verrons au fil de cet article… Durant toutes ces années, l’escadrille 67 n’a jamais été dissoute et a toujours servi fièrement les intérêts de l’armée de l’air et de la France !
Crée le 17 septembre 1915 sur la plate forme de Lyon Bron, l’escadrille 67 prend le nom de N 67 en relation avec les aéronefs utilisés: N pour Nieuport, SPA pour SPAD, BR pour Bréguet etc. A l’origine, elle sera donc équipée de Nieuport X biplaces et placée sous les ordres du Sous-Lieutenant Mathieu Tenant de la Tour, qui sera relevé 4 jours plus tard par le Capitaine Olivier Galouzeau de Villepin, qui précédera de peu les Nieuport XII qui vont ré équiper l’escadrille.
Le 25 janvier 1916, l’escadrille est citée pour la première fois à l’ordre de l’Armée pour sa centaine de sorties durant la bataille de Champagne. Après l’arrivée des Nieuport XI en janvier 1916, le commandement de l’escadrille passe au Capitaine Henri Constans de Saint-Sauveur, plus précisément, le 22 février 1916, deux jours avant l’arrivée d’un pilote qui deviendra célèbre sous les qualificatifs de “l’incomparable” ou de “la sentinelle de Verdun”, le Sous-Lieutenant Jean Navarre. Jean Marie Dominique Navarre est né le 9 août 1895 à Jouy-sur-Morin en Seine et Marne. Fils d’André Navarre et de Jeanne de Cëoscou, il s’est engagé pour la durée de la Guerre au 1er Groupe d’Aviation comme pilote, le 2 septembre 1914. Il obtiendra le brevet de pilote militaire n°601 le 30 septembre 1914. Il terminera la guerre avec 12 victoires homologuées et 9 probables. Il sera décoré de la Légion d’Honneur le 2 août 1915 après avoir reçu la Médaille Militaire le 6 avril 1915 avec la Croix de Guerre.
C’est aussi le Capitaine de Saint-Sauveur qui donnera à l’escadrille son premier insigne, un fanion marron et rouge chargé d’un rapace en vol couleur or. Pour l’anecdote, les couleurs utilisées sur l’insigne étaient celles de la casaque de son écurie de chevaux de course.
Toutefois lors du rattachement de l’escadrille N 67 au Groupe de Chasse 12 en Juin 1917, le rapace disparaîtra au profit d’une cigogne, dans la lignée de toutes les escadrilles placées sous le commandement du Commandant Antonin Brocard. Néanmoins le personnel de la N 67 arrivera a trouver un compromis en gardant le fanion et ses couleurs. Dorénavant, les initiales de Saint-Sauveur seront portées par tous les appareils, suivies des initiales du pilote.
Continuant à se distinguer en prenant part à tous les combats livrés sur Verdun et remportant 11 victoires, une deuxième citation à l’ordre de l’armée est décernée à l’ecadrille en juillet 1916.
2ème citation à l’Ordre de l’Armée n°278 juillet 1916:“Chargée à elle seule d’assurer la chasse des avions ennemis et la protection de nos opérations aériennes sur le front étendu a, pendant plus de quatre mois, sous le commandement du Capitaine de Saint-Sauveur, rempli sans défaillance sa mission, malgré les pertes et la fatigue de ses pilotes. A livré pendant cette période 257 combats et abattu dans nos lignes 11 avions ennemis, poussant chaque jour en arrière du front, d’audacieuses reconnaissances et conservant sur l’aviation ennemie, une supériorité manifeste.”
Grâce à cette deuxième citation, l’escadrille 67 fut la première à obtenir le port de la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre 14-18 avec ses deux palmes de bronze !
A la fin de la Grande Guerre, et à l’heure du cessez le feu, le 11 novembre 1918, la SPA 67 est alors commandée par le Capitaine Jacques d’Indy , et ce depuis le 01 août 1917. L’escadrille a abandonné ses Nieuport 23 fin de 1917 pour passer sur SPAD VII monoplace, puis XIII, et finir sur SPAD XVII. Elle comptabilise 46 victoires aériennes homologuées et 34 probables. Elle aura perdu 3 de ses membres, 14 des siens auront été blessés, et 5 faits prisonniers.
La SPA 67 continuera sa carrière entre deux-guerres, de Châteauroux à Lyon Bron, au sein de la 107e Escadrille du 3ème Régiment d’Aviation de Chasse jusqu’en août 1920, puis au sein de la 7ème escadrille jusqu’en 1922, avant de partir au sein de la 21ème escadrille du 25ème Régiment d’Aviation Mixte en octobre 1922 à Lyon Bron. En 1924 elle rejoindra la 5ème escadrille, toujours équipée de ses SPAD XIII.
En juillet 1932, elle abandonnera ses SPAD pour des Loire-Gourdou-Leseurre LGL 32 C1, et rejoindra la 1ère escadrille du Groupe de Chasse I/5 rattaché à la 5ème Escadre de Chasse, toujours à Lyon. Durant cette période d’entre-deux guerres, ses pilotes voleront aussi sur des machines comme le Nieuport-Delage Nid 62 & 622 et le Dewoitine D-500/510.
Le 9 mars 1939 elle sera équipée de Curtiss Hawk model 75A1, avec sa sœur, la SPA 75. En mai 1939, première escadrille du GC I/5, elle déménage à Reims Courcy, en Champagne puis à Suippes au moment de la déclaration de la guerre, et ce jusqu’au 19 mai 1940. C’est à cette date qu’elle se déplacera à Saint-Dizier jusqu’au 11 juin de la même année, avant de partir sur Saint Parres Lès Vaudes, Avallon, Bourges et Carcassonne du 11 au 20 juin 1940. Viendra ensuite le franchissement de la mer Méditerranée pour l’Algérie, alors française, Alger, Oran et Saint Denis du Sig entre le 20 et le 22 juin 1940 avant d’arriver à Rabat au Maroc, lui aussi encore français. Le GC I/5, auquel est rattaché la SPA 67, n’aura pas démérité durant la campagne de France, car en un peu plus d’un mois il sera crédité de 111 victoires, ce qui lui vaudra le surnom de “Groupe des 111”, il aura été l’unité ayant obtenu le plus de victoires en combat aérien ! L’escadrille SPA 67 était alors commandée par le Capitaine Jean Marie Accart jusqu’à sa blessure à la tête en combat aérien le 1 juin 1940.
Ce dernier sera alors remplacé par son second, le Lieutenant Edmond Marin la Meslée, qui deviendra l’as des as français de la bataille de France avec 20 victoires, 16 homologuées et quatre probables. Marin la Meslée gardera le commandement jusqu’au 8 août 1943, date à laquelle le Lieutenant Goupy lui succédera jusqu’au 31 décembre 1944. Notons au passage que le GC I/5 Champagne sera rattaché à la 3ème Escadre de Chasse le 1 janvier 1944. En décembre 1942, l’escadrille a abandonné ses Curtiss H-75 pour des Curtiss P-40 qu’elle gardera jusqu’au mois de juin 1943. Vinrent ensuite les Bell P-39N Airacobra jusqu’en mai 1944 puis les P-39Q jusqu’en novembre 1944, et enfin les Republic P-47D Thunderbolt jusqu’à la libération. Après le Lieutenant Goupy, ce fut ensuite au tour du Lieutenant Giraud, de prendre le commandement de l’escadrille le 1 janvier 1945, et ce jusqu’à l’armistice, le 8 mai 1945. C’est le 4 février 1945 que le Commandant Edmond Marin la Meslée, Commandant du GC I/5 Champagne, est abattu lors d’une mission d’appui des forces terrestres qui libèrent l’Alsace. Son appareil, le P-47D, sérial 44-20384, est touché par la DCA allemande, la “Flak”, alors qu’il est en piqué sur une colonne ennemie, lors d’un second passage pour évaluer les résultats du straffing précédent. Il s’écrasera dans un champ de seigle entre Rustenhardt et Dessenheim.
L’escadrille aura donc quitté le Maroc et Médiouna en août 1943 pour l’Algérie, Tafaroui, puis Oran, avant de franchir de nouveau la Méditerranée pour retrouver le sol de France le 30 septembre 1944, à Salon de Provence. Puis en octobre de la même année ce fut Le Vallon, Ambérieu en Bugey en décembre, puis Dôle, Luxeuil les Bains en mars 1945, Bordeaux Mérignac en avril, avant un retour sur Luxeuil en fin de mois, et ce jusqu’à la fin de la guerre. A l’issue de celle-ci, elle rejoindra Strasbourg, puis à partir de septembre 1945, Trèves jusqu’en mai 1947 et Friedrichshafen sur la BAT 136, alors commandée par le Lieutenant-Colonel Eugène Steff, et ce jusqu’en août 1948.
Le 01 juillet 1947, le GC I/5 Champagne, à laquelle la SPA 67 est rattachée, sera renommé GC II/3 Champagne, étant rattaché à la 3 EC depuis le 01 janvier 1944. En juin 1948, l’escadrille troquera ses Republic P-47 Thunderbolt pour des Supermarine Spitfire Mk IX, afin de se préparer pour son séjour en Indochine où elle stationnera sur la base de Tourane, et ce jusqu’en avril 1950. Elle continuera d’ailleurs à s’illustrer sur ce théâtre d’opérations. Son retour en métropole se fera en Champagne, sur la base de Reims où elle passera à l’ère de la réaction, troquant cette fois ses Spit Mk IX pour des De Havilland Vampire F1 puis FB5. Fin 1950, en novembre, l’appellation Groupe de Chasse GC sera transformée en Escadron de Chasse, EC. Un an après, en 1951, ce sera au tour des Républic F-84E Thunderjet de détrôner les Vampire devenus désuets, puis en 1956 la version F du F-84, le Thunderstreack succédera à la version E. Ces appareils connaîtront eux aussi leur baptême du feu lors de l’opération 700, plus connue sous le nom de campagne de Suez, entre septembre 1956 et mars 1957. En janvier 1959, nouveau changement de monture pour passer sur North American F-100 D Super Sabre avec prise en charge de la frappe nucléaire au sein de la 4ème Allied Tactical Air Force ATAF de l’OTAN. Juin 1961, déménagement sur la Base Aérienne 139 de Lahr Hugsweier. Il est a noté que tous ces appareils américains faisaient partie du plan Marshall, ou Programme de Rétablissement Européen et plus précisément du MDAP (Mutual Defence and Assistance Program ou Programme Mutuel de Défense et d’Assistance). C’est le Général Einsenhower en personne qui remettra les premiers appareils F-84E à l’Escadre au cours d’une cérémonie le 17 mai 1951.
La décennie suivante verra l’arrivée d’un appareil franco-français, le Dassault Mirage III E, et l’EC 2/3 commencera sa transformation dès le 15 septembre 1965. Le 20 décembre 1965, le premier Mirage III E porteur de l’insigne de la SPA 67 fera son 1er vol.
Suite au retrait de la France du commandement intégré de l’OTAN, mouvement est fait sur la BA 133 de Nancy Ochey, ou l’escadron s’installera dans la marguerite Nord-Ouest de la base à partir du 01 septembre 1967.
Le 18 décembre 1990, soit à près d’un quart de siècle jour pour jour après ce premier vol, une dernière patrouille de Mirage III E défilera au-dessus de la base pour marquer le retrait de service de l’appareil après ces 25 ans de bons et loyaux services. Il sera remplacé par le Mirage 2000 N K2.
L’escadron participe en 1994 à l’opération “Crécerelle” à partir de la base italienne de Cervia. C’est le volet français de l’opération “Deny Flight” commencée en 1993 et consistant à la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Bosnie-Herzégovine, en application de la résolution 816 du Conseil de sécurité de l’ONU.
En 1995, c’est l’Opération “Deliberate Force” de l’OTAN sur l’ex Yougoslavie. Le 30 août, un Mirage 2000NK2 de l’Escadron de chasse 2/3 Champagne de l’armée de l’air française fut abattu par un missile sol-air provenant de la défense anti-aérienne serbe. Le pilote, le Capitaine Frédéric Chiffot, et son Navigateur Officier Systèmes d’Armes NOSA, le Lieutenant José Souvignet, se sont éjectés mais furent capturés et fait prisonniers par les serbes de Bosnie. Ils sont relâchés après 104 jours de détention, le 12 décembre 1995, grâce à l’intervention du Général de Brigade Aérienne Pierre Gallois. Ce fut la seule perte du côté de l’OTAN au cours de ces bombardements.
Fin 1995, c’est l’arrivée du Mirage 2000 D qui remplacera les 2000 N K2, mais pas la fin des OPEX (Opérations Extérieures).
Au printemps 1999, le “Champagne” est engagé dans l’opération “ALLIED FORCES” menée par l’OTAN à l’encontre des troupes serbes présentes au Kosovo.
De février à octobre 2002, le 2/3 a participé, dans le cadre de l’opération “Héraclès”, à la lutte contre le terrorisme depuis la base aérienne de Manas-Bichkek au Kirghizistan, pays frontalier au nord de l’Afghanistan.
De juin à septembre 2003, il a assuré, à partir de N’Djamena, Tchad, et d’Entebbé, Ouganda, la protection aérienne des camps de réfugiés et des forces d’interposition autour de l’aéroport de Bunia en République Démocratique du Congo, et ce dans le cadre de l’opération “Artémis-Mamba”.
A partir de mai 2006, le “Champagne” sera présent en Afghanistan dans le cadre de l’opération française “Serpentaire”, intégré dans l’opération OTAN “Enduring Freedom”. Les Mirage 2000D de l’EC 2/3 exécutent des missions d’appui rapproché au profit des forces françaises et alliées. Ils participent ainsi à la lutte contre le terrorisme international et contribuent à améliorer la situation sécuritaire de ce pays.
2011 verra la participation à l’opération “Harmattan”, du 19 mars au 31 octobre, contribution française à l’intervention militaire en Libye.
2012 : après 10 ans de présence, la mission en Afghanistan s’est terminée le 10 juillet et c’est le retour des 3 Mirage 2000D à Nancy. Le “Champagne” a été la première unité combattante à recevoir l’ordre de se désengager. L’unité y était déployée avec 3 Mirage 2000D à Kandahar depuis 2007 après avoir été basée à Manas (2002) puis Dushanbe (2004-2007). Ce retour, marque la fin d’une décennie quasi continue d’opérations et de missions de protection au profit des troupes terrestres de la coalition. L’Escadron de Chasse 2/3 Champagne s’étant particulièrement distingué en Afghanistan puis en Libye, il a reçu la Croix de la valeur militaire avec palme de bronze (une citation à l’ordre de l’Armée aérienne). Cette décoration honore aussi désormais son fanion depuis le printemps 2012.
2013 : après avoir participé depuis N’Djaména (Tchad) aux premières missions de frappes contre les djihadistes d’AQMI au Mali dans le cadre de l’opération “Serval” de janvier 2013 à juillet 2014, c’est également depuis N’Djaména que l’unité participe toujours actuellement aux missions en République Centre Africaine, au titre de l’opération “Sangaris” démarrée en décembre 2013.
2014 : début de la participation à l’opération Chammal depuis la base de Prince Hassan, au Nord-Est d’Amman en Jordanie avec 3 appareils. Cette opération est la participation française au sein de la coalition contre l’organisation autoproclamée “Etat Islamique ou DAESH”.
Il faut noter aussi que, depuis l’année 2006, la ville de Valenciennes, ville natale du Cdt Edmond Marin la Meslée, figure emblématique de l’unité et as aux 20 victoires, est la ville marraine de l’EC 2/3 “Champagne”.
C’est ainsi que sur la BA 133 de Nancy Ochey s’est déroulé le 25 septembre 2015, une petite fête privée pour commémorer ce centenaire, fête à laquelle a pu assister l’un de nos photographes, Patrick Bertaux dit “Patmode”. Il nous en a d’ailleurs ramené quelques clichés des appareils venus pour cette commémoration, photographies qui illustrent cet article.
Joël-Pol STEFF, photos © Patrick Bertaux – Patmode Pictures, sauf indications contraires.
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6 Comments
thierry
merci pour ce très bel article !
Joël-Pol STEFF
Merci à vous Thierry de nous suivre sur Portail Aviation 🙂
JP S
pyrignis
Très bel article. Il me donne d’ailleurs l’occasion de demander d’où viens la nomination n/n des groupes de chasse/escadres de chasse (et régiment de chasse?). À défaut un lien pour m’éclairer sur les dénominations des formations dans l’armée de l’air.
Joël-Pol STEFF
Bonjour Pyrignis,
Comme vous avez pu le voir dans l’article je parle de l’EC 2/3 Champagne ou du 2/3 Champagne. EC correspond à Escadron de Chasse, 2 correspond au numéro de l’Escadron, et 3 correspond au numéro de l’Escadre de Chasse à laquelle cet Escadron est rattaché. L’EC 1/2 Cigognes est le 1er escadron de la 2ème Escadre de Chasse, etc. Les Groupes n’existent plus depuis la fin de l’année 1950 ayant été renommés Escadrons. Les Régiments d’Aviation sont apparus en 1920 pour laisser la place aux Escadres à partir de 1932. Seule exception à la règle, car il en faut toujours une, le Régiment Normandie-Niemen, ancien Groupe Normandie des FAFL, a gardé depuis 1944 son appellation de Régiment, du à son histoire particulière. J’espère avoir répondu à votre question et n’hésitez pas à me recontacter si besoin.
Cordialement
JP S
pyrignis
Parfait, merci. Ça répond à toutes mes questions.
Joël-Pol STEFF
Vous m’en voyez ravi Pyrignis 🙂
Cordialement
JP S