Nouvel épisode de notre dossier dirigeable. Après vous avoir emmené au doux pays des rêveurs dans le précédent épisode, nous revenons sur les marchés promettant la renaissance du dirigeable depuis plusieurs décennies. Commençons par celui des fameux LCA (Large Capacity Airships). Dans cet article, nous détaillerons les enjeux de cette catégorie de dirigeable, en analysant ses points forts et ses faiblesses. Enfin, nous présenterons et analyserons les programmes de LCA existants à ce jour dans le monde en les comparant avec les autres moyens de transport de charges lourdes existants.
Large Capacity Airship, enjeux et limites
Un Large Capacity Airship, ou Dirigeable transporteur de Charges Lourdes en français, est un dirigeable capable de transporter d’un point A à un point B, sans nécessiter d’aucunes infrastructures au sol, une charge volumineuse ou de masse importante. Plusieurs intérêts se dégagent pour cette catégorie de dirigeables :
- Le transport point à point
Il s’agit en effet d’une particularité qu’exploitent tous les projets de LCA. Aujourd’hui, la logistique de transport de produits implique plusieurs moyens de transport différents : que ce soit par les airs (avions et hélicoptères), par la mer ou par la terre (route ou ferroviaire), le transport d’un produit fait toujours appel à plusieurs moyens différents. Cela engendre un temps de transport long, des ruptures de charge dans la logistique, des risques de retards si un maillon de la chaîne venait à défaillir et une grande complexité à chacun des carrefours. A titre d’exemple, le dernier I-phone partira ainsi de son usine chinoise de Taiyuan dans un camion, qui sera ensuite acheminé de Chine en France par un porte conteneur, puis du Havre jusqu’à Paris par train, puis de nouveau par camion jusqu’à sa vitrine dans l’Apple Store du coin. Au total, quatre segments de transport, 3 moyens différents d’où des délais conséquents et surtout une grande complexité logistique.
L’avantage avancé par les constructeurs de LCA est le transport d’un point A à un point B, sans discontinuité. Certes la vitesse de déplacement du dirigeable est bien moindre que celle d’un avion (mais très supérieure à celle d’un bateau), mais le temps de livraison reste compétitif par rapport à celui de l’ensemble de la chaîne logistique. D’autre part, le fait de limiter le nombre de segments de transports augmente d’autant plus la compétitivité du LCA par rapport à l’ensemble de la chaîne logistique de transport.
- Vertical Take-Off and Landing (VTOL)
Il s’agit là d’un avantage commun à l’hélicoptère. Le fait de pouvoir décoller et atterrir verticalement, sous-entendu sans infrastructures au sol, donc sans piste, permet au dirigeable d’embarquer et de déposer sa charge dans les endroits dépourvus de toutes infrastructures. Plusieurs zones enclavées sont très souvent citées : le grand nord canadien, les déserts russes, dont la fonte du permafrost rendront impraticables les pistes utilisées jusqu’alors. De plus, cette capacité ouvre un marché jusqu’alors inexploité bien qu’existant : l’apport d’aides humanitaires sur des zones sinistrées. Par sa grande capacité d’emport et la possibilité de rester en vol stationnaire et de se poser sans aucune infrastructure au sol, le LCA devient un maillon essentiel pour le transport de vivres, d’hommes, de médicaments sur des zones touchées par des séismes, des guerres, des inondations, etc. L’exemple du tremblement de terre au Népal il y a quelque mois démontre la complexité d’acheminer rapidement les aides humanitaires sur une zone sinistrée, qui plus est, située dans des terrains accidentés. Certains projets de LCA proposent même des hôpitaux volant pouvant stationner au-dessus d’une zone sinistrée tout en apportant l’aide nécessaire aux populations.
Il est important de noter ici que plusieurs projets de LCA se basent sur des dirigeables de type hybride, c’est-à-dire utilisant la portance aérodynamique pour contrer la masse de la charge utile. Outre les nombreux avantages que représente cette solution, le VTOL est impossible pour les dirigeables hybrides. En effet, la portance aérodynamique n’est effective que si le dirigeable est en mouvement par rapport à la masse d’air environnante. Pour pouvoir décoller et atterrir verticalement, un dirigeable hybride devrait soit avoir une puissance de propulsion considérable (supérieure à la masse de la charge utile), soit se placer dans un vent relatif, laminaire, stable, à puissance constante et suffisante pour contrer la masse de la charge utile…
- Chargement et déchargement en vol stationnaire
Cette capacité n’est pas prépondérante dans tous les projets de LCA actuels. Elle reste néanmoins primordiale pour différencier le LCA des autres moyens de transports. En effet, il parait très intéressant de pouvoir capter une charge dès son usine de production et de pouvoir la déposer directement sur le site d’implantation ou de livraison. C’est précisément cette capacité que recherchent les industries nécessitant le transport de pièces de grandes dimensions ou de grandes masses. Cette performance est là aussi directement empruntée à l’hélicoptère. Citons à titre d’exemple le transport et l’installation d’éoliennes terrestres comme marines, le transport de structures de ponts, de bâtiments, mais aussi des tronçons de pipelines, des pièces de grands volumes de centrales électriques, des locomotives, des structures d’avions… Cependant, cette capacité reste problématique techniquement. En effet, le LCA se caractérisant par le transport de charges lourdes, un transfert de charges est nécessaire pour contrebalancer la masse de la charge utile. Lorsqu’on embarque une masse de 10 tonnes, le dirigeable doit dans le même temps se délester de 10 tonnes. De même, lors du dépôt de cette masse de 10 tonnes, le dirigeable doit se lester de 10 tonnes. La complexité ne réside pas tant dans le transfert de charge mais plutôt dans la nécessité de le faire instantanément. C’est cette technologie qui démarque les industriels du secteur. Aujourd’hui, la plupart des projets de LCA étant des dirigeables de type hybride, ne pouvant donc par définition, ni charger ni décharger en vol stationnaire (Cf. paragraphe précédent), les industriels du secteur prévoient majoritairement le chargement et le déchargement au sol. Cependant, les industriels compensent cette faiblesse en développant des atterrisseurs innovants permettant aux LCA de se poser sur tous types de surfaces (terre, piste, neige, sable, eau…). D’autre part, les industriels planchent sur des solutions statiques de transports de charges lourdes. On parle de “grues volantes”, capables de déplacer (plutôt que de transporter réellement) sur quelques mètres à dizaines de mètres, des charges de très grands volumes ou masses. Le plus souvent, ces projets consistent en l’utilisation d’un ou plusieurs ballons captifs (reliés au sol via un ou plusieurs câbles), guidés via des câbles treuillés au sol voire même par hélicoptères ! Avant l’officialisation de son échec sur le programme CL160, l’entreprise CargoLifter avait développée plusieurs modèles de ces grues volantes. Aujourd’hui, CargoLifter existe toujours et se focalise uniquement sur ce segment de marché. D’autre sociétés développent actuellement de telles solutions, afin de palier à la problématique de passages d’obstacles (ponts, tunnels), mais aussi à la problématique de déplacement vertical d’éléments volumineux ou lourds (piles et tabliers de ponts par exemple).
- Zéro infrastructure de transport au sol
Cette capacité est double. Elle découle en premier lieu de la capacité de chargement et de déchargement en vol stationnaire ainsi que de celle du VTOL. Effectivement, ces deux capacités ont l’avantage de ne pas nécessiter de pistes d’atterrissage ou de décollage, augmentant au passage le champ des possibles de la capacité de transport point à point. Un LCA est capable de charger et décharger n’importe où sur Terre, sans nécessiter d’équipements spécifiques au sol. En réalité, un LCA aura toujours besoin d’un minimum d’équipements au sol, ne serait-ce que pour assurer un transfert de charge fiable. Cependant, ces équipements peuvent être aéroportés (par le LCA) ou très peu contraignant. Encore une fois, les dirigeables de type hybride ne peuvent assurer une telle capacité.
Cependant, le « zéro infrastructure au sol » réside aussi dans la capacité du LCA d’être stocké au sol sans infrastructures lourdes et / ou complexes. En effet, les dirigeables étant plus léger que l’air, le stockage au sol est une réelle problématique. Aujourd’hui, tous les dirigeables sont stockés sous hangar ou exceptionnellement en extérieure à un mât. Ce stockage en extérieur n’empêche d’ailleurs pas les incidents. Néanmoins, sur cette capacité de stockage au sol sans infrastructures, les dirigeables hybrides tirent leur épingle du jeu. Étant par définition plus lourds que l’air, ces dirigeables peuvent rester au sol sans assistance.
- Transport de charges très lourdes
Il s’agit de la capacité à l’origine des LCA. Les projets actuels tablent sur des capacités de charges variant entre 10 tonnes pour les plus petits et jusqu’à 500 tonnes pour les plus gros. De plus, la plupart des industriels du secteur développent plusieurs programmes, en se basant sur un même modèle technologique, la capacité et les performances allant en croissant selon les modèles. On distingue ainsi plusieurs paliers de charges utiles : 10 tonnes, 50 tonnes, 150 tonnes, 250 tonnes et plus. La plupart des projets actuels sont focalisés sur les plus petites capacités (10 à 50 tonnes), afin de valider le modèle, avant de développer les LCA à plus grandes capacités. Ces charges utiles sont à mettre en relief avec celles des moyens de transports existants : de l’ordre de la centaine de tonnes pour l’avion (et jusqu’à 250 tonnes pour l’Antonov 225, le plus gros avion du monde), de l’ordre de la tonne à la dizaine de tonnes pour l’hélicoptère (20 tonnes de charge utile pour le Mi-26, le plus gros hélicoptère de monde, lui aussi de manufacture russe).
Quant aux capacités de transports terrestres et maritimes, elles sont bien supérieures : bien qu’un camion transporte jusqu’à une cinquantaine de tonnes environ, le transport ferroviaire et surtout maritime se compte en plusieurs milliers voire plusieurs dizaines de milliers de tonnes par véhicule. Le dirigeable ne pourra de toute façon pas concurrencer ces moyens de transports sur sa seule capacité de charge.
- Transport de charges encombrantes
Cette capacité constitue sans doute l’une des performances essentielle des LCA. De par leur grande taille, souvent vue comme un inconvénient, les dirigeables disposent de capacité de transports volumiques en soute conséquentes, bien supérieures à celles des hélicoptères et des avions. Il est de plus souvent envisagé de pouvoir transporter sous élingues les éléments les plus volumineux. Cette capacité n’est pas à négliger car elle ouvre des possibilités aux industriels, qui se contraignent aujourd’hui à développer des produits aux dimensions des standards de transports : le conteneur de 20 ou 40 pieds, la largeur des routes, la hauteur d’un tunnel, le conteneur aérien… Aujourd’hui, le transport d’éléments de grands volumes est un réel problème, que seul l’hélicoptère est capable de palier via le transport aérien sous élingues, mais à des charges utiles très limitées et à des coûts prohibitifs. Il est ainsi usuel de voir les infrastructures routières modifiées, moyennant des coûts et des impacts sur l’environnement importants. A titre d’exemple, lors du développement de l’A380, Airbus s’était penché sur la problématique de transport des éléments de l’aéronef (un fuselage de 8.4m de haut, 7.15m de large et 73m de long, des ailes de 36m de long…). Un concept opérationnel avait même été dressé avec le constructeur de LCA CargoLifter, alors en plein développement. Malheureusement, suite entre autre à l’échec du CL160 de CargoLifter, Airbus a décidé de transporter ces éléments par voies maritimes et routières. Deux bateaux entièrement dédiés au transport des éléments d’A380 ont été construits (nécessitant des aménagements portuaires sur les différents sites d’Airbus), des routes ont été construites, d’autres modifiées… Ce que l’on sait moins, c’est que l’A380 a lui-même été modifié ! Le découpage en 3 tronçons du fuselage est là-aussi l’une des conséquences de l’impossibilité de transporter tout le fuselage en un seul morceau. Les infrastructures existantes contraignent les industriels à repenser leurs produits afin qu’ils soient transportables dans les limites des moyens de transports existants. Le dirigeable répond à cette problématique et anticipe même les besoins futurs des industriels, ce qui constitue une énorme plus-value pour les transporteurs exceptionnels et les industriels travaillant avec des produits de grands volumes.
Toutes ces capacités constituent des enjeux pour les constructeurs de Large Capacity Airship. Cependant, comme dans tous les segments de l’industrie aéronautique, il n’est pas toujours possible de répondre à tous les besoins avec un seul et même produit. Les industriels du secteur doivent ainsi faire des compromis pour proposer des solutions répondant au plus près de ces six capacités principales.
Il est d’ailleurs important de noter que les précédents échecs de projets de LCA sont notamment dus au fait qu’ils ne respectaient pas les points évoqués précédemment, remettant directement en cause leur compétitivité par rapport aux autres moyens de transports existants.
Compétitivité des LCA
Le principal concurrent du LCA est évidemment l’hélicoptère. Par ses performances, le LCA est effectivement très proche de l’hélicoptère. Il est capable de charger et décharger en vol stationnaire, sans infrastructure au sol et de transporter sa charge point à point. Cependant, l’hélicoptère semble plus performant en termes de vitesse : en moyenne, un hélicoptère vole à 200km/h là où le dirigeable vole à 100km/h. Néanmoins, un hélicoptère transportant une charge sous élingue (comme c’est majoritairement le cas) est très largement limité en vitesse, de même qu’en distance franchissable. De plus, l’hélicoptère ne transporte que de très faibles charges comparativement à tous les autres moyens de transport : en moyenne 5 tonnes, même si le plus gros des hélicoptères, le Mi-26 russe, est capable de transporter jusqu’à 20 tonnes.
Enfin, les coûts récurrents et non récurrents de ces hélicoptères cargo sont exorbitants et bien supérieurs à ceux des autres moyens de transports tant en regard de la tonne kilométrique transportée que de l’heure de vol. En outre, la maintenance, pour ce qu’elle coûte en infrastructure au sol (un hangar), en équipes expérimentées, en temps (1h de vol = 1h de maintenance) et donc en indisponibilité opérationnelle, rend l’hélicoptère d’autant moins compétitif.
Globalement, l’hélicoptère transporte en moyenne bien moins qu’un LCA, dispose de distances franchissables bien inférieures lorsqu’il est en charge (meilleur compromis : 12T sur 500 km pour le MI-26), dispose de plages de vitesses et d’une disponibilité opérationnelle équivalentes, mais propose des coûts récurrents et non récurrents réellement supérieurs !
L’avion est lui capable de transporter bien plus : jusqu’à 250 tonnes pour l’Antonov 225, produit à un unique exemplaire. Les distances franchissables sont du même ordre que celles des LCA, bien que l’avion soit bien plus rapide. Cependant, là aussi, les coûts récurrents comme non récurrents sont prohibitifs par rapport à ceux que proposent les LCA, sans compter que les avions nécessitent des infrastructures au sol très lourdes (pistes et aéroports), ne peuvent charger et décharger en vol stationnaire, sont restreints aux aéroports capables de les accueillir et ne disposent que de soutes de faibles volumes.
Quant au transport maritime, il est nettement plus développé, les porte-conteneurs étant capables de transporter des milliers de tonnes, des éléments de grands volumes, sur des distances importantes et à des coûts rapportés à la tonne kilométrique transportée très faibles. Cependant, leur vitesse de déplacement est bien inférieure à celle des autres moyens de transports, et le transport maritime est limité sur les capacités de transport point à point par son indépendance vis-à-vis des ports en eaux profondes et par les surfaces maritimes.
Enfin, le transport terrestre se décompose entre le transport routier et ferroviaire. Concernant le transport routier, les capacités de charges, les coûts récurrents et les vitesses de transports sont équivalentes à celles des LCA. Cependant, le transport routier dépendant d’un réseau dense mais très encombré, il dispose d’une disponibilité faible, allant de pair avec son endurance. Concernant le transport ferré, la capacité de charge est bien supérieure, mais les vitesses de déplacements sont très faibles et le réseau ferré est peu développé, réduisant sa capacité à transporter une charge point à point. Néanmoins, les coûts récurrents sont faibles par rapport à ceux que proposent actuellement les industriels développant des LCA. Enfin, le transport ferroviaire est dépendant d’infrastructures lourdes, que sont les rails et les gares.
Les graphes ci-dessous illustrent la place cruciale à laquelle se place le LCA dans la logistique de transport :
Les projets de LCA dans le monde
Comme évoqué lors d’un précédent article, dans lequel nous présentions les acteurs du monde du dirigeable en 2015, les principaux acteurs focalisés sur le marché des LCA sont peu nombreux. En réalité, de très nombreux projets existent, mais très peu disposent d’une solution technique éprouvée, de moyens financiers conséquents, d’équipes expérimentées et de clients identifiés. Parmi ces nombreux projets, cinq programmes tirent actuellement leur épingle du jeu :
Tout d’abord, outre Atlantique, pas moins de deux programmes de LCA sont en cours de développement : La firme américaine Aeros, produisant des dirigeables de types souples et captifs depuis plusieurs décennies développe son Aeroscraft, dont un prototype à échelle réduite, appelé Pelican ou Dragon Dream, a fait un vol en 2013. L’Aeroscraft est prévu en deux versions : le ML866 transporterait 66 tonnes sur 5700 km quand le ML868 transporterait 250 tonnes sur 9500 km. Les vitesses évoquées sont de l’ordre des 220 km/h ! Outre ses performances ambitieuses, l’Aeroscraft se différencie par sa structure, de type rigide, une première dans les développements de dirigeables outre atlantique depuis les immenses USS Macon et Akron des années 1930.
Aux Etats-Unis toujours, le groupe de défense et d’aéronautique Lockheed Martin développerait (discrètement) depuis plusieurs années un LCA. Un démonstrateur de type hybride à enveloppe trilobée souple, le P-791, a fait l’objet d’un unique vol de démonstration en 2006. Depuis ce vol, très peu d’informations filtrent, jusqu’au dernier Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace (SIAE – Paris Air Show), en juin 2015, durant lequel Lockheed Martin a annoncé avoir développé un LCA d’une capacité de 21 tonnes, en voie de certification, et dont le premier vol devrait avoir lieu courant 2016. Une société a été spécialement créée pour vendre et exploiter ce dirigeable, nommé LMH-1 (Lockheed Martin Hybrid-1), mais aussi pour former les équipages et assurer la maintenance de cet aéronef. Affaire à suivre.
Parallèlement à la société américaine Aeros, son pendant russe, la compagnie RosAeroSystems, met en avant son futur programme de LCA depuis de nombreuses années. L’Atlant, décomposé en plusieurs variantes (Atlant-30 : 16T / Atlant-100 : 40T) serait pour l’instant en plein développement dans sa version la plus petites (16T). Les applications récemment annoncées par ce programme seraient d’ordre militaire. Ce LCA se démarque par sa coque rigide.
En Europe, la société anglaise Hybrid Air Vehicle (HAV) née en 2007 d’une multitude d’entreprises spécialisées dans le dirigeable, a pour ambition de développer un LCA de type hybride, dérivée en plusieurs modèles de charges utiles. Pour son premier prototype, HAV a racheté en 2013 le HAV-3 du programme LEMV, développé conjointement avec Northrop Grumman, qui est aujourd’hui en reconditionnement. Ce prototype, rebaptisé Airlander 10 devrait effectuer son premier vol d’essai courant 2016. Parallèlement, HAV développerait l’Airlander 50, un LCA de 50T aux performances ambitieuses.
Enfin, en Europe toujours, la société française FLYING WHALES développerait depuis 2013 en consortium industriel un LCA baptisé LCA60T, de type rigide pour des applications civiles de travail et transport aériens. Capable de transporter 60 tonnes, le LCA60T devrait prendre les airs courant 2019. En Juillet dernier, FLYING WHALES a annoncé la signature d’un accord de partenariat avec le groupe chinois AVIC.
Le tableau ci-dessous regroupe les principales caractéristiques des 5 programmes principaux de LCA dans le monde en 2015 :
D’autres projets de LCA semblent en pause. Citons à titre d’exemples Skylifter, LTA Aérostructures, Airship Do Brasil, AeroVehicle, SkyFreighter…
Globalement, le LCA répond à un segment de marché inexploité et inatteignable par les moyens de transports actuels. Cette compétitivité est néanmoins à mettre en relief avec les investissements importants que représente le développement d’une telle filière. Les prochaines années seront décisives pour les programmes de LCA en cours.
Dans le prochain épisode « Les dirigeables et la sécurité », nous démystifierons la dangerosité des dirigeables en analysant l’ensemble des accidents et incidents de dirigeables.
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Thibault Proux
9 Comments
BRESSON Dominique
Promesses alléchantes… Mais… Mais, en effet, comment sauver de tels “monstres” face à une bonne petite tempête comme en en voit quand même assez souvent? Déjà que de nombreux hangars sont endommagés dans ces conditions, la résistance d’un hangar gigantesque pour abriter ce genre d’engin me semble aléatoire, sauf à à y investir des sommes déraisonnables…
Quant à prendre la fuite face au vent (raison pour laquelle il y a toujours un équipage 24/24 à bord), je ne pense pas que les services de la navigation aérienne acceptent de bon cœur de voir passer des “choses” plus ou moins incontrôlables dans leur espace aérien en l’absence de tout plan de vol pertinent et prévisible…
Sinon, si on supprime les tempêtes, orages et autres coups de vent, ça me semble parfait!
Très amicalement.
Dominique
Thibault PROUX
Bonjour Dominique.
La question de l’opérabilité et du stockage au sol des dirigeables de grandes dimensions est en effet l’un des principaux enjeux.
Cependant, il est primordial de garder à l’esprit que de tels aéronefs ont déjà volé des années durant sans occasionner d’accidents (par exemple le Graf Zeppelin, aussi grand que le fameux Hindenburg, qui a effectué 150 traversées de l’Atlantique, durant 12 ans d’exploitation !)
Et il faut aussi bien comprendre que les industriels disposent de technologies permettant :
1) de développer des aéronefs bien plus robustes,
2) de développer des aéronefs disposant de puissances embarquées très supérieures,
3) de prendre en compte la sécurité dès les premières phases de design,
4) d’anticiper les aléas météorologiques.
Enfin, les hangars restent aujourd’hui la meilleure solution pour stocker ces aéronefs, même si la dépendance à de tels équipements n’est pas acceptable vis à vis de certains concepts opérationnels. D’autres solutions sont à l’études afin de s’exempter au maximum de ces infrastructures lourdes et coûteuses.
Amicalement,
Thibault
pyrignis
Sachant que les projets militaires sont probablement les seuls à pouvoir financer de tels projet, je me posais la question de savoir si un dirigeable agissant comme une base mobile pour drones était une option envisageable. En effet sait-on actuellement ravitailler un dirigeable en vol? Les chiffres avancées par Airbus pour le A400M font état d’une capacité de ravitaillement à 200 km/h ce qui semble trop élevée. Un amarrage de eux deux dirigeables est-il envisageable?
Thibault PROUX
Bonjour Pyrignis.
Comme à votre habitude, de très bonnes questions !
Le concept du dirigeable (autonome) utilisé comme base mobile pour des drones existe déjà, sans qu’il n’ait, à ma connaissance, jamais dépassé le stade de l’idée. MBDA par exemple avait émis l’idée d’utiliser une plateforme autonome de type “dirigeable catamaran” comme appui aérien aux forces terrestres par le largage de missiles. Une belle vidéo qui explique le concept : https://www.youtube.com/watch?v=wAlMPEn7-9A
Pour le ravitaillement en vol d’un dirigeable, évidemment la vitesse est un problème. Mais le ravitaillement est-il réellement nécessaire ? Les dirigeables ne sont pas de gros consommateurs d’énergie et peuvent en outre coupler plusieurs sources (solaire, thermique, pile à combustible…)
Pour l’amarrage de deux dirigeables en vol, cela semble techniquement peu complexe, mais je n’en vois pas l’intérêt. En outre, le transfert de charges en vol (du kérosène par exemple) peut être problématique à un maintien stable de l’amarrage.
Au plaisir d’échanger avec vous,
Thibault
ARPA
Concernant l’amarrage de deux (ou plus) dirigeables ensemble, à mon avis le principal avantage serait de « doubler » (ou plus) la charge utile du dirigeable plutôt que de permettre un ravitaillement en vol. Exceptionnellement, il pouvait arriver (avant que les MI26 soient utilisables) que plusieurs hélicoptères soient utilisées pour soulever (et déplacer sur de très courte distance) une très grosse charge qu’un hélicoptère seul ne pourrait pas soulever. Pour les dirigeables si l’amarrage est « relativement » facile cela permettrait d’augmenter la charge utile et donc l’intérêt opérationnel du dirigeable. Cela permettrait d’envisager une « série » de « petits » dirigeables qui seront suffisants pour les charges classiques et qui pourront être regroupés s’il faut transporter une charge exceptionnelle.
Industriellement, je pense que ce sera presque obligatoire si on veut pouvoir produire une véritable série de dirigeables et non les produire à l’unité comme avant les années 30. Sinon on risque d’avoir des gros dirigeables qui risquent d’être trop cher pour un usage presque exceptionnel, ou des petits dirigeables qui risquent d’être concurrencés par les moyens de transport classiques et donc ne pas justifier leur développement. Si on se base sur un dirigeable d’une taille et d’une forme comparable à celle des zeppelin des années 20, on peut envisager un ensemble de 9 dirigeables (3 sur 3) ce qui permettrait une charge exceptionnelle presque 10 fois plus importante que la charge standard.
On pourrait par exemple justifier une flotte de dirigeables de 30 à 50 tonnes de charges utiles pour des transports réguliers (qui seront en concurrence avec des moyens de transport classique) et s’en servir occasionnellement pour transporter une charge plus importante (ou il n’y aura pas de concurrence, mais il s’agit de charge trop exceptionnelle pour justifier le développement et la construction d’un dirigeable)
Le « seul » problème, c’est qu’un assemblage de plusieurs dirigeables demande de renforcer significativement la structure du dirigeable. On va presque imposer le dirigeable rigide et il faudra avoir une structure un peu surdimensionnée.
La production en série du dirigeable est aussi presque indispensable si on veut disposer d’infrastructure au sol. Si la taille du dirigeable varie presque du simple au double, on risque de se retrouver avec des abris trop petits donc inutilisables pour le gros dirigeable à protéger ou trop cher à construire pour les « petits » dirigeables.
Et accessoirement une série de dirigeable permettra de faciliter l’apprentissage de leur pilotage et donc de réduire les erreur de pilotage (sinon on risque d’avoir un pilote qui se trompe de gabarit)
Sinon je trouve que cet article ne donne pas assez de chiffres. Par exemple, ça coûterait combien de développer un LCA et de construire son usine ? Et une fois qu’il sera développé, ça coûtera combien à l’unité ? Il faudrait aussi avoir le prix de construction d’un abris assez énorme pour protéger le dirigeable. Je me doute qu’une estimation de ces prix doit être difficile à obtenir, mais si un LCA de 20 tonnes de charge utile coûte plus cher à produire qu’un MI26, on comprend pourquoi personne n’en a développé.
Pour un prochain article, il faudrait aussi expliquer les nouvelles technologies qui révolutionnent les dirigeables et les rendent nettement plus performants que leurs prédécesseurs. Rien que le remplacement du lest par une légère surpression du gaz (à 0,5 bar, on parlera d’un plus lourd que l’air même à vide) à l’intérieur de l’enveloppe peut tout changer. Avant on larguait du lest pour monter, puis il fallait larguer de l’hélium pour éviter de monter trop haut (et donc risquer de faire exploser les ballon d’hélium) puis pour descendre, le dirigeable avait donc une maniabilité assez réduite … ce qui pouvait poser quelques problèmes par mauvaise météo.
En plus cette surpression impose d’avoir des parois plus robustes (on se rapproche du pneu géant) et donc plus étanche. Le surpoids par rapport aux fines parois des dirigeables du début du siècle devrait être amortie par une plus grande fiabilité et un besoin de rechargement en hélium plus faible.
Je présume que depuis les années 30, on a trouvé des matériaux plus léger et plus robuste qui permettrait d’alléger la structure. Les moteurs ont du aussi progresser.
Il serait intéressant de comparer un zeppelin performant (comme le Dixmude qui était un des meilleurs de la première guerre mondiale ou le Graf Zeppelin) avec un dirigeable ayant la même taille mais conçu avec les technologies modernes. Sans parler d’une étude complète qui imposerait de développer le dirigeable, on doit pouvoir trouver des formules pour estimer le remplacement des X tonnes de duralium par une quantité plus réduite de matériaux composites. Les 5 ou 6 gros moteurs des années 20 pourraient être remplacés par des moteurs bien plus légers et à performances égales la réduction de la consommation devrait réduire la masse de carburant emporté. A mon avis ce serait un bon moyen pour « démontrer » les capacités du dirigeable avec du concret plutôt que de ce fier aux données d’industriels qu’on soupçonne d’être trop optimiste.
Thibault PROUX
Bonjour Arpa,
Merci de ce long commentaire.
En ce qui concerne la demande de données chiffrées sur les coûts de développement de tels programmes, je ne peux évidemment vous répondre, ces données étant confidentielles. Cependant, les coûts ne sont pas si élevés que ce que les éternels réfractaires laissent supposer. Un dirigeable reste un aéronef peu complexe à partir du moment où le concept opérationnel pour lequel il est développé n’implique pas de spécificités particulières. De même, les coûts récurrents (à l’heure de vol par ex) et non récurrents (coût de production, de maintenance,…) sont fixés à l’avance par les industriels afin de développer des aéronefs concurrentiels.
Concernant les nouvelles technologies qui “révolutionnent les dirigeables”, j’ai déjà abordé le sujet dans un précédent article : http://www.portail-aviation.com/2015/08/dossier-dirigeable-episode-5-les-dirigeables-de-demain-entre-utopies-et-realites.html
D’autre part, la comparaison d’un dirigeable d’antan avec un dirigeable actuel n’apportera pas grand chose, les concepts opérationnels étant très différents. Sur le concept du “tourisme” cependant, le Zeppelin NT est un bon exemple de ce qu’on est capable de faire aujourd’hui même s’il date un peu.
Enfin, il est évident que les industriels communiquent de manière exagérée, mais ils s’engagent sur les performances qu’ils affichent. Ces performances peuvent certes paraître ambitieuses à un public non averti alors qu’elles sont largement atteignables.
Thibault
VIEL Louis
Bonjour Thibault,
Merci pour ces formidables articles, je fais en effet un rapport sur les zeppelins comme nouveau transport de marchandises plus écologique. Mon problème est que les sources divergent ne serait-ce que pour un seul dirigeable à propos de la consommation de carburants. Quel est votre avis, et avez vous des sources sûres à propos cette quantification ? Je sais qu’il existe des projets de ballons dirigeables avec des panneaux solaires. J’aimerai avoir votre avis si ce type de transport s’inscrit dans une logique de développement durable.
En attendant de votre réponse je tenais à vous remercier et vous féliciter pour ces articles très bien construit et documentés.
Louis VIEL
Etudiant-Ingénieur en Environnement
Thibault PROUX
Bonjour Louis, merci de ce commentaire et bravo pour votre sujet de rapport !
L’aspect écologique des dirigeables est à prendre avec précautions. Les amoureux du dirigeable avancent très souvent cet avantage, mais en utilisant les mauvais arguments. Je m’explique :
– les dirigeables utilisent un gaz pour assurer la portance, ce qui réduit les rejets néfastes certes. Mais ils nécessitent tout de même une énergie pour assurer la propulsion. Et étant donné la surface frontale et l’inertie de ces géants des airs, les besoins énergétiques sont conséquents. Cependant, lorsqu’on compare les consommations / rejets des dirigeables à ceux des autres moyens de transports aériens, la balance penche bien évidemment en faveur des dirigeables (certain avancent des conso 30 fois inférieurs aux hélico par exemple).
– le gaz porteur le plus utilisé est l’hélium, gaz non recyclable, et issu de l’extraction de pétrole. Cependant, les besoins en hélium sont faibles (comparativement à d’autres industries), et les technologies existantes permettent un meilleur confinement, limitant les fuites et donc les besoins. De plus, on se dirige inévitablement vers l’utilisation de l’hydrogène, tjrs grâce à la meilleure connaissance et maitrise de ce gaz.
– au niveau des nuisances sonores, les dirigeables tirent là aussi leur épingle du jeu, car se déplacant à très faible vitesse, ils n’engendrent que très peu de bruit comparativement aux autres aéronefs.
– concernant les nuisances visuelles (si si, rappelez vous les débats sur les éoliennes), je laisse chacun se faire une opinion…
– concernant l’utilisation de panneaux solaires, il existe en effet plusieurs projets souhaitant en utiliser. Je suis de ceux qui pensent que les technologies actuelles ne permettent pas des rendements (des panneaux solaires comme des batteries) suffisants pour satisfaire les besoins énergétiques des dirigeables. Comme énergie d’apport oui (systèmes embarqués par ex) mais comme source d’énergie propulsive, je n’y crois pas (/plus :P).
– enfin concernant les matériaux utilisés et la gestion du cycle de vie des dirigeables, les industriels les prennent en considération compte tenu des technologies dont ils disposent et des réglementations qui les poussent à respecter de plus en plus l’environnement.
Globalement, je répondrai donc que oui, les dirigeables s’inscrivent dans une logique de développement durable, d’autant plus que l’esprit “airship” et “aérostier” en général se veut respectueux de la nature.
Enfin, concernant la problématique des sources, il est malheureusement bien difficile d’avoir les données que vous recherchez, d’une part car elles sont confidentielles, et d’autres part car on parle ici de projets en cours de développement (données non figées…). Je vous conseille de vous rapprocher de Zeppelin Luftschifftechnik, seule société qui dispose d’un retour d’expérience suffisant pour justifier la consommation réelle d’un dirigeable (en l’occurrence le Zeppelin NT).
Bon courage dans votre rapport, n’hésitez pas si vous avez d’autres questions.
Thibault Proux
Julien
Merci pour ces articles remarquables et clairs ,,, Ce que je cherchais.
En effet je pense que les dirigeables représentent une solution pour certains problêmes de transport. Je pense en particulier à l’évacuation de la saumure issue des unités de dessalement d’eau de mer qui à ma connaissance se fait par largage au large par des navettes de barges (quand elle se fait!)Cette saumure est un poison mortel pour le milieu marin. Mais qu’en faire? Son évacuation loin des côtes dans des zônes désertiques déjà salêes , ou du moins sans nappes phréatiques d’eau douce par dirigeable pourrait être une solution.On peut rêver d’ un ou deux dirigeables par unité de dessalement assurant la navette pour l’évacuation de cette saumure. Il pourrait s’agir de dirigeables cargos simples fiables solides . Pour la propulsion on pourrait envisager l’hydrogène par PAC ou H2 carburant ainsi que comme gaz de remplissage. La PAC pourrait être hybride couplée avec l’électricité solaire provenant du revêtement de la surface du dirigeable par des panneaux solaires légers et souples. ( tout cela existe),On pourrait concevoir qu’une spirale réfrigérante passe a l’intérieur du dirigeable qui puisse refroidir le gaz par l’électricité des panneaux, pour permettre à l’appareil de descendre une peu Ces dirigeables n’auraient pas besoin d’atterrir . Ils pourraient être amarrés au sol par des câbles. ceux-ci sont lourds surtout s’ils sont longs . On pourrait donc concevoir l’arrimage par un câble léger amené par un drône qui servirait à treuiller le gros câble d’amarage et un même processus pour le càble destiné à treuiller un autre câble qui permettra de soulever et charger le container de saumure. Dans le lieu de largage , pas besoin d’atterrir. On lâcherait la saumure de haut et le dirigeable pourrait repartir à vide, plus allégé donc plus haut. En cas de tempête , on dégonfle le dirigeable pour éviter les ruptures de cables et on attend que la tempête se calme! Est-ce si utopique? T ous les éléments existent sont déjà testés , servent et entrent dans le domaine du connu. Il en est ainsi des inventions. Parfois les plus simples viennent après les plu,s complexes, comme l’aile delta ou au contraire on abandonne les inventions plus anciennes plus simples au profit d’autres gigantesques plus sophistiquées mais à la longue beaucoup plus onéreuses et moins bien gérables. ( A 380 , et le si beau Concorde !),