Que peut donner une équation intégrant un passionné de bricolage et d’aéronautique et 25 années de travail exceptionnel ? La réponse, un magnifique MC15 Cricri.
Lors de mon reportage il y a deux mois du meeting de Royan, j’ai eu l’occasion de rencontrer beaucoup de monde, avec des personnalités et des histoires qui se détachent distinctement des autres.
C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de Jean Marie, un fou de la bricole, ex-ingénieur dans le contrôle technique après son passage dans l’industrie automobile.
C’est en voyant arriver une drôle de remorque bourrée rien qu’à elle seule de tout un tas d’astuces plus ingénieuses les unes que les autres, que je me suis rapproché d’un peu plus près pour admirer le spectacle. Descend alors de la rampe un minuscule fuselage, auquel il ne faudra que quelque minute à notre ingénieur à la retraite pour y adjoindre les ailes. Et voilà, notre Cricri est prêt à voler !
Et quel Cricri ! J’ai eu l’occasion de l’approcher de près, et la finition est digne d’un grand joailler. C’est à ce moment-là que le terme « amateur » perd tout son sens péjoratif, tant la qualité de fabrication de cet insecte volant approche de la perfection. Ce n’est donc très certainement pas un hasard si le Cricri de Jean Marie a été exposé au Grand Palais à Paris, à côté du prototype de M. Colomban, le concepteur de cet appareil atypique.
Le MC15 Cricri est le plus petit avion bi-moteur au monde. Il pèse moins lourd que certains de ces pilotes, avec une masse aux alentours des 75kg à vide. Aux alentours, car les modifications apportées par chaque constructeur amateur peuvent en faire varier la masse. Rien qu’une peinture, c’est 4KG de plus. Autant dire que la masse de ce poids plume concentre une grande partie des discussions passionnées de tous les propriétaires et pilotes de cet engin. A l’origine, il était propulsé par deux moteurs 2 temps de 9CV, des moteurs de tronçonneuses ! Mais la finesse de son aérodynamique et sa construction ingénieuse se suffisent de ces petits moteurs pour propulser l’avion jusqu’à une vitesse de 200 KM/H. Et tenez-vous bien, il a même été conçu pour être aussi à l’aise dans le domaine de la voltige ! Il ne boxe pas dans la catégorie des Extra 300, cap 232 ou autre Sukhoi, mais la vidéo que j’ai réalisée lors de ce meeting devrait pouvoir vous convaincre.
Mais Jean Marie ne pilote pas ; pas encore…. Son but à cet instant précis est de fabriquer un bel objet. Il n’est pas pressé de tester ses qualités en vol, mais fera tout pour finir cet avion dans les règles de l’art, son goût pour le travail bien fait et son méthodisme n’y seront pas pour rien. Jean Marie va donc prendre son temps ; 25 longues années pour construire de ses mains, avant que ne s’envole ce petit avion aux mains d’un autre !
Car notre constructeur, voyant son avion proche de la finition, a bien pris quelques leçons de vol pour être à même de le piloter lui-même. Comme il le dit lui-même, il s’y est pris trop tard. Son âge (plus de cinquante ans à ce moment), mais surtout la claque émotionnelle qu’il se prenait dans la figure à chaque fois qu’il prenait son envol faisait qu’il était tellement émerveillé qu’il était capable d’en oublier de se poser, ou même de se perdre dans les airs…
Peu importe ! Ce qui compte avant tout pour notre bricoleur, c’est de construire son avion. Alors que certains le finissent entre trois et cinq ans, avides de le piloter, mais à des degrés de finition qui frisent parfois l’inconscience pour Jean Marie, lui, n’a qu’une seule obsession, bien faire. Et ce passage par la case pilotage lui aura surtout permis de pouvoir comprendre et mieux appréhender ce milieu de pilotes qui n’avaient de cesse de s’exprimer en termes aéronautiques bien étrangers pour lui.
Internet n’existant pas encore, des réunions mensuelles, réunissant M. Colomban et environ une cinquantaine de constructeurs amateurs étaient organisées en région parisienne. Elles étaient devenues tellement importantes que plusieurs provinciaux n’hésitaient pas à faire le trajet.
Tous les mois étaient abordées des questions sur la construction, les problèmes de chacun, l’échange d’adresses pour trouver les matériaux, etc. Ce qu’aujourd’hui nous appellerions un forum, mais sans la chaleur humaine. Quelques jours après chaque réunion, un compte rendu très sérieux était établi par M. Colomban, et envoyé par courrier postal à chaque constructeur. Au fil du temps, un deuxième manuel officieux s’est créé grâce à ces réunions.
C’est aujourd’hui une page qui se tourne pour Jean Marie, Puisque son bel oiseau est en passe d’être vendu ; on comprend alors facilement qu’il n’est pas facile pour lui de laisser partir une partie de son histoire.
One Comment
NEJAH BARKALLAH
j aime cette patience merci de votre compréhension.