Ils sont venus de loin, et leurs pilotes découvrent Paris et la France pour la première fois. Mais c’est surtout le public parisien qui va découvrir des appareils jusqu’alors inconnus. Boudé par les Américains qui, présents sur l’exposition statique ne font voler aucun de leurs appareils, et oublié par les Russes avec qui les relations ne sont pas au beau fixe (un seul appareil présent sur le salon), le Salon International de l’Aéronautique et de l’espace a bien failli être encore un peu plus triste, comme c’est la tendance année après année dans le milieu de l’aéronautique et de la défense. Même le Typhoon et le Gripen sont absents !
C’était sans compter sur la venue de cet avion très atypique, tant par son aspect, son segment de marché, que de son pays d’origine, le Pakistan. Nous avons voulu savoir ce que nous cachait cet avion et surtout, quelle était la raison qui avait poussé l’armée de l’air Pakistanaise à venir jusqu’en France.
Première surprise : si l’avion est développé et produit conjointement avec la Chine, ce n’est pas une entreprise privée qui le fabrique pour le compte du Pakistan, mais bien la Pakistan Air Force (PAF), directement. L’officier des relations média, le général de brigade Syed Muhammad Ali, avec qui nous avons pu nous entretenir, s’en félicite:
« L’armée de l’air Pakistanaise est la seule armée au monde à produire son propre avion de combat » puis de continuer sur les avantages que cela procure :
« Nous fabriquons notre propre avion selon nos besoins. Nos ingénieurs et nos pilotes travaillent ensemble. Les processus de prise de décisions sont extrêmement cours, ce qui fait que nous avons pu concevoir un avion dans un délai extrêmement court. »
Un avion capable et très abordable
Notre interlocuteur aborde rapidement la question du coût. Selon lui, l’avion coûterait moins cher, et son prix représenterait le tiers seulement de celui de ses concurrents. Mais il n’en dira pas plus, et nous n’aurons pas de fourchette, ni même de râteau… Les officiers nous affirment qu’ils ne communiquent pas sur les tarifs. Il n’est pas besoin d’épiloguer longtemps pour savoir qu’un tiers du prix des autres avions de combat, ça ne veut pas dire grand-chose tant qu’on ne sait pas de quelle base on démarre : Gripen, Rafale, Typhoon, MiG-35 ou Su-30 ? Nous nous serons risqués à évoquer le chiffre de 40 millions de dollars, et nous ne saurons pas si c’est par politesse ou si c’est parce que nous sommes tombés juste, mais il a acquiescé.
L’avion est simple, mais surtout léger, très léger. De la classe des 6 t à vide, soit presque équivalent de celle du Gripen, il a une masse maximale au décollage de 12,4 tonnes. En ordre de combat, avec carburant et armement, sa masse est de 9 tonnes, soit encore plus léger qu’un Rafale… à vide.
Malgré sa petite taille, le JF-17 Thunder est conçu comme un appareil véritablement multiroles, capable de missions de supériorité aérienne, avec une capacité de tir de missiles moyenne portée, mais aussi de missions de frappe au sol, grâce à des bombes et missiles guidés, y compris air-mer. Il peut aussi emporter une nacelle d’observation et de désignation.
Une fabrication presque entièrement locale.
Équipé d’un moteur russe Klimov RD93 (la même gamme de moteurs que ceux équipant le Mig-29), et d’un siège d’origine anglaise Martin Baker, le reste de l’avion est d’origine entièrement locale (Pakistan et Chine). La partie centrale du fuselage est produite par le constructeur chinois AVIC, et le reste de l’avion (fuselage avant, cockpit, entrées d’air, ailes et empennage) sont fabriqués au Pakistan. Le Pakistan assemble d’ailleurs ses propres avions, en parallèle avec la chaîne de production du FC1, l’équivalent du JF-17 pour la Chine.
Des rumeurs ont un temps émaillé les média concernant la volonté pour le Pakistan d’acquérir des systèmes étrangers, notamment français, pour équiper le JF-17 d’un radar plus moderne, comme le RC400 de chez Thales, et des missiles air-air MICA. S’il est fortement probable que ces actualités aient été justes, aujourd’hui ce ne peut plus être le cas. Le général Ali a été clair. A ce jour, l’avion est équipé avec l’équivalent des fonctionnalités de tous ses concurrents. Il ne cherche pas à s’émanciper de la Chine, ou de gagner en performances, mais bel et bien de capter un nouveau marché.
Un concurrent du Gripen ?
Avec une masse à vide et des fonctionnalités opérationnelles comparables, on serait bien tenté de dire que le JF-17 Thunder se place en concurrent direct du JAS-39 Gripen suédois. Mais les deux avions n’appartiennent pas aux mêmes sphères d’influence, et leurs marchés captifs sont bien distincts, sauf dans les quelques pays “non alignés”, pour qui la possession d’une armée de l’air équipée d’avion de combat est avant tout une question de logique économique. Bien qu’il ne soit pas aussi moderne ou performant que les autres appareils sur le marché, le JF-17 Thunder offrent une alternative à un pays qui, aujourd’hui, doit choisir entre la possibilité d’avoir des avions de combat, ou non. Clairement, le JF-17 permet aux pays ne disposant pas de moyens de pouvoir s’offrir de nouvelles capacités, ce qui peut considérablement, et à moindres coûts, modifier les équilibres des forces dans certaines régions du monde, comme en Afrique par exemple, et de par ce fait, créer un tout nouveau marché.
9 Comments
Gian
Le plus surprenant sur cet avion, c’est les entrées d’air DSI.
On verra à l’usage si ça lui sourit.
Vortex
Le JF-17 continuera d’évoluer. Moteur plus puissant’ avionique plus évoluée, matériaux etc..
IL N’est pas aussi performant qu’un rafale ou un typhoon, mais il apporte et apportera beaucoup en terme de capacité et ceci sans peur de sanction à la sauce US ou même … Française !
sepecat
“…sans peur de sanction à la sauce US ou même … Française !”
Pas sûr…
Si cet avion vient à être exporté, je vois mal les Chinois ne pas se livrer aux mêmes pressions et interdictions d’usage que leurs homogues US vis à vis des acquéreurs, lorsqu’ils jugeront que les intérêts de l’Empire du Milieu sont divergents.
Ce n’est pas un hasard si, y compris dans le domaine civil, les US ont toujours considéré la vente d’avions comme une activité hautement stratégique (et vu notamment d’un très, très… mauvais oeil l’arrivée d’Airbus sur le terrain de Boeing).
Dans des environnements aussi technologiques (civils / militaires), celui qui conçoit / construit détient les clés et peut en imposer à son acquéreur, limitant ainsi l’action de ce dernier. La complexité croissante des appareils et, surtout, de leur environnement logiciel, rendent cette dépendance encore plus criante (cf. F-35).
sepecat
Oups… bien entendu cet avion n’est pas stricto sensu un avion Chinois, mais leur apport n’est pas négligeable sans sa genèse ce qui, même si le Pakistan est l’interface officielle vis à vis des acheteurs, n’enlève rien sur le fond à mon précédent commentaire.
On connaît la propension des Chinois à user de pressions… même s’ils ne sont pas, et de loin, les seuls à le faire.
Vortex
Je comprends parfaitement votre point de vue mais je vois mal les chinois ou pakistanais faire pression sur qui que se soit dans le contexte géopolitique de containment et / ou de recherche de sous….
De plus le programme JF17 bénéficie des avancées (en partie du moins) du programme J10 et du J20. Ce qui lui donne un potentiel énorme pour les Blocks futures.
Cordialement.
sepecat
Sur le fond, j’abonde dans votre sens et la mise à disposition d’appareils techniquement un peu moins performants, mais beaucoup plus abordables financièrement, trouvera à n’en pas douter des débouchés en nombre important.
La compression des budgets, militaires ou autres, participera à cette évolution.
De fait, j’aurais dû étayer un peu plus mon commentaire sur les pressions chinoises, en précisant que celles-ci sont beaucoup plus subtiles et se font plutôt par une mise en dépendance économique.
Ayant vécu dans ma prime jeunesse à Djibouti, je continue de m’informer sur l’actualité de ce coin d’Afrique, où les Chinois sont de plus en plus présents et “envahissants” (aux dires de certains Djiboutiens), mettant un pied à peu près partout où l’investissement peut se faire.
Les récentes déclarations du Président de Djibouti concernant l’attitude chinoise peuvent être résumées ainsi : Pour un investissement, le FMI me fait un prêt à 2% en me demandant des budgets et des feuilles de routes économiques contraignantes. Les Chinois me prêtent à 5% sans rien me demander.
Le FMI et l’Union Européenne ont, à plusieurs reprises, attiré l’attention dudit Président sur le fait qu’il s’endettait à vitesse grand V et qu’il viendrait, forcément, un moment où ses bailleurs de fonds exigeraient quelque chose en retour.
Ce risque ne semble pas évident, puisque Djibouti est en passe de concéder une base militaire aux Chinois, plus précisément à Obock (en délogeant au passage les Américains qui, sur ce coup là, l’ont plutôt amère).
Je viens par ailleurs de lire, pas plus tard qu’aujourd’hui, un article laissant entendre que les accords signés récemment entre Djibouti et Pékin portent sur… la fourniture d’un certain nombre d’avions et une coopération militaire renforcée.
Si l’on se penche de façon plus globale sur l’interventionnisme chinois au niveau du continent africain, la main mise est encore plus flagrante et les pressions s’exercent déjà dans certains pays, en coulisse, pour valoriser le retour sur investissement au profit de Pékin.
D’aucun y verrra une énième théorie du complot. Il reste que tout ceci est largement étudié par différents organismes et/ou chercheurs et universitaires, disponible sur le web.
De mon point de vue, mais je peux bien évidemment faire erreur, toute avancée chinoise dans le domaine technique et aéronautique participe aux même visées.
Vortex
Je comprends mieux votre point de vue et après reflexion, je ne peut qu’être d’accord avec vous.
Nous avons un nouvel acteur géopolitique qui fait ou va faire en gros la même chose que les autres puissances.
Cordialement.
Nizar SPEELING
La Tunisie équipée de F5 E vieillissants serait sans doute bien inspirée par cette offre “économique” avons nous des infos là dessus?
L'amateur d'aéroplanes
A part la Birmanie, le Nigeria et cette année peut etre l’Azerbaïdjan , il n’a pas trouvé beaucoup preneur à l’exportation. L’achat de jets chinois pour les pays bénéficiant d’une aide militaire américaine comme la Tunisie serait mal vue par les États-Unis.