Petit pays de la chaîne himalayenne, coinçé entre deux géants que sont l’Inde et la Chine, le Népal a un intérêt géostratégique certain. Mais c’est aussi une zone a fort risque sismique comme nous l’avons vu avec la catastrophe survenu le 25 avril. Dans un pays où certains points sont très difficilement accessible par voie terrestre, l’avion est bien souvent le seul recours.Note du rédacteur en chef: L’écriture de cet article précède de quelques jours l’événement tragique qui s’est produit au Népal. Nous n’avons évidemment aucunement l’intention de profiter du malheur des gens, et nous publions cet article comme une forme de soutien à une nation dans le deuil, qu’il ne faudra pas oublier tant les dégâts (humains aussi bien que structurels) sont importants.
Quand on pense au Népal, on pense plutôt Himalaya, Everest, Tibet, Yéti. Pour les passionnés d’aviation friands de vidéos sensationnelles, le Népal c’est aussi quelques-unes des pistes les plus hautes et les plus dangereuses au monde. Mais spontanément on n’imagine pas à quel point l’aviation peut avoir de l’importance dans ce pays très peu développé.
Et pourtant ! Et pourtant dans ce pays qui fait partie des dix plus pauvre au monde, où les routes ne permettent bien souvent que de faire 100 km en moins d’une journée, il y a une place que l’aviation remplie comme a ses débuts en occident, le voyage aérien, et… L’aventure !
Comme a ses débuts chez nous, les avions au Népal sont un moyen de voyage à destination de la clientèle aisée. Voyage aérien et non transports car chaque vol et en lui même une aventure. Altitude, vents violents, mousson, montagne… Dans un environnement où les sommets culminent entre 2 000 et 8 000 m, les routes aériennes sont un subtile mélange de slalom entre ces géants de pierre, d’une météo capricieuse et imprévisible, d’une connaissance de chaque vallée, de confiance envers le matériel, et de chance.Et ils sont nombreux ces aventuriers qui visent l’ascension des plus hauts sommets du globe. Everest, Mustang, Annapurna… Autant de noms légendaires dans l’histoire de l’alpinisme et de la randonnée qui continuent de faire rêver les sportifs du monde entier. Mais ces ascensions ne se font pas sans risques, et surtout ne se font pas sans être préalablement passées par une agence touristique à Katmandu.
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La piste de l’aéroport de Tenzing-Hillary. Avec ses 460 mètres de longueur, sa pente, et son altitude qui s’élève à 2 860 mètres, dire que l’approche est délicate serait un euphémisme. |
L’aéroport de Tribhujan est le seul aéroport international du pays capable d’accueillir des longs courriers. La capitale est donc le point de passage obligé des aventuriers qui rêve de gravir ces sommets. Et c’est naturellement devenu la plaque tournante des petites compagnies nationales qui desservent les très nombreux aéroports d’altitude comme Jomsom pour les Annapurna, ou Lukla pour l’Everest. Ces aéroports d’altitudes soumis aux caprices d’une météo difficilement prévisible, permettent aux marcheurs d’atteindre le lieu de début de leur trek et d’éviter ainsi plusieurs jours éprouvant de trajet. L’aéroport de Jomsom illustre bien cette situation, situé à la fin du trek des Annapurna, un dizaine de compagnies font quotidiennement la liaison avec Katmandu. Les vols l’hiver sont très limités, et l’été, la mousson ne permet pas de prévoir les vols avec exactitude. Il est d’ailleurs conseillé aux marcheurs de prévoir quelques jours de battement au cas où les conditions météo empêcheraient les machines de prendre l’air. Mais quand celles si sont favorables, il peut y avoir jusqu’à un décollage et atterrissage toutes les 20 minutes. A part l’aéroport de Katmandu, il ne faut pas compter sur un ILS pour les approches, pas plus que sur la longueur de la piste. Dans le cas de Tenzing-Hillary celle-ci fait 460 mètres et se termine dans le vide.
A quelques rares exceptions, toutes les machines faisant ces trajets sont des bimoteurs type Islander ou Twin Otter. Des avions conçus pour des conditions d’utilisations… disons rustique. Les terrains sont très rudimentaires. Les pistes sont courtes, et les installations plus que sommaires. Il n’y a pas vraiment de fouilles, pas de portiques détecteurs de métaux, et l’affichage des vols, quand il y en a un, est écrit à la craie. Une illustration parfaite de la rencontre entre Rien à voir avec nos aéroports occidentaux.
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La tour de contrôle de l’aéroport d’Humde. Juste devant on distingue l’aire de stationnement qui de part ses dimensions est en mesure d’accueillir deux petits bimoteurs type Twin Otter, ou deux hélicoptères. Des traces d’huiles ont été relevé à cet endroit, preuve du passage d’une ou plusieurs machines. Les sommets derrière la tour s’élèvent à 4 950m. |
L’aéroport de Humde est un autre exemple, une belle surprise, et un indicateur de la situation géopolitique. Situé au fond d’une vallée sur le circuit des Annapurna, Humde est un petit village situé a 3 353 mètres d’altitude. Le village se compose d’une dizaine de maisons encore habitées, de 4 “lodges” plus rustique les unes que les autres, et de deux petits magasins. La piste, initialement en herbe, a été goudronnée en 2014. La pompe essence est état de marche, tous les matériels nécessaires au terrassement et au déneigement sont là. La tour de contrôle, sa station météo et ses équipements radio ne sont pas de toute première jeunesse mais sont opérationnels. Il y a même un baraquement qui sert de dortoir et de lieu de vie pour un éventuel personnel basé à plein temps sur le terrain. Un éventuel personnel, car l’activité est plutôt faible. A l’été 2015, il n’y avait aucune trace de gomme résultant d’un atterrissage. Les seuls signes d’activités aérienne viennent de traces d’huile sur le parking, et des centaines de bidons d’huiles utilisés jetés dans un coin de l’aérodrome.
La question du financement se pose dans ce cas. Pourquoi remettre en état un aéroport qui semble si peu servir ? Cela fait partie d’un programme de développement initié par le gouvernement indien, puisque c’est lui qui est à l’origine des améliorations. L’aéroport d’Humde a tout d’un aéroport fantôme. Pourtant, il sert puisqu’il est un point relais pour les hélicoptères des évacuations sanitaires.
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La seul et unique piste, cap 110. Sur la droite, le tracet jaune mène au parking avion. Les sommets en bouts de piste s’élèvent à 4 500m et sont à seulement 3 kilomètres du seuil de piste. La passe quand à elle fait tout juste 1 kilomètre de large. |
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La piste 290. Paysage radicalement différent, et pourtant il s’agit de la même vallée. L’approche en 29 est bien plus tranquille puisque les pitons rocheux ne font que 200 mètres de hauts maximum et sont à environ 2 kilomètres. |
Les randonnées dans les montagnes restent une activité à risques, malgré l’entraînement. Outre les risques propres à la marche, les personnes empruntant ces chemins soumettent leur organisme à rude épreuve : l’eau, le soleil, l’alimentation et l’altitude sont autant de facteurs qui peuvent contraindre aux abandons. Et si cela arrive, que l’on soit en mesure de rejoindre un aéroport ou non, les évacuations sanitaires se font par hélicoptère. Les services népalais ne prennent pas en charge ce type de missions, et la factures auprès de compagnies privées est alors à la charge du blessé.
Après, pour ceux qui n’ont ni le temps ni l’envie, presque toutes les compagnies locales proposent des vols pour survoler les hauts sommets. Les vols durent en moyenne une heure et permettent de voir d’en haut ce que d’autres voient d’en bas et mettent plusieurs semaines à parcourir. Pour reprendre notre premier exemple, l’aéroport de Jomsom n’est qu’à 20 minutes de vols de Katmandu (alors qu’il faut au mieux deux jours par la « route » pour relier les deux points), et les vols qui survolent le massif partent de la capitale.
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Un DHC-6 Twin Otter de la compagnie Nepal Airline en courte finale piste 20 sur l’aéroport de Kathmandu. |
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Allignement des machines de plusieurs compagnies locales desservant les petits aéroport du territoire népalais, un matin de mousson sur l’aéroport de Kathmandu. Le sol détrempé par les pluies ne facilite pas les manoeuvres au sol, aussi bien pour les taxis que pour le personnel. |
L’accident survenu le 4 mars 2015 est symptomatique des conditions de vol dans le pays. Un A330 de la Turkish Airline est sorti de piste. Parmi les 224 passagers, il y eut un blessé. Le rapport d’accident est toujours en attente, mais les conditions météo; semblent avoir joué un rôle certain. Après cet incident, la seule et unique piste de l’aéroport de Tribhujan a été fermée pendant un temps certain, obligeant les compagnies internationales à se dérouter et a retarder leurs vols. Ouest France estime que 12 000 personnes se sont retrouvées coincé à Katmandu sans possibilité de repartir.
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La courte finale en 20 sur l’aérport de Kathmandu se fait au dessus de la ville. Un bon moyen d’observer la ville, si il fait beau ! |
Malgré de mauvaises conditions générales, l’aviation civile au Népal se porte plutôt bien. La notion de commerce semble prendre le pas sur l’esprit d’aventure parmi les pilotes, mais c’est bien cet esprit qui anime ceux qui voyages par avion. Les conditions sont certes souvent précaires et des accidents arrivent, mais compte tenu du trafic, surtout pendant la mousson, le tableau est loin d’être noir. Cela nous rappelle que l’aviation fut d’abord une aventure.Nous reviendrons très prochainement sur la situation après le tremblement de terre ayant eu lieu le 25 avril dernier, et ses conséquences.
Article rédigé par George De Bonadona