Au cours des derniers mois, trois articles intéressants ont été publiés sur ce blog concernant le remplacement prochain des CF-18 canadiens. L’un vantant le Gripen comme étant le bon choix pour le Canada, le second démontrant les atouts du F-35 comme nouvel avion de chasse, et le troisième, écorchant l’image de ce même F-35. Fait intéressants, tous ces articles rejetaient d’office le Rafale, et ce pour de mauvaises raisons :
Premièrement, il a été dit que le Rafale n’est pas compatible avec de nombreuses munitions U.S. et leurs modes d’opération ; deuxièmement, qu’il n’y a qu’un seul opérateur et troisièmement, ils continuent à assimiler le Rafale comme un « héritier » de l’ère de la « quatrième génération ». Je tiens à démystifier ces légendes urbaines.
Le Rafale utilise déjà plusieurs munitions air-sol américaines (GBU-12,24,49, ainsi que des munitions non-guidées). Plus important, son bus armement est pleinement compatible avec le standard OTAN STANAG 3910/1553.
Par conséquent, il n’y a pas d’obstacle technique à intégrer tout l’armement utilisé par les forces armées de dans l’OTAN. En outre, au cours de l’opération « Harmattan » en Lybie, les forces armées françaises ont utilisé le système sans fil de Raytheon pour intégrer les GBU-49 sur le Rafale.
La France n’est pas impliquée dans le programme F-35, donc les forces armées françaises n’ont pas de plan « B ». Considérant la volonté stratégique de la France en tant que membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU et le Rafale, en tant que vecteur de l’arme nucléaire est inclue dans ce schéma), il sera maintenu comme un appareil haut de gamme.
Récemment, de nombreux signes positifs sont apparus indiquant une conclusion probable rapide dans les négociations longues et complexes du contrat MMRCA, dont l’Inde va acquérir 126 Rafale (+63 options) (2). Déjà un milliard d’euros a été provisionné dans le budget français pour mettre en œuvre le prochain standard F3R devant entrer en service en 2018, et une cinquième tranche de production a été annoncée (18). Dans l’ensemble, l’avenir du Rafale semble radieux.
Quelles sont les exigences opérationnelles canadiennes? Elles sont détaillées dans le document de demande d’information publié par le gouvernement1. (1)
Bien que ce document soit vraiment trop long pour être entièrement étudié ici, six missions principales sont citées : Defense aérienne (Defensive Counter Air DCA), Supériorité aérienne (Offensive counter Air OCA), attaque stratégique, appui aérien rapproché, attaque au sol, soutien tactique aux opérations maritimes (TASMO), et du renseignement, de la surveillance et de la reconnaissance.
Deux situations stratégiques se dégagent :
-Défense de la souveraineté, que ce soit dans les airs, à terre ou en mer. Par souci de simplicité, je vais inclure une capacité stratégique de frappe de représailles en pénétration en profondeur.
-Participation à des missions offensives au sein d’une coalition.
La géographie particulière du Canada (taille énorme, régions éloignées et environnement polaire) dicte certaines des caractéristiques de l’avion :
-Il doit avoir une grande autonomie et une fiabilité élevée
-Le ravitaillement en vol est obligatoire, et la possibilité de ravitaillement entre avions de combat est souhaitable
-La durée de trajet vers la cible est une considération importante au-dessus d’un territoire si vaste, faisant de la super-croisière une capacité incontournable (capacité à maintenir une vitesse supersonique sans l’utilisation de la postcombustion)
-Double motorisation pour offrir un gage de fiabilité accrue face aux ingestions aviaires, et de résilience dans les missions de combat.
-Avec la possibilité d’effectuer des missions longues, une version biplace est préférable.
Facteur 1 : Le coût
Beaucoup de prix incorrects ont été vus dans la presse (y compris en France), mais récemment, le prix de l’avion a été révélé sur le site du sénat français (4), prix incluant la TVA. Pour l’export, le coût d’un avion « prêt à voler » est de 57,5 millions d’euros (83 M$ Cad) pour le Rafale C, et de 61,9M€ pour le Rafale B.
Au cours de l’opération du mali, le coût de l’heure de vol avait été calculé pour un montant de 19 000$ CAD. Le prix étant moindre en temps de paix.
Dassault Aviation est prêt à donner un accès complet aux technologies du Rafale aux canadiens, y compris les codes sources, laissant ainsi au Canada la possibilité de modifier l’avion à leur convenance. Le constructeur a déclaré que le canada serait en mesure de produire entièrement l’avion, et même qu’une partie de la production des Falcon pourrait être déplacée au Canada (5). C’est un point important pour la souveraineté du Canada, en devenant pleinement indépendant (si le pays le désire) des mises à niveau françaises, et décide de l’évolution de ses propres avions par lui-même.
Facteur 2 : Performances
Cinématique :
Opérationnellement, le Rafale est limité à une vitesse maximale de Mach 1.8 (bien qu’il ait (atteint une vitesse de Mach 2+ lors des tests de qualification (15)) et un plafond de 55 000 pieds, ce qui est aussi bien voire mieux que ses concurrents. Son impressionnante agilité, démontrée durant les spectacles aériens est due à la puissance de ses moteurs, et à sa capacité à soutenir des virages sous un facteur de charge de 9G, IL atteint régulièrement 10G durant les vols de démonstration (6). En outre, avec une charge complète externe composé de 6000 litres de kérosène dans ses trois bidons, 4 missiles Air-air Mica, et deux missiles de croisières Scalp (1300 kg chacun), le Rafale est capable de maintenir un facteur de charge continue de 5,5/6G dans ses virages. (7,15)
Fait intéressant, le Rafale a été piloté par plusieurs pilotes d’essais indépendants : Chris Yeo (7), David M. North (15), Pete Collins (8 )et Vianney Riller Jr. (9). Tous ont loué à voix haute ses capacités cinématiques et un système de commandes de vol sans faille. Mais pour un lecteur lambda, la preuve la plus convaincante sur les capacités cinématiques d’avions est certainement une vidéo d’un duel récemment divulgué où l’on peut voir un Rafale dans les basques d’un F-22 en combat aérien simulé (10).
Propulsé par deux moteurs Snecma M88 délivrant 7.5T poussée (avec postcombustion) chacun, le Rafale est capable de monter à 40 000 pieds en moins de deux minutes avec une charge utile donnant à l’avion une puissance de feu incroyable (voir ci-dessous). Pete Collins, pilote d’essai pour Flight International, a cité son accélération comme «brutale», et donne une valeur de 30 Kt/S. -2 Avec un réservoir externe central de 1250L.
Le M88-4E, la dernière version du moteur, est composé d’un alignement de 21 modules remplaçables, facilitant l’entretien. Le nombre élevé de cycles tactique Air (4000) entre les inspections lui donne une excellente disponibilité. Cette modularité et la capacité de réaliser la majorité de l’entretien en première ligne sans la nécessité d’un banc d’essai est due essentiellement au fait que la notion de temps moyen entre deux pannes (MTBF) n’existe plus. Les M-88 ne sont jamais renvoyés chez le constructeur de manière programmée, ce qui augmente d’autant sa disponibilité.
Autonomie et super-croisière
Ces deux capacités sont cruciales pour le Canada compte tenu de la grande taille du territoire du pays. L’autonomie, pour des raisons évidentes, et la super-croisière afin de permettre aux avions d’atteindre la zone opérationnelle rapidement sans utiliser trop de carburant. Le Rafale a un rayon d’action important de 1850 kms (+ temps de patrouille / de combat) dans une configuration de supériorité aérienne(33) et sans ravitaillement en vol. Un vol en super-croisière a Mach 1.4 peut être atteint avec un emport de 6 missiles air-air MICA (13).
Charge utile
De la classe des 10 tonnes de masse à vide, le Rafale a une masse maximale au décollage atteignant 24,5 tonnes (soit une charge utile équivalent à 1,5 fois sa masse à vide, un record du monde pour un chasseur), les charges externes sont réparties sur 14 points d’emport. Parmi ceux-ci, cinq sont des points humides / lourds. Cela signifie qu’il est capable de réaliser une grande variété de missions au cours d’un seul vol : de l’attaque à la mer, à l’attaque au sol, de la reconnaissance et de la défense aérienne.
Au cours d’un exercice Advanced Tactical Leadership Course (ATLC) en 2009, un Rafale “rouge” a tiré six missiles air-sol AASM “HAMMER” et trois missiles de mica sur les avions “verts” en moins d’une minute.
Récemment Dassault aviation a dévoilé une configuration en cours de test, avec 3 réservoirs de 2000L, 6 missiles Air Sol AASM de 250 kg, et 6 missiles Air-air (2 Meteor et 4 MICA) (34). L’ordinateur de bord gérant le pilotage est tellement perfectionné qu’il reconnaîtra automatiquement la charge emportée et adaptera automatiquement les lois de vol de l’appareil. C’est une caractéristique très importante qui implique que l’avion n’a pas besoin d’être reconfiguré au sol en fonction de la mission.
La seconde partie de l’article est disponible ici: Le Rafale, prochain avion de combat canadien ? Partie 2
Liste des sources cités dans les trois parties de l’article:
1- Final Industry Engagement Request: Capability, Production and Supportability Information Questionnaire
2- NDTV: India to finalise Rafale deal this fiscal year: Air Force official
3- ottawacitizen.com: Why Canada Should Buy The Saab JAS39 Gripen E “Next Generation” Fighter
4- Sénat: Projet de loi de finances pour 2014 : Défense : équipement des forces et excellence technologique des industries de défense
5- vanguardcanada.com : Mission satisfaction: Rafale offers proven capability
6- rafalesolodisplay.com présentation “beau temps”
7- flightglobal Test by Chris Yeo
8- flightglobal.com test by Petter Collins
9- defesanet.com.br test by Vianney Riller Jr
10- Youtube: Vidéo Combat BFM Rafale VS F-22
11- ffaa.net Mica EM/IR
12- defense-aerospace.com Fox 3 magazine N° 11
13- wayback.archive.org magazine Fox 3 N° 8
14- Aviation Week 12 juillet 2010
15- AWST 7/5/1999 ; Vol 151 issue 1 p48
16- mbda-systems.com présentation DDM-NG
17- thalesgroup.com présentation Spectra
18- portail-aviation Le Rafale F3R sur les rails
19- fas.org Air Force Aerial Refueling Methods: Flying Boom versus Hose-and-Drogue
20- Blog secretdefense cartons pleins pour le Rafale aux émirats
21- ultimaratio-blog : A French Way of SEAD ?
22- Air&Cosmos 2150, Dec 5th , 2008
23- Thèse : Detection and Jamming Low Probability of Intercept (LPI) Radars
24- cesa.air.defense.gouv.fr Première européenne pour le Rafale : tir “over-the-shoulder” d’un missile Mica
25- Air et Cosmos 2355, April 19th , 2013 p. 28
26- Blog secret défense Libye : quand un Rafale fait les 35 heures
27- 49ème salon du Bourget données techniques du Rafale
28- Defens’aero: témoignage d’un pilote de Rafale au dessus du Mali
29- theaviationist.com Le Rafale en opérations sur le USS Truman
30- portail-aviation: Rapport confidentiel Suisse
31- dassault-aviation.com Magazine Fox Three N° 15 Page 9
32- Graphique évaluation néerlandaire
33- defesanet.com.br Le Rafale progresse vers un succès commercial
34- journal-aviation.com Le Rafale sort l’artillerie lourde
35- Image AEROS
36- safran-group.com Présentation AASM
37- AWST Jan 20th, 2014, p29
38- http://www.air-cosmos.com/defexpo-2014-uk/rafale-looks-to-the-future.html (lien décédé…)
39- Portail-aviation : Visite mindef à Mérignac, remise contrat Rafale Care et F3R
40- Image reconnaissance
41- letemps.ch Rapport d’évaluation suisse
42- Fichier PDF: Plaquette de com Saab: GRIPEN NG FOR THE NETHERLANDS ENHANCED FIGHTING CAPABILITY
43- military.com F-35 Air Combat Skills Analyzed
44- wired.com Pentagon Downgrades Specs for Its Premier Stealth Jet — Again
45- Portail-aviation: Furtif, vous avez dit furtif ? Partie 1
46- portail-aviation: Furtif, vous avez dit furtif? Partie 2 : Mon radar joue à la bataille navale!
47- Portail-Aviation: Programme F-35 : un avion dépendant du F-22
48- AWST February 17, 2014, p42 « Fast and Furious : Pivot to Pacific propels the need for upgraded and agile electronic-warfare systems »
49- aviationweek.com Air Forces Acquiring Fewer Fighters As Prices Rise
50- aviationweek.com Air Forces Acquiring Fewer Fighters As Prices Rise Part1
51- Fichier PDF mbda-systems.com StormShadow
52- theaviationist.com “If we don’t keep F-22 Raptor viable, the F-35 fleet will be irrelevant” Air Combat Command says
53- Fichier PDF thalesgroup.com présentation TopSight
3 Comments
Antoine Romano
On est en droit de croiser les doigts même si le dénouement n'interviendra pas avant un bon bout de temps.
Aero Cubix
Question quel est l'autonomie du gripen et du rafale avec et sans réservoirs ?
Bruno ETCHENIC
Désolé, je n'avais pas vu votre commentaire. L'autonomie est un élément extrêmement complexe à calculer.
Il faudrait opposer chaque avion avec une quantité égale de munition, sur un parcours identique avec exactement le même profil de mission. Chose vraiment compliquée…