En plein débat politique sur le choix du futur avion de combat qui équipera l’armée de l’air canadienne, Le site canadien anglophone Ottawa Citizen a publié plusieurs articles d’opinion écrits par divers spécialistes pro et anti F-35, mais également sur d’autres avions pouvant potentiellement équiper le Canada, comme le Gripen. Le site Internet a récemment publié trois articles écrits par Yves Pagot, avec le soutien du portail des passionnés d’aviation, articles ayant eu tellement de succès qu’il n’était pas juste qu’ils ne soient pas traduits en français. Lien vers l’article original: ottawacitizen.com The Rafale as canadian next fighter Jet Part 3
La première partie de l’article est disponible ici: Le Rafale, prochain avion de combat canadien ? partie 1
La seconde partie de l’article est disponible ici: Le Rafale, prochain avion de combat canadien ? partie 2
Ecrit par Yves Pagot, traduction et adaptation par Bruno Etchenic
Facteur 6 “Battle proven”
De façon aisément compréhensible, les forces aériennes ont naturellement tendance à préférer des avions qui ont démontrés leurs capacités au cours des opérations de guerre.
Le Rafale a été engagé dans trois principaux conflits: l’Afghanistan, la Libye et le Mali. En Afghanistan, il a réalisé de nombreuses missions de reconnaissance ou de support aérien (CAS, Close Air Support) au sein de la coalition, ce qui démontre son excellente capacité à opérer en coopération avec d’autres pays de l’OTAN.
Pendant le conflit libyen, il était le premier sur zone, et a utilisé tout un panel de munitions, et ce plusieurs jours avant les attaques massives de missiles de croisières lancés par les américains et les britanniques visant à la désorganisation et à la destruction quasi-complète de tout le système de défense anti-aérien du pays. Au cours des trois premiers mois, les Rafale ont accumulés 700 sorties pour 3800 heures de vol, tiré 182 AASM, 116 GBU et 10 SCALP. Certains avions ont atteint 35 heures de vol par semaine. La disponibilité moyenne pendant le conflit était de 95%, avec seulement trois mécaniciens par avion -26). En Libye, le Rafale a démontré sa polyvalence, en effectuant une large gammes de missions – interdiction aérienne, frappe au sol, reconnaissance, et supériorité aérienne, parfois au cours une seule et même sortie.
Le conflit au Mali a quant à lui démontré une autre capacité du Rafale, très pertinente pour le Canada: sa capacité à effectuer de très longues missions. Sur un très court préavis, quatre avions sont partis de Saint Dizier en France pour les premières frappes. Ils ont volé pas moins de 9h41mins sur plus de 6000 km. Vingt-quatre bombes ont été délivrées. Il existe un rapport très intéressant de cette mission décrite par un des pilotes (28). Les avions ont décollé de St Dizier (Nord-est de la France), contournée Algérie, ont survolé le Maroc et la Mauritanie, ont frappés des cibles au-dessus du Mali, et ont finalement atterri au Tchad.
Au cours de ces trois opérations, le Rafale a démontré une excellente fiabilité dans les opérations de guerre, sa polyvalence lors d’une seule mission (reconnaissance, air-air et air-sol) et une interopérabilité complète avec d’autres avions de pays de l’OTAN. Il est à noter que le Rafale est le seul avion de combat étranger qualifié pour opérer à partir de porte-avions américains (29).
Une autre considération importante, voire critique est de comprendre les besoins du Canada, qui comprennent, à la fois un avion de supériorité aérienne et un avion d’attaque au sol très flexible, comprenant une suite complète de combat électronique, une suite de senseurs de veille et de recherche infrarouge et une intégration dans un environnement de commandement réseau-centré.
Les autres pays acquéreurs du F-35 ne s’équiperont pas uniquement de F-35, Ce dont personne ne parle au Canada ; mais pourquoi? Ils ont déterminé que le F-35 ne pouvait pas constituer l’ensemble d’une flotte de combat en tant qu’avion unique, et presque tous maintiendrons une flotte mixte, la plupart du temps pour s’assurer la mission de supériorité aérienne, car ce n’était pas un rôle prévu pour le F-35 comme son nom l’indique. Il s’agit d’un Joint Strike Fighter – un chasseur d’attaque au sol commun. Les États-Unis ont le F-22 comme avion de supériorité d’air et sans elle, “une flotte unique de F-35 ne sera franchement pas pertinente. Le F-35 n’est pas construit comme une plate-forme de supériorité aérienne. Il a besoin du F-22 », a déclaré le général Michael Hostage, chef de l’US Air Force Air Combat Command (52).
La Royal Air Force du Royaume-Uni et l’ aeronautica militare italienne, tout en considérant les capacités du F-35, ont prévus de conserver leurs Typhoon. “Le JSF n’a pas de capacité haut de gamme dans le domaine de l’air-air”, selon le colonel Vito Cracas, commandant de la 36e Escadre de chasse de la l’armée de l’air italienne. Nous avons besoin de deux avions ” (49). Le Canada n’a pas d’autre avion pour compléter le F-35, de sorte que la question reste de savoir : à quoi servirait-il d’acheter un appareil très cher, et qui ne peut faire que la moitié du travail, alors qu’un Rafale, avec ses capteurs avancés sa suite de combat électronique, une incroyable agilité et la capacité d’utiliser un large panel de munitions disponibles peut réaliser toutes les missions ?
Facteur 7: facteur de croissance
Le Rafale est un système d’arme en constante évolution. Depuis l’induction de la première pré-version F1, à vocation purement air-air (une présérie visant à combler le vide capacitaire de la Marine nationale avec le retrait des derniers Crusaders devenus totalement obsolètes) en 2001 (opérationnel en 2004), le programme a été beaucoup évolué. L’armée de l’air française a reçu ses Rafale F2, version multirôle avec des capacités air-sol de base. L’induction du standard F3 en 2009 a rajouté les fonction anti-navire, améliorés ses capacités air-sol tout en ajoutant la mission nucléaire.
Le standard actuel est le F3.3 ‘, avec quelques mises à jour mineures à venir en 2015 pour le standard F3.4 (amélioration du système de suivi de terrain, système d’évitement des crashs, gestion de la puissance de freinage d’urgence, etc.) (37). Le contrat pour la prochaine standard F3R a été officiellement remis le 10 janvier 2014 par le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian. Le standard F3R verra en 2018 l’intégration du missile METEOR l’intégration complète de la version à guidage laser de l’AASM HAMMER, l’évolution du radar AESA, de la suite SPECTRA ainsi que d’un nouveau pod de désignation, le mode IFF 5 / S et une nouvelle nacelle de ravitaillement en vol. Encore une fois,il convient de noter la cohérence des évolutions, avec par exemple l’amélioration du radar AESA, dont la portée étendue permettant l’utilisation des missiles METEOR. Les fonctionnalités seront donc intégrées dans un délai compatible avec le développement du missile (38).
Plusieurs études, appelées «Plan d ‘Etude Amont” sont actuellement en cours pour améliorer les capacités du Rafale, en vue de la définition du standard F4 prévu autour de 2023. Bien que les contours exacts de cette évolution future ne soient pas encore défini, les PEA connus donnent une bonne idée de la façon dont le Rafale va évoluer, allant d’une augmentation de la portée du Radar et des différends capteurs de l’avion, ainsi qu’une amélioration du système de combat électronique SPECTRA en anticipation des nouvelles menaces, et des efforts continus pour faire baisser la surface équivalente Radar du Rafale à son minimum.
Difficile de soutenir que le Rafale est un avion sans avenir, comme certains ont essayé de le décrire. Dans les faits, c’est seulement maintenant queles États-Unis se rendent compte que la nature modulaire et l’évolutivité du Rafale est une bien meilleure voie que la voie sans issue de la furtivité physique, selon le directeru de Raytheon Michael Garcia, qui a déclaré récemment que la plupart de la communauté de la défense des États-Unis “a perdu de vue la réalité” à propos de la furtivité. «L’essence de la furtivité est que les cercles bleus [pour la détection et la portée de l’arme] puissent atteindre les rouge avant que les cercles rouges ne puissent les détecter” en ajoutant que le brouillage des capteurs et des armes n’affectent ce calcul … Le niveau de la SER obtenu au moyen des formes et de la structure de l’appareil restera tel quel durant des années… Il est figé dans le temps depuis sa sortie de l’usine “. (50)
La leçon la plus importante à retenir pour les acheteurs potentiels du Rafale, se trouve dans la capacité du GIE Rafale International (Dassault-Aviation, Thales et Snecma) à livrer ces nouvelles capacités tout au long de la vie de l’avion. Au cours des trois premières tranches (ou blocs), toutes les fonctions promises ont été livrées dans les délais et le budget impartis, à partir de dates contractuelles établies avec le gouvernement français. C’est un record inégalé par aucun autre fabricant d’avions de combat.
Conclusion
Tout laisse à penser que le Canada choisira le Lockheed Martin F-35 dans un avenir proche. Cependant, la hausse des coûts a conduit le gouvernement canadien à mettre en place une compétition loyale. Les concurrents sont les F-35, une nouvelle version améliorée du F-18, l’Eurofighter Typhoon, le SAAB Gripen (qui n’a pas répondu au RFI) et le Dassault Rafale.
Le Canada a besoin d’un côté, d’un avion de combat capable de défendre sa souveraineté dans l’air, sur terre et en mer. D’autre part, comme l’histoire récente l’a montré, l’avion choisi doit être en mesure d’effectuer ses missions au sein d’une coalition.
En d’autres termes, la diversité des missions que le futur avion devra remplir plaide en faveur d’un avion réellement multirôle.
La grande taille du pays et le nombre limité d’appareils pouvant être achetés imposent une grande autonomie, une vitesse élevée, avec une bonne charge utile, la capacité d’opérer dans des conditions climatiques extrêmes.
Les théâtres d’opérations probables lors de futurs crises internationales demanderont de bonnes capacités air-sol et une aptitude à travailler dans un environnement chaud, avec une empreinte logistique limitée.
Dans tous les cas, il doit être en mesure de fonctionner dans un environnement hautement connecté (que ce soit le NORAD ou une coalition).
L’avion étant censé être utilisé pendant 40 ans, il doit avoir un bon potentiel d’évolution. Il doit être abordable, avec un coût d’acquisition raisonnable et les coûts de propriété contrôlés. Il est préférable pour le Canada de sélectionner un avion ayant prouvé sa valeur opérationnelle en combat.
Mon opinion sincère est que seul le Rafale est conforme à toutes ces exigences.
Liste des sources cités dans les trois parties de l’article:
1- Final Industry Engagement Request: Capability, Production and Supportability Information Questionnaire
2- NDTV: India to finalise Rafale deal this fiscal year: Air Force official
3- ottawacitizen.com: Why Canada Should Buy The Saab JAS39 Gripen E “Next Generation” Fighter
4- Sénat: Projet de loi de finances pour 2014 : Défense : équipement des forces et excellence technologique des industries de défense
5- vanguardcanada.com : Mission satisfaction: Rafale offers proven capability
6- rafalesolodisplay.com présentation “beau temps”
7- flightglobal Test by Chris Yeo
8- flightglobal.com test by Petter Collins
9- defesanet.com.br test by Vianney Riller Jr
10- Youtube: Vidéo Combat BFM Rafale VS F-22
11- ffaa.net Mica EM/IR
12- defense-aerospace.com Fox 3 magazine N° 11
13- wayback.archive.org magazine Fox 3 N° 8
14- Aviation Week 12 juillet 2010
15- AWST 7/5/1999 ; Vol 151 issue 1 p48
16- mbda-systems.com présentation DDM-NG
17- thalesgroup.com présentation Spectra
18- portail-aviation Le Rafale F3R sur les rails
19- fas.org Air Force Aerial Refueling Methods: Flying Boom versus Hose-and-Drogue
20- Blog secretdefense cartons pleins pour le Rafale aux émirats
21- ultimaratio-blog : A French Way of SEAD ?
22- Air&Cosmos 2150, Dec 5th , 2008
23- Thèse : Detection and Jamming Low Probability of Intercept (LPI) Radars
24- cesa.air.defense.gouv.fr Première européenne pour le Rafale : tir “over-the-shoulder” d’un missile Mica
25- Air et Cosmos 2355, April 19th , 2013 p. 28
26- Blog secret défense Libye : quand un Rafale fait les 35 heures
27- 49ème salon du Bourget données techniques du Rafale
28- Defens’aero: témoignage d’un pilote de Rafale au dessus du Mali
29- theaviationist.com Le Rafale en opérations sur le USS Truman
30- portail-aviation: Rapport confidentiel Suisse
31- dassault-aviation.com Magazine Fox Three N° 15 Page 9
32- Graphique évaluation néerlandaire
33- defesanet.com.br Le Rafale progresse vers un succès commercial
34- journal-aviation.com Le Rafale sort l’artillerie lourde
35- Image AEROS
36- safran-group.com Présentation AASM
37- AWST Jan 20th, 2014, p29
38- http://www.air-cosmos.com/defexpo-2014-uk/rafale-looks-to-the-future.html (lien décédé…)
39- Portail-aviation : Visite mindef à Mérignac, remise contrat Rafale Care et F3R
40- Image reconnaissance
41- letemps.ch Rapport d’évaluation suisse
42- Fichier PDF: Plaquette de com Saab: GRIPEN NG FOR THE NETHERLANDS ENHANCED FIGHTING CAPABILITY
43- military.com F-35 Air Combat Skills Analyzed
44- wired.com Pentagon Downgrades Specs for Its Premier Stealth Jet — Again
45- Portail-aviation: Furtif, vous avez dit furtif ? Partie 1
46- portail-aviation: Furtif, vous avez dit furtif? Partie 2 : Mon radar joue à la bataille navale!
47- Portail-Aviation: Programme F-35 : un avion dépendant du F-22
48- AWST February 17, 2014, p42 « Fast and Furious : Pivot to Pacific propels the need for upgraded and agile electronic-warfare systems »
49- aviationweek.com Air Forces Acquiring Fewer Fighters As Prices Rise
50- aviationweek.com Air Forces Acquiring Fewer Fighters As Prices Rise Part1
51- Fichier PDF mbda-systems.com StormShadow
52- theaviationist.com “If we don’t keep F-22 Raptor viable, the F-35 fleet will be irrelevant” Air Combat Command says
53- Fichier PDF thalesgroup.com présentation TopSight
2 Comments
Fabien Hyvert
Cela fait des années que j'assiste à la guerre des journalistes: les professionnels de l'aviation, qui sont globalement pro-Rafale, contre les autres… qui ne prennent pas le temps de comparer ce qui est comparable.
Mais le grand public a pris l'habitude de regarder des chiffres simples et emblématiques: et il apparaît difficile d'accepter que notre merveille nationale ne fasse "que" mach 1.6 alors que les générations précédentes annoncent gaillardement mach 2 et plus.
Or, si l'on s'en réfère aux tendances du marché, les gros clients que sont les émirats ont manifesté leur désir d'avoir un appareil puissant qui ne soit pas américain: quand l'équipe Dassaut a proposé le très puissant bimoteur mirage 4000, l'Arabie Saoudite s'est intéressée de près à l'affaire, au point de proposer une industrialisation à ses frais car les capacités de vitesse et d'accélération de l'appareil français étant les meilleures du moment (sans électronique embarquée, il est vrai). Et a cause de ce prototype, rejeté par le gouvernement français à cause de sa grande taille, le mirage 2000 a souffert de la comparaison avec ce grand frère fantôme.
L'histoire se répète t-elle avec le Rafale?
Clairement oui.
Les clients étrangers potentiels attendaient l'offre américaine sur le F22 , mais il s'avère maintenant indisponible à l'export. Ils se sont rabattu sur le F35, mais ses performances tiennent dans un mouchoir de poche avec le Rafale, avec moins de capacités air-air et un prix rédhibitoire.
Maintenant que la concurrence européenne, avec un Eurofighter trop spécialisé a aussi abattu ses cartes, et que l'épreuve du feu a validé le concept Rafale, l'image de l'avion va aller en se bonifiant.
Si en plus, les élection en Inde ne compromettent pas les accords préliminaires, ce sera un bonus supplémentaire…
Anonyme
En fait mach 1.8, même si il est vrai quen temps de paix on le limite à mach 1.6 . Pour l'Inde, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'inquiétude à avoir, par contre des délais dus à une enquête "anti corruption" de principe après les élections, il y a des chances…