La comète 67P Chutyumov Gerasimenko dite “Churi” En fait, il s’agit d’un corps très sombre, comme de l’anthracite. |
Nous avions tous les yeux rivés sur les écrans hier après midi en espérant le succès de “l’acomètage” (pardonnez nous ce néologisme) de Philae, le petit atterisseur de la sonde Rosetta sur la comète “Churi”. En effet il ne s’agit rien de moins que de la mission spatiale inhabitée la plus complexe jamais réalisée par l’homme.
Rosetta, du nom de la pierre de Rosette qui permit, ainsi qu’une inscription sur l’obélisque de Philae, à Champollion de déchiffrer les hyéroglyphes égyptiens.
En effet, les comètes sont les objets les plus primitifs du système solaire, de véritables “fossiles”, datant des tous premiers instants de la création de celui-ci.
On espère donc tirer de leurs études de véritables trésors de connaissance quant à la formation du système solaire et, peut être, les origines de la vie. Certains scientifiques considèrent même que l’essentiel de l’eau présente sur Terre serait originaire de collisions avec des comètes.
Malheureusement, les comètes orbitent loin, très loin et… très vite (60 000 Km/h pour 67P à ce moment). Aucun vaisseau actuel ne permet d’en rejoindre et accompagner une. De plus, les comètes suivent des orbites très elliptiques et “dégazent” très fortement (60 Kgs/sec pour “Churi”!) lors de leurs passages proches du soleil et donc leur approche est dangereuse. Il fallait donc que le rendez vous se situe le plus loin possible de celui-ci, de manière à permettre à la sonde d’accompagner longuement la comète et à l’aterrisseur de s’y poser. Rosetta est la sixième sonde à observer une comète, mais la première à se mettre en orbite autour. Il a donc fallu faire appel à la “gravipropulsion” ou assistance gravitationnelle.
Principe de l’assistance gravitationnelle, graphique CNES |
Après son lancement, au cours d’orbites dans le système solaire, à chaque passage près d’une planète, la sonde était accélérée par gravitation (effet fronde). Après plusieurs orbites circumsolaires, la sonde a atteint une vitesse suffisante pour rejoindre la comète 67P
Trajectoire de la sonde Rosetta (en jaune) tirée d’une animation du CNES, A VOIR! |
Lancée le 2 mars 2004, la sonde aura parcouru pas moins de 6,4 milliards de Kms en 10 ans… Pour atteindre un objectif de quelques Kms de diamètre! Finalement, au terme de son long périple, Rosetta atteint son objectif et se met en orbite à quelques dizaines de Kms de la comète.
Mais une surprise de taille attendait les ingénieurs et scientifiques en charge du programme. Loin d’être de forme “patatoïde” relativement lisse comme on aurait pu le penser suite aux observations du satellite Hubble (voire l’illustration ci-contre du noyau de la comète reconstitué en 3D grâce aux observations du satellite, à comparer avec la photo plus haut), Churi présente des formes tourmentées très peu propices à un “acomètage”.
S’en suivra de longues études (plus d’un milliard de possiblités explorées) pour finalement sélectionner un site.
Ce sera le site “J”, surnommé Agilkia (une île proche de celle de Philae sur le Nil), situé sur le petit lobe de la comète. Enfin, le “Go” est donné.
Le 12 novembre, la séquence démarre suivant l’illustration suivante
A 17h03, la nouvelle tombe : Philae a bien atterri sur Churi et commence à envoyer des signaux. C’est en soi un immense succès, une prouesse technologique parmi les plus marquantes de l’histoire de l’humanité!
Malheureusement, Philae devait “harponner” la comète pour s’y maintenir (elle ne pèse que l’équivalent de quelques grammes à cause de la gravité extrêmement faible de la comète) et l’opération ne semble pas s’être déroulée comme prévu. On ne sait pas encore si le sol était trop meuble, ou si l’aterrisseur a “rebondi” avant de se poser, ni quelle est sa position exacte et si elle permettra le déploiement de ses panneaux solaires. En l’état actuel des choses, on sait qu’il s’est bien posé sur le noyau de la comète et qu’il arrive à transmettre des données de façon partiellement satisfaisante. Néanmoins, si Philae n’est pas ancré correctement, il sera impossible de démarrer des opérations de forage qui le repousseraient de la comète.
La pile de Philae lui permettra de fonctionner encore quelques dizaines d’heure, et ses nombreux actuateurs laissent tout espoir de “redresser” le module de façon satisfaisante. L’ESA devrait faire un point en début d’après midi et nous donner plus d’informations.
Mise à jour suite à la conférence de l’ESA :
Philae a légèrement rebondi deux fois suite à un dysfonctionnement de son système de fixation. Le module s’est ainsi retrouvé, en 2h, à environ 1 Km de l’endroit prévu (carré rouge) dans une zone indiquée par le losange bleu.
Cela a eu plusieurs conséquences. Tout d’abord, son orientation n’est pas parallèle à la surface de la comète. Ensuite, il se retrouve dans l’ombre d’une falaise, ce qui limitera son exposition à la lumière solaire à environ 1h30 toutes les 12h au lieu des 6h prévues. Des mesures correctives sont en cours d’ étude, soit pour diminuer sa consommation d’énergie, soit pour tenter de le “redresser” (ou les deux). Une bonne nouvelle néanmoins : tous les organes de mesure semblent fonctionnels (tomographe, caméras, capteurs de champ magnétique etc.)
Voici une image reconstituée du lieu ou serait Philae :
Reconstitution du site d’aterissage de Philae |
A l’ombre de cette falaise :
Site d’aterrissage de Philae. La lumière a été pouséée au maximum , la partie brillante en bas de l’image correspond à une des trois “pattes” de Philae |
14 Comments
Chris
Merci pour cet article très intéressant.
Il est cependant dommage que vous confondiez la masse, qui s'exprime en kilogramme (kg) et qui est invariable quel que soit le lieu où l'on se trouve, avec le poids qui s'exprime en newton (N) et qui dépend de la pesanteur (g).
Autrement dit, la masse de Philae, qui, je crois, est d'environ 100 kg, est la même, qu'elle soit sur Terre ou sur Churi.
En revanche son poids, qui varie selon g, est d'environ 981 N sur Terre (cela peut légèrement varier selon où l'on se situe sur Terre) et, probablement, de quelques newtons sur Churi (j'ignore la valeur de g sur Churi, mais elle doit être très faible) et non de quelques grammes !
Régis Siriaco
En effet cet article est très intéressant, et en ce qui concerne le poids de Philae sur "Churi" il me semble avoir lu que c'est environ 1g.
Samy
La gravité sur Churi est estimée (par simulation) à 10-3 m.s^(-2) (et non g, Chris…Sûrement une petite erreur de fappe car la pesanteur est une accélération). P=m.g donc on peut aussi exprimer g en N/kg
D'ou la comparaison des 1g du satellite pour ses 100kg sur terre, l'accélération de la pesanteur étant 100 000 fois plus petite que sur terre (9,81m.s^-2 souvent ramenée à 10).
Quant au poids du satellite sur Rosetta il est de 100*10^(-3)=0,1N
James
@Chris
Dans l'absolu, vous avez raison. Maintenant, il est plus facile à comprendre pour le commun des mortels, de dire que le poids de Philae sur Churi vaut 2g (comme s'il était sur la Terre) que de dire 0.002*9.81 Newton. o:)
@Samy
Ne pas confondre g (gramme) et g (9.81 m/s2) dans les propos de Chris, autrement dit la gravité sur Churi peut très bien être exprimée en g, comme les accélérations subies par un pilote.
Samy
@James. Soit, mais g c'est pas une unité du système international, dans lequel d'ailleurs le "g" exprime des grammes.
En l'occurence Chris utilise des unités SI pour exprimer le poids, une force en N et la masse en kg, en toute logique il aurait été approprié d'exprimer l'acceleration de la pesanteur g en m.s^-2 ou N/kg
Bref là n'est pas le sujet
Chris
@James
Oui, pour le commun des mortels, vous avez très certainement raison. Toutefois, je me mets aussi un peu à la place des enseignants de physique de nos enfants qui ont entendu à la télévision que Churi ne pesait plus que quelques grammes. Il serait peut-être plus juste de dire que du fait de la faible pesanteur de Churi, le poids de Philae devient équivalent à quelques grammes.
Quant à "g", vous avez parfaitement raison. J'aurais dû préciser plus clairement que "g" ne devait, bien entendu, pas être compris comme étant le gramme ! C'est le problème d'avoir un même symbole pour désigner des choses différentes !
@Samy
Sauf erreur de ma part, il me semble que dans le système international d'unités la masse s'exprime en kilogramme (kg) et non en gramme (g).
Samy
@Chris, en effet, j'ai bien dit que le gramme n'est PAS une unité SI. J'ai juste écrit que g en parlant d'accélération n'était pas une unité SI, et que le symbole "g" signifie "grammes" qui est ce que j'appellerai une unité dérivée/admise SI.
Anonyme
Et donc d'environ 1 gramme-force. Un poids peut s'exprimer dans cette unité. L'article est donc correct.
Banzai Banzinou
Une question sachant que vous avez l'air bien informé.
Sur la photo "officielle" http://www.francetvinfo.fr/image/750p6ph48-28a4/1000/562/5096411.jpg Je ne comprend pas bien ou se trouve la sonde, on dirait que son pied est dans le vide, normal ?
Anonyme
Bonsoir Banzai. Non il y a effectivement un pied dans le vide et la sonde est en position "bancale", ce qui n'est pas normal. Sinon, effectivement sa masse reste inchangée (encore que bon avec la vitesse, mais hein…). J'ai donc corrigé en mettant "l'équivalent". Parler en Newtons aurait certes été plus juste, pardonnez nous nos efforts de vulgarisation qui peuvent parfois nous amener à des imprécisions…
Chris
Oui, cela me semble effectivement plus juste de parler d'équivalence. Je n'ai vu votre correction qu'après avoir écris mon précédent message où je proposais aussi de parler d'équivalence ; je ne peux donc qu'être d'accord avec votre correction !
Vous êtes naturellement totalement pardonné. Il est effectivement parfois très difficile de vulgariser des notions scientifiques sans les déformer. La vulgarisation scientifique n'est pas… une science facile !
Quoi qu'il en soit, encore merci pour votre très intéressant article.
James
Cet exploit est remarquable, bravo aux Européens.
Certains sites et médias ont crié haut et fort que c'est la meilleure performance de l'homme dans l'espace, là je ne suis plus d'accord: Avec les moyens de l'époque, envoyer des hommes sur la Lune et les faire revenir sur Terre avec toutes les précautions liées à la sauvegarde des équipages reste pour moi et pour l'instant le meilleur exploit spatial.
Samy
Je suis tout à fait d'accord !
Anonyme
C'est pour cela que j'ai bien écrit mission inhabitée 😉