Ce samedi 29 juin s’est déroulé sur l’aérodrome de St Dié-Remomeix une commémoration aéronautique locale très particulière. Cette cérémonie portait sur la reproduction du Spad S.XIII de René FONCK, enfant de la vallée surnommé “l’As des As” durant la Première Guerre Mondiale, ainsi qu’une rétrospective sur M. Paul BURRUS, fondateur de l’aéro-club. L’occasion de faire un focus sur l’histoire aéronautique de cette vallée, et sur les possibilités offertes au départ de ce charmant aérodrome de St Dié–Remomeix.
Il était une fois…Saint-Dié-des-Vosges
En avril 1909, les frères BONNET-LABRANCHE et Charles ROUX installent une fabrique d’aéroplanes nommée AVIA (Ateliers Vosgiens d’Industrie Aéronautique) à Saint-Dié-des-Vosges. La proximité d’exploitations forestières et de scieries permet ainsi de se procurer des bois de choix et de longueurs convenables, à moindre coût.
Le 7 avril 1909, Messieurs BONNET-LABRANCHE et ROUX réunissent dans une salle du Grand Hôtel de la Poste les déodatiens intéressés par l’aviation. Charles ROUX fait une brillante conférence sur l’aéronautique et son avenir. Suivra un échange d’opinion sur la façon dont un aéro-club pourrait faire progresser l’aviation. Dès lors, l’aéro-club comprend 32 membres: ce sera la première association de ce genre dans le nord-est de la France. Le 1er mai 1909, l’Aéro-club de Saint-Dié-des-Vosges organise une conférence sur l’histoire de l’aviation depuis ses origines jusqu’aux vols des frères WRIGHT et de FARMAN.
Malheureusement, les ateliers vosgiens ferment le 12 juillet 1910. Ces messieurs, passionnés d’aviation et ardents protagonistes, cherchent surtout à construire et à vendre des appareils à modeste prix. Les acquéreurs devaient achever la mise au point…
Par la suite, un aérodrome fut aménagé sur la commune de Ste-Marguerite, à l’est de St-Dié-des-Vosges. Il perdurera jusqu’à la création de l’actuel aérodrome, situé quelques kilomètres plus loin.
L’aérodrome
La commune de Remomeix, 4 kms à l’est de St-Dié-des-Vosges, accueille l’’aérodrome René FONCK (code OACI : LFGY). C’est un aérodrome civil ouvert à la circulation aérienne publique (CAP) situé schématiquement au centre d’un triangle formé par les villes Nancy / Colmar / Strasbourg. La zone n’est pas contrôlée mais dispose d’une aire à signaux (ASI). Par conséquent, les communications s’effectuent sur la fréquence de 123.500 MHz en auto-information.
L’aéroclub
L’aéro-club actuel apparaît dans les années soixante, avec l’acquisition progressive par un groupe de pilotes de la vingtaine d’hectares de terrain nécessaire. La bande d’envol, dont les travaux débutèrent en 1962, est orientée est-ouest (07/25) et mesurait initialement 600 x 60 mètres. Elle passa à 870 mètres en 1975. Quelques bâtiments annexes apparurent progressivement : atelier, hangars, station d’avitaillement en carburant (100LL), et club-house. La piste est enfin revêtue en dur en 1990.
La période allant de 1965 à 1967 voit se développer une forte activité vélivole. Le premier avion du club fut un Piper J3 de 65 cv. Le parc machine évolua progressivement et à ce jour, il se compose de 3 avions Robin DR400 (F-GCAO, F-GLKO et F-GGJJ) et de 3 ULM (2 Tetras et 1 Zenair). Sur 2018, 150 licenciés ont réalisé environ 1500 heures de vol.
De nos jours, l’aéro-club propose des vols de baptême et de formation avion / ULM en vue de préparer les épreuves du Brevet de Base, du LAPL (Licence de Pilote d’Avion Privé) et du PPL (Licence de Pilote Privé). Des interventions sont également réalisées dans un des lycées de St-Dié-des-Vosges en vue d’aider les élèves intéressés à préparer le BIA (Brevet d’Initiation Aéronautique).
Pourquoi René FONCK ?
Né à Saulcy-sur-Meurthe, non loin de St-Dié-des-Vosges, René FONCK fut “l’as des as” inter-alliés de la Première Guerre Mondiale. En effet, il revendiqua 75 victoires confirmées, auxquelles il faut ajouter 52 autres victoires non confirmées.
Pour rappel, afin d’obtenir confirmation pour une victoire aérienne, il fallait pour un aviateur français avoir :
– le témoignage de trois personnes indépendantes (à l’exclusion des membres de sa propre escadrille).
– le type d’appareil ennemi ainsi que le lieu où il a été abattu,
– la date et l’heure du combat.
Ainsi, toute victoire revendiquée par un pilote ne recevait pas automatiquement confirmation de celle-ci. Les combats se déroulant le plus souvent au-delà du front allemand, la présence de témoins éventuels ne facilitait pas le choses… Alors que toutes les victoires déclarées avaient une existence officielle, seules celles pouvant répondre à ces exigences faisaient l’objet d’une inscription dans les communiqués militaires. Les autres étaient considérées comme « probables derrière les lignes allemandes”.
Les débuts
Initialement pilote d’observation à partir d’août 1916, il intégrera la chasse (escadrille N 103 des « Cigognes ») après avoir obtenu 2 victoires aériennes dans son Caudron G.IV. Pilotant alors des chasseurs Spad (VII, XIII, XII-canon puis XVII avant l’armistice), il fit preuve de qualités incomparables dans l’art du combat aérien.
Conjuguant sa vision acérée, sa capacité à voler haut et son appréciation du tir en déflexion, il ne lui fallait en général qu’une courte rafale pour venir à bout de son adversaire pris par surprise.
Il fut également le recordman du nombre de victoires aériennes en 1 journée, totalisant 6 victoires, notamment, les 9 mai et 26 septembre 1918. Ce record restera inégalé jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. Son plus grand exploit reste le fait de ne jamais avoir été “touché” par un avion ennemi.
René FONCK terminera la guerre avec tous les honneurs, arborant une Croix de Guerre 1914-1918 enrichie de 25 palmes et d’une étoile.
Au vu de ses exploits aéronautiques, et malgré un positionnement politique contesté par certains, il fut décidé d’honorer l’enfant du pays en baptisant l’aérodrome à son nom.
A l’occasion du 50e anniversaire de l’aéro-club de Saint-Dié-des-Vosges et du centenaire de l’aviation, l’aérodrome devient officiellement le 21 juin 2009 “Aérodrome René FONCK“. Une stèle de marbre à son effigie a été érigée à cette occasion, à l’entrée de l’aérodrome. Un meeting aérien (avec notamment les Cartouches Dorées de l‘Armée de l’Air), une exposition automobile et diverses autres festivités complétèrent la journée.
80 élèves en formation “chaudronnerie et structure métallique” du Lycée Georges BAUMONT de Saint-Dié-des-Vosges construisirent une réplique à l’échelle 1 de son avion. Celui-ci, un SPAD S.XIII, orne désormais l’entrée de l’aérodrome.
Les commémorations du 29 juin 2019
Deux commémorations ont eu lieu ce samedi 29 juin 2019, sous une température caniculaire.
La 1ère d’entre elles a été marquée par la pose d’une plaque commémorative en l’honneur des 10 ans de la reproduction du Spad de “l’As des As”. M. Pierre-Alain ANTOINE a présidé cette commémoration. Colonel de l’Armée de l’Air et également enfant du pays, il débuta son parcours aéronautique à St-Dié et totalisa à la fin de sa carrière 6.200 heures de vol. Il pilota au sein de l’Armée de l’Air des F-100 Super Sabre, Mirage III-E, Mirage IV-A et Jaguar. Puis il dirigea les équipes de Présentation de l’Armée de l’Air (EPAA) durant les saisons 90/91/92.
A ce titre, il a commandé la Patrouille de France, l’équipe de Voltige de l’Armée de l’Air (EVAA) (sacrée championne du Monde en 1990 à Yverdon en Suisse sous son commandement) et l’équipe Phénix. 15 parachutistes formaient cette équipe (aujourd’hui dissoute). Ils effectuaient des sauts de vol relatif et de voile contact dans les meetings aériens. Il vola également sur Alphajet, (l’avion n°0 étant celui du directeur) et sur CAP 231 à l’EVAA. Difficile de trouver meilleur CV pour rendre hommage à René Fonck !
La 2e commémoration concernait le club-house, rebaptisé “Espace Paul BURRUS” en hommage au Président fondateur du club. Au vu de son grand âge (99 ans) et des conditions climatiques extrêmes de la journée, il n’a pas pu faire le déplacement depuis Lausanne. Il a été dignement représenté par ses fils Jean-Paul et Christian.
Paul BURRUS naquit à Senones , petite commune située à 20 kms au nord-ouest de St-Dié-des-Vosges. Issu d’une grande famille d’industriels, il intégrera rapidement la chocolaterie familiale basée à St-Dié. Durant la Seconde Guerre Mondiale, il vécut la destruction de la ville par les armées allemandes durant l’été 1944. Il décida alors de participer activement à sa reconstruction.
Dès 1949 et avec ses amis pilotes, il imagina un nouvel aérodrome doté d’une piste plus longue. Un certain temps fut nécessaire pour trouver les terrains appropriés, négocier les rachats et obtenir les autorisations officielles. Enfin, pour permettre à l’aéro-club de garder une totale indépendance vis-à-vis des terrains, il les acheta, et les offrit à la nouvelle association.
En choisissant de célébrer cette cérémonie, le Comité Directeur de l’aéro-club rend ainsi hommage à l’action et la générosité de cet homme investi et passionné.
Voler au-dessus des crêtes
L’environnement de St Dié–Remomeix est taillé sur mesure pour pouvoir apprécier les paysages de la région, sans trop de contraintes. Nous sommes ici sur un terrain non contrôlé, cependant des zones militaires sont opérationnelles dans le secteur, en semaine et sur certains créneaux horaires. Les zones d’approche des aéroports de Strasbourg et de Bâle-Mulhouse, non loin de St Dié, sont également à prendre en compte si vous décidez de venir y faire un vol.
Alignés, prêts au décollage…
Après un décollage dans l’axe, vous mettrez le nez de votre aéronef plein sud-est pour aller admirer les crêtes. Géologiquement, les Vosges sont les restes d’un très ancien massif montagneux qui englobait également la Forêt Noire allemande. Au cours de millions d’années, la zone centrale s’est affaissée pour créer la vallée de l’Alsace. C’est ce que les géologues appellent un fossé d’effondrement, ou Rift. C’est aujourd’hui un relief vallonné qui s’élève progressivement, partant de l’ouest pour arriver sur les points culminants.
Progressivement, la vallée de l’Alsace se détachera sous quelques nuages de saison. La transition s’opère au niveau des crêtes qui offrent un brusque dénivelé, via de superbes falaises, pour descendre rapidement vers une zone moins escarpée. Ce relief très prisé des randonneurs est également très attractif pour les avions, ULM et parapentes… Pilotes et passagers peuvent ainsi découvrir des paysages somptueux en toutes saisons. La vigilance restant de vigueur, il faudra être attentif aux risques de collision ! Autre facteur de prudence dans le secteur : une météo changeante. Les nuages et les turbulences peuvent très vite altérer les conditions de vol et la vallée montante de Gérardmer peut agir comme un catalyseur à précipitations.
Autre atout : le point de vue sur les Alpes Suisses et le Mont Blanc, sites remarquables par temps clair. Après tout, ces sommets ne sont pas si éloignés que ça et ils culminent à plus de 4.000m ! L’hiver est généralement la meilleure période pour les découvrir. Cependant il arrive aussi qu’au cours de la saison estivale, une fois le voile de chaleur dissipé, vous puissiez découvrir la majesté de ces montagnes aux neiges éternelles.
Le choix des lacs à survoler
Ce relief montagneux est également idéal pour découvrir les lacs, petits ou grands, naturels ou formés par un barrage et qui apparaissent au fur et à mesure que vous survolerez le secteur. La neige reste encore présente tard dans la saison (il y a encore quelques plaques en ce début juillet). Il faut retenir que l’énergie hydro-électrique est prépondérante pour l’essor industriel des vallées. Certains lacs ont été aménagés pour la plaisance et les loisirs nautiques (Longemer, Gérardmer, Pierre-Percée) ou enfin pour la pêche. Tous sont recherchés pour leur fraîcheur et le cadre environnant. Vous y verrez aussi quelques zones de tourbières, reconnaissables d’en haut par leurs couleurs et leur végétation particulière (Lac de Lispach).
Châteaux et ruines sur l’Alsace
La région est riche en châteaux et en ruines, essentiellement situés en Alsace. Le plus célèbre d’entre eux est le Haut-Koenigsbourg situé à 10 mn de St Dié. Construit au XIIe siècle, il n’était plus qu’une forteresse délabrée après la Guerre de Trente Ans. Il le resta jusqu’en 1899, quand Guillaume II décida de le rénover. Son nom dont la racine “Koenig” se traduit par roi, définit aussi une place royale, il était donc impensable de la laisser dans un tel état, dans cette région stratégique qui venait d’être annexée !
Le chantier fut mené tambour battant en utilisant des techniques très modernes pour l’époque. Une station de pompage (actionnée par un moteur à essence), une locomotive à vapeur, une broyeuse à grès (actionnée également par un moteur à vapeur) et deux grues mécaniques électrifiées furent ainsi utilisées. Nous étions alors en 1902…
De là-haut, le château veille sur la plaine d’Alsace. Elle est essentiellement viticole de ce côté-ci. Il est le gardien de l’entrée d’une vallée montant sur les crêtes. De nombreux villages typiques et bien conservés sont alors à survoler et à admirer. Vous survolerez notamment des agglomérations dont l’origine remonte au Moyen-Âge, reconnaissables à leurs anciennes murailles et à leurs maisons à colombage.
Enfin, les ruines d’une quinzaine d’autres châteaux sont à observer dans un rayon de 30 kms. Le survol sera à compléter d’une ballade pédestre pour apprécier ces sites remplis d’histoire à leur juste valeur.
Lieux spirituels des environs
Différentes abbayes et monastères sont répartis autour des crêtes vosgiennes. L’édifice le plus connu est le Mont Ste Odile coté alsacien. Aéronautiquement parlant, il évoque tristement l’accident de l’Airbus 320 d’Air Inter en 1992. Situé non loin de l’aéroport de Strasbourg, il surplombe les 1ers contreforts vosgiens au-dessus de la plaine d’Alsace.
Du côté vosgien, la vallée des 3 abbayes est un endroit agréable à survoler. Elles ont été construites à Etival-Clairefontaine (siège des papiers Clairefontaine), Moyen-Moutiers et Senones à partir du Moyen-Âge. L’histoire a quelque peu modifié leur apparence, notamment après la Révolution française, mais elles sont progressivement remises en état et offrent une belle vision de leur splendeur d’antan.
Vous pourrez également survoler quelques particularités, comme ce temple d’inspiration gréco-romaine érigé sur le Donon en 1869. Le secteur du Donon est un très ancien lieu de passage et de culte, datant du néolithique. Différentes fouilles ont été réalisées en ce lieu. Cette curieuse bâtisse fut construite pour y abriter le résultat de ces fouilles.
Mémoire des Guerres Mondiales
De nombreux circuits “de mémoire ” sont présents dans la région, et le ressentiment anti-allemand est resté fort durant de nombreuses années. Le site de Fontenelle décrit les affrontements extrêmement violents et lourds en coût humain qui s’y sont déroulés. Le relief en a été bouleversé mais un grand nombre de vestiges subsistent. Il est néanmoins difficile de les appréhender depuis le ciel. Il vous faudra prendre vos chaussures de randonnée pour les apprécier et les comprendre. Le survol de la Nécropole nationale de la Fontenelle, érigée en 1920 en souvenir des quelques 1.500 soldats morts en 1915 dans les batailles qui se déroulèrent dans la région, reste le point d’orgue de votre navigation.
La Seconde Guerre Mondiale n’a laissé que peu de marques visibles depuis le ciel. Cependant, il est un vestige des horreurs nazies rapidement accessible : le tristement célèbre camp de concentration de Natzweiler-Struthof. Situé sur le Mont du Champ du Feu à 5 mn de vol vers le nord-est. Vous pourrez apercevoir les emplacements des baraquements ainsi que la stèle érigée en souvenir des martyrs exterminés en ce lieu…
Faites votre choix…
Pour conclure ce petit périple, que vous veniez en visiteur depuis un autre aérodrome, ou que vous décidiez de décoller depuis St Dié-Remomeix, la région vous offre un choix de vols aussi large que rempli de souvenirs … Que ce soit pour la nature, les reliefs, ou bien l’architecture patrimoniale, il y en a pour tous les goûts et en toutes saisons. Gardez un œil sur la circulation aérienne et la météo, et votre vol ne sera qu’un enchaînement de plaisirs visuels…
Remerciements à l’Aéro-club de St Dié – Remomeix et son président M. Luc LANCIA pour avoir aider à la rédaction de cet article.