C’est au restaurant de l’Amicale sur le terrain de la Ferté-Alais que nous avions rendez-vous avec Nicole DUROT en ce début septembre. Ce nom ne vous dira sans doute pas grand-chose, mais peut-être avez-vous déjà entendu parler de « La Caryatis » ?
C’est le nom d’artiste d’une passionnée de trapèze qui en a fait son métier, et pas n’importe lequel comme nous allons vous le raconter.
Naissance d’une vocation
C’est en arborant son visage souriant, presque timidement que ce petit bout de femme vient à notre rencontre pour nous parler de la passion qui l’anime depuis son tout jeune âge. Elle nous parlera également des craintes que cette passion a suscité à une période de sa vie et de ses projets.
Nicole se définit elle-même comme étant un femme comme les autres, ou presque… Pourquoi presque me direz-vous ? Simplement parce qu’elle exerce un métier peu commun, celui de trapéziste de l’extrême. Mais nous y reviendrons.
Issue d’une famille originaire du Nord de la France et dont les parents travaillent dans la chaussure, Nicole n’a que 10 ans quand elle évoque avec ses parents, son envie de devenir trapéziste . Seulement il y a un problème, et non des moindres, son père ne l’entend pas de cette oreille, il a d’autres projets pour sa fille.
C’est donc dans la difficulté qu’elle entreprend son parcours de future trapéziste. Pour faciliter les choses, elle bénéficie de l’appui de sa grand-mère qui entretient des relations très proches avec le monde du cirque. C’est grâce à elle que la petite Nicole va voir son rêve s’exaucer. Rien ne sera facile pour elle, elle devra lutter au quotidien pour affirmer la détermination d’une petite fille face à un père intransigeant. Surtout, ne pas accepter les conditions qui lui sont posées.
Elle parviendra malgré tout par son travail acharné et beaucoup d’abnégation, à réaliser son projet, celui de devenir trapéziste professionnelle.
Elle exercera son métier d’artiste durant 20 ans, enchaînant spectacles au cirque Bouglione, dans les cabarets, au célèbre Paradis Latin, participant à de nombreuses émissions de télévision tant en France qu’à l’étranger.
L’accident…
En 1985 au cours d’une représentation, alors que tout se déroulait bien, c’est la chute… Un accident qui aurait pu lui coûter cher.
« J’ai eu beaucoup de chance dans cet accident. J’ai pourtant gardé l’usage de mes bras et de mes jambes…ma carrière professionnelle a brusquement été interrompue… ».
Elle ne fait à l’époque aucun commentaire, aucune interprétation de ce qui lui arrive, c’est pour elle un état de fait. Il faut l’accepter, et surtout rebondir sur l’échec.
A force de volonté, de détermination et de courage, Nicole se remet au travail, grâce à un homme qui ne lui a jamais retiré sa confiance et qui l’aidera à surpasser cette fatalité. Cet homme c’est Joseph Bouglione.
Très vite il va lui permettre de se remettre en piste et affronter à nouveau le trapèze. Cette confiance est récompensée par les progrès que réalise l’artiste, au point que très vite elle va pouvoir enchaîner à nouveau tournées, galas, et spectacles. Les choses repartent, l’accident n’est plus qu’un mauvais souvenir.
Les pionnières
C’est aussi pour elle, le retour aux Smoke Balloonists. Ce spectacle aérien très prisé du public à la fin du XIXème siècle. Cette discipline qui consistait à suspendre de préférence de jolies femmes a une montgolfière. Jolies pour l’attrait qu’elles pouvaient susciter sur le public. La montgolfière était ensuite lâchée jusqu’à atteindre une altitude d’environ 2 .500 pieds (1.000 mètres/sol), d’où l’aéronautiste, c’est ainsi qu’on les surnommait, sautait alors avec son parachute pour atterrir à proximité du public.
Pour la petite histoire, il arrivait que quelques jeunes hommes, qui assistaient au spectacle, trouvant ces jeunes femmes tellement irrésistibles par leur beauté et leur courage, qu’ils les épousaient, mettant ainsi fin à leurs carrières. La plus célèbre d’entre elle était Dolly Shepherd (1887-1983).
Les records
Nicole aurait pu se satisfaire de cette situation et poursuivre ainsi son rêve, mais c’est mal la connaître. Elle envisage maintenant de dépasser encore ses propres performances…qu’à cela ne tienne,
- En juin 1986, elle établit un 1er record du monde, suspendue à 1.000 mètres du sol, sous une montgolfière, et sans aucun dispositif de sécurité.
- En mai 1988, elle dépasse son précédent record du monde, en atteignant 1.265 mètres d’altitude, toujours accrochée à son trapèze sous montgolfière et sans aucun dispositif de sécurité. Le record est homologué au Salon International des Sports Aérien à Lyon.
- En mai 1989, elle pulvérise ses deux précédents records en atteignant 2.200 mètres d’altitude, cette fois son trapèze est accroché à un hélicoptère, et toujours sans sécurité.
- Juillet 1989 au Festival International des Sports Aériens de Béziers, elle bat le record d’endurance trapèze sous hélicoptère, en restant suspendue à son trapèze durant 1h et 32 minutes sans sécurité.
Tous ces records sont homologués dans le Guinness Book des Records, ainsi que par la Fédération Aéronautique Internationale (F.A.I)
La télévision
Pour faire connaître son métier si particulier au grand public, Nicole a aussi participé à de nombreuses émissions de télévision, ce fut le cas :
En juin 1989 dans le Magazine « Ushuaia » de Nicolas Hulot sur TF1, dans le reportage « Le grand Bleu Ciel » elle effectue quelques évolutions et répond aux questions de Nicolas Hulot. En septembre de la même année, le reportage sera diffusé sur les chaînes de télévision japonaises
Dans le magazine « 40 degrés à l’ombre » elle intervient et parle de son métier à Vincent Perrot sur FR3.
En octobre 1989, elle sera l’invité du magazine « Flo » sur la télévision Suisse Romande. Elle effectuera là aussi quelques évolutions en trapèze, suspendue à un hélicoptère puis à une montgolfière.
En janvier 1990, le magazine « Télécaroline » de Caroline Tresca sur FR3 commentera en direct du Festival d’Avoriaz, les évolutions que Nicole effectuera pour l’occasion.
L’émission « Sport 3 » sur FR3 puis France 2 consacreront chacune d’elles 8 mn à Nicole et ses exploits.
Enfin elle participera à l’émission « Drôle de jeux » sur TF1.
Son autre rêve, son école du cirque…
Revenons un instant sur les années 80, Nicole venait d’enregistrer son 1er record du monde. C’est à cette époque que, séduite par le Morvan qu’elle connaît pour y avoir séjourné en vacances, elle décide d’acquérir une vieille maison à Moux-en-Morvan dans la Nièvre, non loin du lac des Settons.
Comme elle se plaît à dire « c’est là qu’est née l’idée de créer ma propre école de cirque ».
Ce grand projet qu’elle doit mener pour réaliser cet autre rêve, elle le mènera comme elle a mené sa carrière artistique, avec courage et abnégation. Car du courage il en faudra pour trouver les fonds nécessaires au financement des aménagements qu’elle a choisi. Équiper les espaces dédiés aux évolutions, modifier la grange, prévoir l’accessibilité des installations et les conditions d’accueil du public, la tâche est ardue, mais pas irréalisable.
Le projet est devenu réalité, puisqu’en juin 2006 « La Bulle Verte », nom qu’elle a donné à son école de cirque, est créée. Elle y reçoit jeunes et adultes valides ou handicapés pour la journée ou pour de courts séjours.
Aujourd’hui Nicole, que rien n’arrête, veut s’attaquer à un nouveau record du monde, celui des 2.500 mètres, voir au delà, suspendue à son trapèze.
Parions qu’elle ira au bout de ce nouveau défi !!
Notre rencontre avec Nicole à la Ferté-Alais en septembre dernier a été l’occasion de réaliser quelques prises de vue durant ses évolutions sous hélicoptère. Pour la beauté du spectacle…