Nous poursuivons nos reportages des Meetings de l’Air, avec celui qui s’est tenu les 30 juin et 1er juillet derniers sur la base aérienne de Nancy-Ochey. Revenons si vous le voulez bien à l’origine de ces meetings…
C’est en 2003 que les premières réunions aériennes organisées par la Fondation des Oeuvres Sociales de l’Air (FOSA) ont vu le jour. Entre le 11 mai et le 29 juin 2003, ce n’est pas moins de 5 meetings auxquels il nous a été permis d’assister dans la même année. Les bases de Châteaudun, Salon de Provence, Cambrai, Évreux et Ambérieu avaient été choisies pour ces premières fêtes de l’Air.
Avec le soutien de l’Armée de l’air et plus largement du Ministère de la Défense, ces rendez-vous de l’aviation nous permettent d’approcher de près des avions de légende d’hier et d’aujourd’hui, civils et militaires, français et étrangers.
Assister à un meeting de l’air permet de rendre hommage aux hommes et aux femmes qui écrivent l’histoire de l’aviation civile et militaire depuis plus de 100 ans. C’est aussi une occasion unique de saluer ces aviateurs des trois armées et de la gendarmerie qui nous protègent 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.
C’est donc sur la base aérienne de Nancy-Ochey que nous nous sommes rendus pour assister à l’un des deux meetings de l’Air de l’édition 2018, après celui d’ Évreux.
Un peu d’histoire sur la base aérienne 133 “Henri Jeandet” qui nous a accueilli durant ces 2 jours, elle est installée sur les communes d’Ochey et de Thuilley-aux-Groseilles au sud de Toul. Elle est une des bases aériennes françaises les plus anciennes, elle abrite la 3e Escadre de chasse, composée elle-même des :
- Escadron de chasse 1/3 Navarre
- Escadron de chasse 2/3 Champagne
- Escadron de chasse 3/3 Ardennes
- Escadron de transformation Mirage 2000D 4/3 Argonne.
Commençons par évoquer l’EC 1/3 Navarre :
Il trouve ses origines dans le groupe de chasse I/4 Navarre de la Seconde Guerre mondiale, une unité reconstituée par les Alliés d’Afrique du Nord, elle était équipée de Republic P47 qu’elle échangera contre des Spitfire MkIX en 1945. En 1950, elle fut cantonnée à Reims où elle devient le 1/3 Navarre.
Le second escadron est l’EC 2/3 Champagne, il trouve ses origines dans le groupe I/5 Champagne de la Seconde Guerre mondiale. Il est l’héritier des traditions et insignes des SPA 67 et SPA 75 de la Grande Guerre. En 1949, il fut cantonné à Reims. Il adopta la nouvelle appellation : Escadron de chasse 2/3 le 1er novembre 1950, d’abord équipé de De Havilland Vampire Mk 5, puis de Republic F-84F et enfin de North American F-100 Super Sabre. En 1961, il rallia une base aérienne allemande où il fut doté de Mirage IIIE. De retour en France en 1967, le 2/3 fut basé à Nancy-Ochey.
Le 3ème est l’escadron de chasse 3/3 Ardenne. C’est à l’issue de tractations durant l’été 1943 entre le Général Valin commandant les Forces aériennes françaises libres du Proche-Orient, et l’Air Chief Marshall Sir Arthur Tedder, commandant les Forces Aériennes de la Méditerranée, qu’est décidé de mettre en place un groupe de chasse chargé de participer à la couverture des côtes de Syrie et de Palestine, équipé de Hurricane IIC. Le GC “Ardennes” voit ainsi le jour.
Le 4ème et dernier escadron est le 4/3 Argone. Il est officiellement constitué le 1er mai 1974 sur la base aérienne 113 de Saint Dizier-Robinson et porte la dénomination d’EC 2/7 Argonne. De 1953 à 1957, il est actif sur des appareils tels que le Republic F-84 Thunderjet, puis mis en sommeil cette même année de 1957. L’Argonne revient sous le nom d’escadron de chasse 2/7 le 1er mai 1974, il se voit équipé de SEPECAT Jaguar et principalement de Jaguar E (biplaces), il participe à partir de 1978, à différentes opérations en Afrique et en ex-Yougoslavie. C’est donc en toute logique que ce patrimoine de traditions est repris aujourd’hui par l’escadron de transformation des équipages Mirage 2000 D (ETD).
Il faut aussi retenir de cette base aérienne de Nancy-Ochey, une tragédie encore présente dans nos mémoires, survenue le 26 janvier 2015, quand sept militaires de la base, dont quatre officiers trouvent la mort sur la base aérienne Los Llanos à Albacete en Espagne, lorsqu’un F-16 de la Force aérienne Grecque s’écrase au décollage.
Dans cet article, bien sur, nous avons voulu vous faire revivre le meeting en lui-même, mais aussi vous présenter le Capitaine Jean-François dit Jeff, officier navigateur, et officier tradition de la base 133, qui a accepté de nous parler de son métier à bord du Mirage 2000D. Jeff est aussi l’auteur d’un livre retraçant l’histoire des hommes de l’Escadrille SPA102, entre 1914 et 1939.
Enfin, nous évoquerons aussi un métier dont on parle peu, mais qui a un rôle, oh combien important sur une base !, celui de fauconnier.
Jeff est en pleine séance de dédicaces lorsque nous venons à sa rencontre, il quitte volontiers son stand et nous accompagne devant son appareil, un Mirage 2000D aux couleurs du 2/3 Champagne. Jeff est aussi connu pour son goût de la relation, allant serrer des mains, saluant les uns et les autres, s’arrêtant quelques minutes pour bavarder avec un ami, une connaissance, ou une personne du public… Vous l’avez compris, Jeff est très sollicité. Il nous aura quand même fallu un bon 1/4 d’heure pour parcourir les 50 mètres qui séparent son stand, de son avion…
Originaire de Saint Germain du Bel Air, il est navigateur depuis 16 ans sur M2000D, comptabilisant plus de 2 500 heures de vol sur avion de chasse et de nombreuses missions dans les récents conflits, qui lui ont valu d’être promu chevalier dans l’ordre de la Légion d’Honneur ce 14 juillet.
Interview du Capitaine Jean-François (Propos recueillis samedi 1er juillet 2018 sur la BA 133)
Campé devant l’avion, il attaque :
Chers amis du Portail-Aviation bonjour, je suis Jean François, navigateur sur Mirage 2000D depuis 2002, je vais donc vous faire découvrir aujourd’hui mon avion et ma mission au sein de l’escadron..
Le Mirage 2000D est la dernière version française des Mirage 2000, il est arrivé à Nancy en 1994, et depuis 2000, nous avons pu voir beaucoup d’évolutions sur la machine, notamment au niveau avionique et armement.
Le Mirage 2000D, D pour “Diversifié”, est composé à l’avant d’un radar qui a une particularité au niveau air-air, il ne peut détecter que jusqu’à 30 km, mais ce n’est pas ce qu’on demande à notre avion. En revanche il peut faire de la pénétration basse altitude tous temps, et là notre radar va avoir une performance particulière, comme celui du Mirage 2000N. C’est à dire que couplé au pilote automatique, il va permettre de voler à très basse altitude, de l’ordre de 100 mètres, à des vitesses rapides, de l’ordre de 980 km/h, et ceci sans que le pilote ne touche les commandes. On va pouvoir le faire dans les Alpes aussi bien que dans le Massif central, de nuit ou par temps de brouillard.
Le ravitaillement
On peut découvrir à l’avant de l’appareil une perche de ravitaillement, mais comme vous êtes des passionnés, vous savez déjà tous que notre avion peut être ravitaillé en vol. Ce ravitaillement se fait à une vitesse de l’ordre de 300 noeuds, c’est à dire à peu près 580 km/h, sur des avions français achetés aux américains, comme le KC-135, ou bientôt le MRTT, mais nous ravitaillons également sur des avions anglais, ou d’autres nations. Ces procédures sont standardisées de façon à ce que tous les avions de l’OTAN puissent ravitailler sur n’importe quel avion de réapprovisionnement de l’OTAN.
Le poste de pilotage
Ensuite nous avons les postes du pilote et du navigateur. Dans notre formation et dans la vie de tous les jours, nous mixons les pilotes et navigateurs. Quand nous sommes dans des exercices d’ampleur de type Maple Flag ou Red Flag (1), ou sur un théâtre d’opération, le couple pilote/navigateur reste le même de façon à connaître les réactions de l’autre et d’être beaucoup plus efficace pendant le vol. Quand nous sommes en instruction, nous cherchons à apprendre les uns des autres, et donc nous devons nous adapter à chaque vol, au comportement des autres membres d’équipage.
Vous remarquerez sur le cockpit, et sur les verrières, des lignes transparentes, c’est la chaîne pyrotechnique (2) qui nous permet en cas d’éjection, de sortir de l’avion. Pendant une phase d’éjection, le pilote possède à l’avant, un sélecteur qu’il positionne sur “biplaces” qui fait que si un des deux membres d’équipage tire sur la poignée d’éjection, les deux membres d’équipage seront éjectés de l’avion. Ce sera tout le temps le navigateur qui sera éjecté le premier, puis le pilote. En effet, si le pilote est éjecté tandis que l’avion avance, quand le navigateur sortirait de l’avion, il finirait en marmelade, écrasé par le siège du pilote qui passerait au-dessus. Une fois que l’un des deux a tiré sur la poignée d’éjection, tout ce qui est classifié dans l’avion est automatiquement effacé. Les verrières sont fragilisées, le siège est désolidarisé de l’avion et on a un tube qui commence à faire lever le siège, tandis que des fusées sous l’avion, projettent le siège hors de l’avion. La partie saillante que vous voyez au-dessus du siège sert à faire éclater la verrière, et les sièges vont sortir hors de l’avion en deux temps, et à gauche pour le navigateur et à droite pour le pilote.
Une fois qu’on est hors de l’avion, il y a un baromètre dans le siège qui analyse l’altitude à laquelle nous sommes. En effet, si le pilote est libéré trop tôt du siège, il n’a plus d’oxygène, une petite bouteille située sur le côté du siège permet d’alimenter le pilote en oxygène. Si on n’avait pas cette alimentation d’oxygène, en haute altitude, il y aurait alors un risque d’hypoxie, c’est à dire une perte de connaissance, voir la mort par manque d’oxygène.
Une fois que cette capsule autorise le pilote à être libéré du siège, il y a cette séparation siège/pilote, le canot pneumatique qui est installé sous le siège se déloge et se gonfle, ainsi que du matériel de survie de type scie, couteau etc… En plus, différents parachutes vont s’activer. Un parachute déployé au début de l’éjection nommé parachute extracteur, suivi d’un parachute stabilisateur qui va éviter que le pilote ou le navigateur ne tourne sur lui-même pendant la phase de descente, et enfin le vrai parachute qui peut avoir 4 couleurs, blanc pour le camouflage en montagne, jaune pour le camouflage dans le désert, vert pour le camouflage européen, et enfin orange pour se signaler auprès des forces.
Notre avion est limité à mach 1,5, quand nous avons des emports comme les bidons de carburant, nous sommes limités à mach 0,95. Ces bidons nous permettent de doubler la capacité en essence. En effet, dans le fuselage et dans les ailes nous avons 3,5 tonnes de pétrole, grâce aux bidons, nous montons à 6,2 tonnes de carburant.
Le navigateur
Le Mirage 2000D comme le 2000N, a un pilote et un navigateur, ce dernier également appelé navigateur officier système d’armes a plusieurs rôles. Lorsqu’on effectue des missions de pénétration à basse altitude, le pilote est concentré sur son pilotage, car il faut imaginer qu’à 540 noeuds, soit près de 990 km/h et à une altitude de 100 mètres, son attention soit portée sur le relief, et les zones à éviter.
Le navigateur à l’arrière écoute les diffusions de l’Awacs (3), l’ avion qui va détecter les systèmes sol-air et air-air de l’ennemi, il va calculer au niveau pétrole, si la mission est réalisable, et va être chargé de respecter un timing sur l’objectif, car il faut savoir que parfois jusqu’à 20 avions doivent aller sur le même objectif dans un créneau d’une dizaine de minutes, et seulement 1 à 2 minutes sont allouées à une patrouille pour tirer son armement.
Dans les phases de haute altitude, il y a un support de troupes au sol. Grâce à un pod laser, le navigateur va surveiller autour des forces alliées, les éventuels mouvements de troupes ennemies et va instaurer un dialogue avec le “Getac” (4) et le personnel au sol qui a reçu la formation nécessaire pour dialoguer avec les équipages. Ensuite, durant la phase où on délivre les munitions, le pilote se charge d’exécuter cette phase, en appuyant sur le bouton qui va faire partir les munitions, le navigateur a lui la mission d’illuminer la munition jusqu’à l’impact avec la cible.
Les traditions
Comme vous pouvez le voir sur la dérive de notre avion, les traditions sont quelque chose de très important encore de nos jours. En haut vous pouvez voir la cigogne appelée “Cigogne de Navarre” de la SPA 67, escadrille qui a été créée en 1915, et qui a beaucoup combattu sur le front de Verdun. , elle compte parmi ses As, Jean Navarre également appelé “l’incomparable” ou “la sentinelle de Verdun” qui a été le 1er pilote cité au communiqué.
En dessous vous voyez l’insigne du soleil de Rhodes de la SPA 102. Cette escadrille qui s’appelait VB102 en 1915 a fait partie du raid qui a effectué le 1er bombardement stratégique sur Ludwishafen en Allemagne. C’était un exploit pour l’époque et ça l’est toujours aujourd’hui, imaginez 18 avions, 18 Voisins bombardiers qui sont partis du plateau de Malzeville pour aller faire un aller/retour, une navigation de 6 heures, le tout en décollant à 3 heures du matin, en allant délivrer leurs munitions de 90 et 155 mm en plein milieu des lignes ennemies, sur les usines BASF fabriquant du gaz moutarde. Il n’y eu une qu’une seule perte durant cette mission qui fut un réel succès.
Ensuite nous avons le charognard de la SPA 75. Cette escadrille créée en 1916 à Lyon-Bron est venue en Lorraine à Luneville, puis à Verdun et s’est spécialisée dans le combat contre les Drachen, ces dirigeables qui venaient bombarder les villes françaises. Parmi les As de cette escadrille on compte Antoine Laplace, et William Hérisson.
C’est pour ça qu’aujourd’hui vous pouvez voir sur notre avion cette peinture commémorative qui a été réalisée en l’honneur de nos As, et de tous les mécaniciens et pilotes qui ont volé avec nos armoiries.
Le peintre aéronautique
Nicolas Sauvage qui est navigateur à la SPA 102 a créé les 5 peintures, des 5 escadrons fêtant leurs anniversaires, c’est à dire l’escadron de chasse 1/3 Navarre, 2/3 Champagne, 3/3 Ardenne, 4/3 Argonne et de l’ESTA Malzeville (Escadron de Soutien Technique Aéronautique). Afin de rappeler également les équipages des Couteau Delta, il a mis sur chacune des 5 peintures, leur symbole que vous connaissez tous, de façon à ce que quand la patrouille fait ses présentations, elle soit à l’honneur sur les Mirage 2000.
Nous finissons cet interview non sans avoir vivement remercié le Capitaine Jean-François “Jeff” pour sa disponibilité, sa gentillesse, et la qualité de son intervention, .
Le fauconnier
N’est pas fauconnier qui veut ! Les maîtres du domaine sont les dépositaires d’un art plusieurs fois millénaire inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2010. Nous allons à la rencontre de Ioann qui nous décrit l’utilité d’employer des rapaces sur une base aérienne.
« On entre en fauconnerie comme on entre dans les ordres », confie Ioann Latscha. « C’est une passion qui vous dévore 365 jours par an. », (L’Est Républicain).
Pour vous parler de l’importance du rôle de fauconnier au sein d’une base aérienne, nous avons demandé à Ioann de nous raconter son métier, ce qu’il apporte aux pilotes et leurs avions, mais surtout sa passion pour ces rapaces dont il est le dresseur et son métier qu’il effectue chaque jour avec attachement.
Interview de Ioann Latscha (Propos recueillis par Patrick Bertaux photographe de l’équipe du Portail-Aviation le 30 juin 2018 sur le BA 133)
Pour clôturer cette journée passée sur la base aérienne de Nancy-Ochey, nous tenons à remercier encore une fois le personnel de la base et les officiers et officiers supérieurs pour leur accueil, la possibilité qu’ils nous ont donnée de réaliser ces 2 interviews dans les meilleures conditions possibles.
Pour finir cet article et immortaliser ces avions, hélicoptères, leurs pilotes, navigateurs et mécaniciens qui ont évolué durant ce dernier meeting de l’année 2018 organisé par la FOSA, nous vous faisons partager quelques une de nos réalisations faites durant ces deux journées de fête aérienne.
Il va sans dire que nous nous réservons d’ores et déjà pour les prochaines éditions des Meetings de l’Air qui nous ravissent et nous permettent de rencontrer des hommes et des femmes d’exception.
À l’année prochaine…
(1) Exercices permettant à plusieurs pays alliés de s’entraîner ensemble et à évoluer dans un environnement de combat moderne.
(2) Une chaîne pyrotechnique se compose d’un système d’allumage, d’un système de transfert du feu et finalement d’une charge explosive permettant l’éjection du siège et du pilote.
(3) AWACS pour Airborne Warning And Control System) ou système de détection et de commandement aéroporté (SDCA, en français), est un système de stations radar montées sur des avions de guet ou des hélicoptères qui peuvent surveiller un vaste espace aérien et servir de postes de commandement pour les opérations aériennes ou de lutte anti-aérienne.
(4) Les appareils durcis Getac donnent accès aux ordres du commandement, aux communications tactiques, au renseignement et à la documentation technique en temps réel, même sur la ligne de front, sans jamais tomber en panne.