Non, Curiosity n’a pas confirmé la présence de vie sur Mars, en tous cas pas cette fois-ci. L’annonce de cette semaine par la NASA est un nouveau pas vers la réponse que beaucoup se posent depuis des décennies : Mars abrite-t-elle ou a-t-elle abrité la vie ?
Cette question, d’autres chercheurs se la posent pour une autre planète de notre système solaire : Vénus. En effet, depuis plusieurs années, une équipe du Centre de Recherche de la NASA à Langley (Virginie, USA) travaille sur un concept qui permettrait d’aller étudier de plus près cette voisine de la Terre. Dénommé HAVOC (High Altitude Venus Operational Concept), la mission consisterait en un déploiement d’un dirigeable dans la haute atmosphère de Vénus. Et si Vénus attire autant la curiosité de la NASA et des équipes scientifiques en général, c’est parce que beaucoup estiment que Vénus a, elle aussi, pu accueillir la vie. Actuellement, les conditions à sa surface sont peu propices au développement de la vie : quelques 455°C et une pression 90 fois supérieure à celle de notre planète bleue, sans parler des nuages d’acide sulfurique.
Néanmoins, cette planète, équivalente en termes de masse et de taille à la Terre, est l’une des plus chaudes du système solaire, dû à sa proximité du soleil et à un effet de serre renforcé par les fameux nuages d’acide sulfurique. Certains scientifiques estiment ainsi que Vénus a pu être la première planète habitable du système solaire. David Grinspoon, astrobiologiste au « Planetary Science Institute » à Tucson en Arizona va même plus loin. Il considère que Vénus a pu être hospitalière durant plus de la moitié de sa vie. D’après lui, il est donc statistiquement probable que la vie ait pu y naitre, toutes les conditions ayant été réunies pendant un laps de temps important. Il explique ainsi « If Venus didn’t have life, then we really don’t understand why Earth has life ». Que l’on peut traduire par « Si Vénus n’a jamais accueilli la vie, alors nous ne comprenons vraiment pas comment la Terre l’a pu ».
Vénus a ainsi pu être la première planète habitable du système solaire, les conditions n’y ayant pas toujours été si rudes. C’est précisément cette ambiguïté entre la vie passée et actuelle de Vénus qui intéresse les scientifiques. Par l’étude de Vénus, les scientifiques espèrent pouvoir mieux comprendre comment identifier des planètes ayant accueilli ou pouvant accueillir la vie. De plus, la proximité et la ressemblance de cette planète avec la Terre la rendent extrêmement intéressante aux yeux de la communauté scientifique. Et la proximité de Vénus donne des idées d’exploration aux équipes de la NASA.
En 2015 déjà, la NASA avait exposé son idée : envoyer un dirigeable habité de deux astronautes dans la haute atmosphère de Vénus. Compte tenu des conditions climatiques complexes en surface de Vénus, l’idée est de stationner un aéronef dans la haute atmosphère (48km de la surface). A cette altitude, les conditions sont nettement plus clémentes : température de 77°C, pression, densité et gravité équivalentes à celles que l’on trouve sur Terre. D’autre part, le dirigeable dispose de deux énormes avantages : sa transportabilité (un dirigeable souple se déployant par gonflage), et son endurance (un dirigeable pouvant flotter de nombreux jours sans nécessiter d’énergie, si ce n’est pour se déplacer). Depuis 2015, plusieurs études sur la faisabilité technique ont permis d’étayer la vision de la NASA, et le concept est désormais bien avancé :
Le voyage serait composé de deux capsules (dont la taille est estimée à 30m de long tout de même). La première contenant le vaisseau destiné à être déployé sur Vénus, et la seconde contenant les deux passagers. Les deux capsules se dirigeraient et se placeraient en orbite de Vénus. Ce périple est estimé à une centaine de jours par les scientifiques, à condition d’utiliser une puissante fusée, similaire au Space Launch System actuellement en cours de développement.
Une fois en orbite, les deux capsules se connecteraient afin de transborder les astronautes du vaisseau de transport au vaisseau contenant le dirigeable. Dès lors, le vaisseau contenant le dirigeable et les astronautes plongerait dans l’atmosphère de Vénus, le second vaisseau restant en orbite. La vitesse de chute est estimée à quelques 25 700 km/h (soit 21 fois la vitesse du son dans l’air). Un parachute permettrait de ralentir la chute jusqu’à une vitesse de 145 km/h. A cette vitesse, la capsule éjecterait sa charge, et le dirigeable se déploierait par gonflage de l’enveloppe.
Une fois déployé, le dirigeable croiserait à 48 km de la surface de Vénus, au-dessus des nuages sulfuriques et durant 30 jours. A cette altitude, la température externe est de 77°C, la pression, la gravité et la densité sont similaires à celles rencontrées sur Terre. De plus, l’épaisseur de l’atmosphère protégerait les astronautes des radiations.
Le dirigeable, de type souple, aurait ainsi une enveloppe de près de 130m de long, gonflée de 76 000m3 d’hélium. Il disposerait de moyens de propulsions alimentés par des panneaux photovoltaïques, de gouvernes, d’une capsule de vie et de pilotage, et d’une fusée de retour au vaisseau orbital.
Après 30 jours d’exploration, une fusée se détachant du dirigeable propulserait les astronautes jusqu’en orbite de Vénus, puis s’arrimerait au vaisseau orbital. Ce dernier entreprendrait alors le voyage retour, qui est estimé à 300 jours, concluant ainsi un voyage total d’environ 450 jours. Si les temps de voyage sont si courts, c’est essentiellement dû au fait que Vénus est située moitié moins loin que Mars.
Ce concept, qui peut sembler futuriste, ou tiré d’un roman de science-fiction, soulève effectivement quelques questions quant à sa faisabilité. Tout d’abord, la NASA va devoir trouver un lanceur capable d’extraire les deux capsules de l’attraction terrestre, ou bien faire appel à deux lanceurs simultanés. Le SLS en cours de développement devrait a priori répondre aux spécifications des capsules Vénusiennes. D’autre part, les capsules en elles-mêmes posent problèmes. Ce sont des vaisseaux spatiaux habités, destinés à être opérer durant plusieurs centaines de jours. Une telle longévité n’a jamais été éprouvée pour un vaisseau habité. De plus, ces vaisseaux devront être capables de s’arrimer l’un à l’autre à plusieurs reprises, et pour l’un des deux, il devrait pouvoir encaisser une chute à une vitesse vertigineuse dans l’atmosphère de Vénus. Enfin, le dirigeable reste aussi un système très complexe, de par la phase de déploiement, ainsi que par l’environnement dans lequel il devra évoluer. Le transport de l’hélium reste aussi problématique. Même sous sa forme liquide, l’hélium gazeux nécessaire représenterait un volume et une masse conséquents.
Bien évidemment, la NASA est consciente de ces divers freins, et propose plusieurs étapes dans le processus d’exploration de Vénus : en débutant par une exploration robotique, puis une mission orbitale habitée de 30 jours autour de Vénus, suivie par la mission d’exploration habitée dans l’atmosphère de Vénus (d’abord de 30 jours, puis d’un an), et enfin l’établissement d’une base habitée en permanence.
Quand bien même la NASA disposerait des moyens lui permettant d’atteindre Vénus, elle annonce que la conquête Vénusienne par l’Homme ne se fera pas avant plusieurs décennies. De quoi lui laisser le temps, ainsi qu’aux autres agences spatiales et sociétés privées d’atteindre sa voisine rouge.
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Thibault Proux
One Comment
Sylvain PASSEMAR
Bonjour,
Merci beaucoup pour cet article.
C’est très intéressant, et c’est peu traité par d’autres sites d’aviation.
Sylvain PASSEMAR.