Bonne nouvelle pour la société française FLYING WHALES, ainsi que pour l’ensemble de l’industrie naissante du dirigeable français !
Bpifrance a en effet annoncé aujourd’hui le financement à hauteur de 25 millions d’euros par le Programme d’Investissements d’Avenir du programme de dirigeable de transport de charges lourdes LCA60T (Large Capacity Airship – 60 tons) développé par FLYING WHALES.
Ce financement, piloté par le Secrétariat général pour l’investissement et opéré par Bpifrance, entre dans le cadre de l’appel à « projets de R&D structurants pour la compétitivité ».
Cette somme est partagée entre FLYING WHALES et ses cinq partenaires historiques, l’ONERA, REEL, Zodiac Aerosafety Systems, Tecalemit Aerospace et Epsilon Composite. Ces cinq partenaires participent aux différentes études et aux développements d’équipements et de systèmes dans leurs domaines d’excellence respectifs.
« Nos partenaires ont fait preuve d’une grande audace et d’une créativité hors-pair. Cette mise en commun de savoir-faire et d’ingénieries de pointe a permis de mettre en place un programme intrinsèquement atypique et ambitieux et de faire émerger une solution unique » explique Sébastien Bougon, Président de FLYING WHALES.
Ce financement public s’ajoute à l’actionnariat privé déjà en place : l’Office National des Forêts, la Région Nouvelle Aquitaine, le groupe aéronautique chinois AVIC… se sont effectivement engagés sur le long terme pour financer le programme LCA60T tout au long de son développement.
Pour rappel, le LCA60T est un dirigeable à structure rigide, capable de transporter 60 tonnes en soute (75m de long, 8m de large et 8m de haut) et sous élingues pour les charges utiles les plus volumineuses. Ayant la capacité de décoller et atterrir verticalement et assurant les chargements / déchargements en vol stationnaire (tel un hélicoptère), cet aéronef permet de s’affranchir des infrastructures de transports conventionnelles (ports, routes, rails, aéroports…). Le premier et principal marché visé par cet aéronef est celui du débardage et du transport de grumes pour le compte de l’Office National des Forêts. D’autre marchés sont aussi ciblés, tel que le transport de pales d’éoliennes, de maisons préfabriquées, ou encore de conteneurs.

« Certes, c’est un projet extrêmement innovant, porté par une petite structure – FLYING WHALES – mais ses responsables ont su rassembler autour d’eux plusieurs leaders de l’aéronautique française et des investisseurs internationaux », explique Catherine Borg-Capra, directrice des filières industrielles à la direction de l’Innovation chez Bpifrance.
Abdelkader Berkane Krachai, Responsable sectoriel Industrie chez Bpifrance, ajoute : « le projet LCA60T envisage de créer une solution de transport nouvelle dont le cadre réglementaire reste à construire. FLYING WHALES a su partager sa vision stratégique en fédérant des partenariats industriels et académiques avec des expertises reconnues pour l’atteinte de ces objectifs ambitieux.»
Aujourd’hui située dans de nouveaux locaux à Suresnes, l’entreprise compte près d’une cinquantaine d’employés. Avec un objectif de premier vol en 2021 pour une entrée en service en 2022, l’ambitieux projet est toujours à la recherche de talentueux(-ses) ingénieur(e)s.
Ce nouveau financement public constitue une nouvelle marque de confiance de la part des autorités publiques envers ce projet d’envergure.
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Thibault Proux
8 Comments
Paux-Courrouges
Depuis que le Hindenburg a pris feu à son escale new-yorkaise, il y a plus de 80 ans, des “inventeurs” sont venus réguliérement présenter de nouveaux projets prétendument révolutionnaires de plus léger que l’air, et quémander des fonds pour leur développement. Tous se sont plantés, le dernier en date étant le groupe britannique qui avait récupéré un prototype de dirigeable, abandonné par ses promoteurs militaires: L’engin se crashant à son premier vol. Le principe d’Archimède, combiné aux densités de l’hélium ou de l’hydrogène, fait qu’il n’est pas possible pour un plus léger que l’air d’égaler la charge marchande d’un avion cargo gros porteur du genre 747 sans atteindre des dimensions d’enveloppe qui posent problème, en particulier vis à vis de “phénomènes météorologiques”, pluies, vents, orages, et réduisent considérablement la fiabilité et la flexibilité du système. On peut par ailleurs mettre en doute la taille du marché pour de telles machines: Si elles étaient la panacée pour l’exploitation forestière, comment expliquer que personne n’en utilise, même pour les gigantesques forêts des montagnes d’Oregon et Washington.
Thibault PROUX
Bonjour, merci pour votre commentaire. En tant que fervent partisan de ces aéronefs, je me sens obligé de vous répondre. Vous avez raison de mettre en question la compétitivité du dirigeable par rapport à l’avion, et de mettre en avant les limites opérationnelles des dirigeables (vents, conditions météo…). Je répondrai simplement qu’effectivement le dirigeable est limité dans son opérabilité, et n’égale pas les gros porteurs plus lourds que l’air en terme de charge utile. L’énorme avantage qu’apporte le dirigeable, c’est sa capacité à charger et décharger en vol stationnaire, à la manière d’un hélicoptère, sans nécessiter d’infrastructure au sol (contrairement à l’avion … qui a besoin d’une piste au point départ et au point d’arrivée). Enfin, en ce qui concerne l’argument du “si ça marchait, on l’aurait déjà fait”, j’ai envie de vous répondre que cela est parfaitement contre-productif. Les échecs des projets précédents sont essentiellement dus à une absence de marché initial. Je vous invite à lire les quelques 50 articles que j’ai publié ces 2 dernières années concernant les dirigeables. Vous vous rendrez compte qu’aujourd’hui nous avons non seulement les moyens technologiques pour développer des aéronefs beaucoup plus fiables (et d’anticiper la météo), mais surtout que les marchés évoluent et que de nouveaux business apparaissent.
Thibault
Paux-Courrouges
Je vous cite : “L’énorme avantage qu’apporte le dirigeable, c’est sa capacité à charger et décharger en vol stationnaire, à la manière d’un hélicoptère” .
Justement, l’hélicoptère existe. Et certains, comme le Mi26, peuvent héliporter jusqu’à 26 tonnes. , mais il est très rare que cette capacité soit exploitée, On ne voit donc pas vraiment pourquoi ce marché s’ouvrirait brusquement le jour où l’on remplacerait ces hélicoptères par des dirigeables.
En ce qui concerne l’évolution technologique, elle est certainement plus rapide pour les concurrents que pour le dirigeable: le drone est ainsi en train de se substituer aux divers projets militaires de dirigeable d’observation à poste fixe en altitude. Et si l’anticipation météorologique peut conduire à garer ou écarter un dirigeable lors de l’approche de perturbations potentiellement dangereuses, et ainsi éviter des accidents, ce n’est pas elle qui lui permettra – pour tenir l’horaire comme c’est devenu impératif en logistique – d’affronter ces perturbations pour déposer sa charge par vents de 25 noeuds.
Thibault PROUX
Bonjour, certes 26 tonnes au grand maximum en regard de plusieurs dizaines pour le dirigeable, mais surtout à quel prix ? Aujourd’hui la logistique de transport est limitée par les moyens existants. Tout est développé pour être transportable par conteneur, par la route ou pour ne pas dépasser les limites de charges des hélicoptères (plutôt 5 à 10 tonnes en moyenne, les MI-26 ne courent pas les rues) et encore une fois à quels prix ! Le dirigeable de transport de fret se place à la croisées des performances de tous ces moyens de transport, avec en ligne de mire le coût (oui il faut être compétitif). En ce qui concerne l’évolution technologique, c’est justement l’apport de capitaux privés et publics qui permettent de lancer des programmes industriels et de recherches. Il y a beaucoup de sociétés qui s’intéressent à des technologies applicables au dirigeable dans un futur plus ou moins proche. Ce qui est certain, c’est que les technologies d’aujourd’hui permettent d’envisager des performances inespérées il y a quelques dizaines d’années. Et pourquoi pas un dirigeable dronisé ? La technologie “drone” n’est qu’un moyen de laisser les pilotes au sol (télé-opération) voir de s’en affranchir (autonome). Là encore, plusieurs projets (dont français) planchent sur l’application de la technologie “drone” au dirigeable. Enfin, concernant les conditions météo, il faut bien reconnaître que les dirigeables sont et resteront plus sensibles que les plus-lourds-que-l’air, mais là encore les puissances embarquées et les technologies de contrôle n’ont plus rien à voir avec les dirigeables d’antan. Vous preniez l’exemple d’Airlander, qui est en phase d’essai en vol… je vous réponds d’aller faire un tour à Friedrichshafen voir les Zeppelin NT qui volent depuis plus de 10 ans sans accidents, ou d’aller voir les Goodyear aux USA qui volent depuis plus de 60 ans… Les dirigeables ont des limites, certes, mais apportent et peuvent apporter des solutions à des applications, des marchés qui justifient largement leurs développements.
Thibault
Paux-Courrouges
>> Bonjour, certes 26 tonnes au grand maximum en regard de plusieurs dizaines pour le dirigeable, mais surtout à quel prix ? Aujourd’hui la logistique de transport est limitée par les moyens existants. <<
Ce n'est pas 26 tonnes au grand maximum, les Soviétiques ont fait la démonstratiion d'hélicoptères de 100 tonnes d'emport. Si cela n'a pas eu de suite, c'est sans doute qu'il n'y avait pas de besoin réel de déplacement vertical de telles masses. Même de la part des pétroliers, qui payent rubis sur l'ongle n'importe quel prix pour desservir leurs plateformes. Je me souviens des "études de faisabilité" pour le projet allemand de Cargolifter géant: Il était argumenté que gràce à lui on pourrait hisser des cuves de centrale nucléaire en altitude. A quoi bon, grands dieux? Quand on connait les besoins en refroidissement des bestioles, il n'y a guère que les bords de mer ou de grands fleuves où les exploiter. Le tout était à l'avenant, sans aucune application concrète et prouvée. Le projet s'est d'ailleurs, et pour d'autres raisons, monstrueusement planté, engloutissant les économies de pas mal d'épargnants.
Soyons charitables et ne parlons pas d'Airlander, limitons nous aux Zeppelin: La seule tâche qu'ils maitrisent, c'est de faire faire des tours de lac – de Constance – à 3 ou 500 mètres
d'altitude à des groupes de 12 ou 14 touristes. Avec une résonance relativement positive, les Allemands ayant une dévotion pour le Zeppelin dont ils têtent la légende avec le lait Milupa, le vol en dirigeable est pour beaucoup d'entre eux le couronnement de toute excursion à son berceau de Friedrichshafen. Mais ailleurs? On a prêté des engins, pour tester la formule, par exemple au Japon ou aux Etats-Unis, ils ont tous été retournés, parfois un peu cassés, avec un petit mot "Merci bien, mais ça marche pas chez nous". Et côté économique, c'est pas la joie non plus, les NT couvrent leurs coûts directs d'exploitation, mais rien de leurs coûts fixes ni leurs amortissements.
Thibault PROUX
“Les Soviétiques ont fait la démonstration d’hélicoptères de 100 tonnes d’emport” Pardonnez mon manque de connaissances mais je n’ai jamais rien vu ou entendu de tel. Je suis intéressé d’en savoir plus. Concernant Cargolifter et le Zeppelin NT, ils étaient/sont sur des marchés bien distincts. Ne confondez pas le transport de passagers (ZNT), qui implique des certifications bien plus complexes, et donc un coût à l’achat et à l’exploitation bien plus élevés, et le transport de fret. En ce qui concerne FLYING WHALES, je peux vous assurer que les leçons ont été tirées des précédents et actuels projets; l’avenir vous prouvera que des marchés que seuls les dirigeables peuvent adresser existent.
Je vois à cet échange sans fin que vous avez manifestement une grande connaissance du sujet, peut-être pourrions-nous échanger directement ?
Thibault
Paux-Courrouges
Je m’étais mal exprimé: L’hélicoptère birotor Mil V12 de 1969 avait un MTOW atteignant cent tonnes. Comme charge, il pouvait emporter plus de 40 tonnes à 2200 mètres d’altitude, hors effet de sol donc, et soulever 50 tonnes en stationnaire/sur distances “hectométriques” à proximité du sol.
Les Soviétiques, chez qui ce ne sont pourtant pas les régions inaccessibles qui manquaient, ont préféré privilégier le développement d’une machine de capacité sensiblement inférieure, le Mi 26, de 57 tonnes MTOW et 22 tonnes de charge marchande dans ses dernières versions. On peut supposer que le “marché” pour le transport de masses plus lourdes était trop faible pour justifier la production en série d’une machine de capacité double.
De fait, si l’on en croit les résultats de l’interrogation d’entreprises françaises dans le cadre de l’étude d’un dirigeable pour charges lourdes et encombrantes (2003), personne n’a identifié directement de besoin réel pour de tels transports, et répondu “Tope là, c’est exactement ce dont j’ai besoin!”. Les réponses tenaient beaucoup plus du “Oui, éventuellement, peut-être”, sans permettre d’identifier plus avant les capacités requises, ni de définir de cible-type: 50 tonnes, 100 tonnes, 500 tonnes? Sur 1 kilomètre, sur 500 kilomètres, sur 5000 kilomètres? L’un mentionnait certes le transport vers la Chine de roues de turbines hydrauliques, mais pour constater en même temps a) qu’il n’y en aurait plus guère besoin à l’avenir, les sites s’y prêtant ayant tous été équipés, et b) que vu le coût de ces pièces, il n’était pas sûr qu’on les confierait à des engins susceptibles de se dégonfler trop souvent et intempestivement.
A la même époque que celle de l’étude, l’industrie allemande, pourtant très exportatrice de pièces lourdes, n’avait identifié aucune lacune dans ses moyens logistiques qui eût justifié de poursuivre le développement du Cargolifter pour fortes charges.
Ce qui conforte mon opinion: que les missions de transport ad hoc de charges dépassant les capacités de l’hélicoptère lourd ne représentent qu’un marché excessivement limité, d’autant plus limité que l’avion propose à très bas coûts des charges marchandes dépassant 135 tonnes (sur 9000 kilomètres!) et/ou des volumes suffisants pour des pièces aussi encombrantes que des élements de fuselage de gros porteur (cf 747-8/Beluga/Antonov).
En matière de potentiel messageries, la réponse est simple. Imaginez vous FEDEX ou UPS annonçant à Apple que les 250.000 Iphone11 promis pour Noel n’arriveront qu’après Noel, avec une semaine de retard, à cause du vent sur l’Arabie? Non? La cause est entendue: toute la logistique d’aujourd’hui repose sur le just in time. Pas forcément rapide, mais toujours à l’heure promise. Et là le dirigeable aura toujours de gros problèmes. Ajoutons, pour faire bonne mesure, qu’il est hors de question pour un gros logisticien d’entretenir une plaque tournante spécifique pour chaque mode qu’il met en oeuvre, et de trier les “colis dirigeable” séparément des “colis air cargo” qui formeront toujours l’essentiel de ses volumes. L’ennui, c’est que les opérations aériennes des dirigeables sont quasiment incompatibles avec celles d’un aéroport…
Pour le transport de passagers je pense qu’il n’y a plus aucune bourgade au monde ne disposant pas encore d’une piste susceptible d’accueillir au moins un Twin Otter ou similaire. pour un vol vers un aéroport d’où il y aura, en une, deux, trois ou quatre étapes, des correspondances vers le reste du monde, atteint endéans trois jours.
Alors, quel potentiel pour un dirigeable? Nul! Hors les circuits sightseeing de trente minutes avec quinze pekins à bord…
Je concède en revanche qu’il y aura également le potentiel des “blimps”, ces petits dirigeables d’une dizaine de places, pour lesquels WDL a je crois succédé á Goodyear, et qu’on utilise pour flasher des pubs sur leur enveloppe les jours de grandes manifestations sportives ou de grands salons en extérieurs. Quand il fait beau!
Concernant votre proposition, pourquoi pas, mais si la discussion devait s’avérer intéressante, pourquoi ne pas en faire profiter tout le monde?
Rolland
Bonjour, intéressante discussion.
J’en reprends quelques éléments qui concernent de nombreux pays d’Afrique, n’ayant ni route carrossable et ni entretien du réseau existant que ce soit route avec/sans asphalte ou piste aérodrome.
Je verrai bien des dirigeables cargo qui soulageraient sur 200/300km des routes nationales vétustes où il faut plus d’une dizaine d’heure pour relier des ports économiques depuis les lieux de production.
Les points positifs sont :
– rapidité -3h
– pas besoin d’infrastructures car décollage vertical
– moins de consommation qu’un hélicoptère ou camions (selon rapport conso/tonnage)
– etc.
Reste à voir l’amortissement CAPEX, car OPEX c’est entendu.
Cordialement