Dans le cadre de l’externalisation des missions d’entraînement, des compagnies privées américaines pourraient bientôt annoncer le rachat d’avions type Eurofighter Typhoon tranche 1 auprès de l’Autriche.
Rappel des faits
L’Air Combat Command a diffusé un marché ADAIR (Adversary Air Services) en juillet dernier sous forme d’une pré-sollicitation. D’une durée de 10 ans, ce marché estimé à plus de 6 milliards de dollars vise à externaliser les missions d’entraînement au combat aérien à vitesse supersonique (et DACT) auprès d’entreprises civiles. Le Pentagone juge cette manière de faire comme étant moins onéreuse pour l’armée.
L’USAF affiche bien dans ses effectifs des Aggressor Squadrons, mais le nombre de ces derniers est en décroissance constante. Cela est-il dû entre autres aux difficultés rencontrées par l’USAF pour recruter des pilotes ? Toujours est-il que ces “Aggressors” civils pourront travailler en collaboration avec les Aggressor Squadrons.
Mission : agresseurs
La création d’unités “Aggressor” répond au besoin de former les pilotes au combat dissymétrique (ou DACT : Dissimilar Air Combat Training). Initialement, il était d’usage que des pilotes d’un type d’avion s’entraînent entre eux, mais le résultat fut la non-préparation de ces pilotes à affronter des avions aux performances différentes.
Les américains en firent l’amère découverte une 1ère fois au début de la 2e Guerre Mondiale. Face au Mitsubishi A6M, aucun des appareils alignés (P-40, F4F, etc.) ne pouvait rivaliser ! Il fallut en urgence élaborer des tactiques spécifiques pour que les pilotes américains aient une chance de s’en sortir. Mais l’évolution de cette guerre fit qu’à un moment l’expérience et la chance prirent le pas sur les enseignements techniques. En effet les avions étaient trop nombreux pour qu’une quelconque tactique de groupe puisse fonctionner. La Guerre de Corée entérina le sentiment de suprématie aérienne de l’USAF. En effet, elle obtint un score de 11/1 dans les duels opposants F-86 Sabre et MiG-15. Devant un tel succès, difficile de réclamer des améliorations.
Les mentalités évoluèrent durant les 20 années qui suivirent la fin de la 2e Guerre Mondiale, mais à contre-sens. Les performances des jets et de l’électronique embarquée firent que les stratèges estimèrent révolus les combats aériens de type dog-fight (combat tournoyant). L’heure était aux missiles guidés ! Cet état d’esprit aboutit notamment à la fiche-programme du Mc Donnell-Douglas F-4 Phantom II, avion de combat aérien dépourvu de canon…
Mais encore une fois, la guerre ne se déroula pas comme prévue. Au-dessus du Vietnam, les américains durent faire face à des avions aux performances différentes des leurs, armés de canons. Les règles d’engagement (pas de tir de missile sans acquisition visuelle préalable) et l’efficacité toute relative des 1ers missiles (type Sparrow ou Sidewinder) n’aidèrent pas non plus. Au final les pilotes américains se trouvèrent bien dépourvus face aux maniables MiG-17 et 21. L’excellent score de 11/1 de la Guerre de Corée chuta à 3/1 au sein de l’US Navy. L’US Air Force frôla même le 1/1…
L’US Navy prit alors le taureau par les cornes et créa le cursus “Top Gun”. Des A-4 Skyhawks et des F-5 Tiger II trouvèrent là une 2e vie sous forme de plastrons. Ils permirent aux pilotes de ré-apprendre “le combat-canon” : savoir exploiter les qualités manœuvrières de son appareil. De retour au front, les 1ers équipages formés ainsi obtinrent d’excellents résultats. Ceci acheva de convaincre l’US Air Force, pourtant désireuse de marquer sa différence avec l’US Navy, à lui emboîter le pas.
Diverses bases accueillirent ce nouvel enseignement : entre autres Miramar puis Fallon pour l’US Navy, Nellis et Eielson pour l’US Force. Nellis hébergea également à partir de 1975 les exercices “Red Flag” destinés à créer des situations très proches du combat réel, au sein d’un immense polygone de tir.
Au niveau des montures, les A-4 et F-5 / T-38 des débuts furent rapidement complétés par des IAI Kfir israéliens (rebaptisés F-21 pour l’occasion) et même par des MiG récupérés discrètement de par le monde. Les années passant, des F-15/16/18 sont maintenant en ligne, arborant des livrées typiques très colorées.
De coupes budgétaires en recherche d’améliorations (tant financières que techniques), le Pentagone en arrive alors au choix de privatiser une partie de ces plastrons. 7 Sociétés Militaires Privées (SMP) vont ainsi se partager une enveloppe de 6,4 milliards de dollars pour participer à l’entraînement des forces aériennes américaines. Pour une durée de 5 ans, ces SMP auront à fournir des prestations dans les domaines de l’appui aérien rapproché, la guerre électronique, le combat aérien ou encore le ravitaillement en vol. Parmi les sociétés retenues se trouvent ATAC, Draken International, Top Aces, Air USA, Tactical Air Support, Blue Air Training et Coastal Defense Inc. .
ATAC est peut-être la plus connue en France, ayant racheté 63 Mirages F1 retirés du service par l’Armée de l’Air. Ces derniers, jeunes retraités depuis 2014, avaient quitté rapidement Châteaudun pour être remis en état au sein de la SABCA en Belgique. Ils voleront de conserve avec leur cousin Kfir “F-21”, dérivé du Mirage III.
Draken International dispose également de Mirage F1, mais d’origine espagnole. Ils côtoieront également un autre “cousin” : l’Atlas Cheetah, variante modernisée du Mirage III développée en Afrique du Sud dans les années 1980.
Top Aces et Air USA disposent quant à eux d’Alphajet. A noter que cet avion joue déjà le rôle de plastron en France. Acquis en Allemagne et fortement améliorés, ils opéreront aux côtés de F-16A.
Enfin, Air USA proposera un peu plus d’exotisme en faisant voler des MiG-29 provenant directement d’un pays de l’ex-Union soviétique.
Le malaise des Eurofighter Typhoon tranche 1
De même que notre Dassault Rafale, l’Eurofighter Typhoon est entré en service dans une version qui ne reflétait pas les ambitions techniques initiales. Restrictions budgétaires et planning industriel ont abouti à la fabrication de 148 exemplaires de la tranche 1. Ces avions sont limités à l’emploi de missiles air-air courte portée. Ils possèdent également des capacités air-sol très limitées avec l’emploi des seules bombes lisses ou à guidage laser.
Le principal souci de cette tranche concerne son architecture. Cette dernière ne permet pas de réaliser une simple mise à jour. En effet il ne subsiste que très peu de points communs entre le T1 et les modèles T2/T3. Des reprises structurelles majeures sont inévitables mais l’addition totale rend l’opération peu intéressante. Autant racheter des exemplaires neufs des tranches suivantes !
Ce qui pourrait n’être qu’un épiphénomène pour une grande force aérienne prend une dimension plus contraignante pour une petite. C’est le cas de l’Autriche dont les capacités ne reposent que sur 15 exemplaires de cet avion.
Issus d’un contrat datant de 2003, ces avions traînent une histoire sulfureuse et peu enviable :
- 1ère évaluation donnant le Boeing F/A-18 Hornet gagnant,
- 2e évaluation donnant ensuite le Saab JAS-39 Gripen gagnant,
- Typhoon Eurofighter tranche 1 finalement retenu sur pression du Chancellier allemand Schröder,
- Coûts d’exploitation exorbitants,
- Disponibilité toute relative (police du ciel effective uniquement le matin),
- Poursuites judiciaires entamées par Vienne contre Airbus D&S et Eurofighter pour fraudes présumées liées à leur acquisition,
- Acceptation par Airbus d’une procédure de rectification fiscale en Allemagne concernant cette vente d’avions de combat.
Du fait de son petit format, le sort de la force aérienne autrichienne n’est pas enviable. Le projet de remplacer ces avions est d’ailleurs sur la table.
Mais des forces aériennes mieux loties cherchent également à s’en séparer. L’Italie, partenaire historique d’Eurofighter, équipée de 28 Typhoon T1, en a proposé des exemplaires d’occasions à la Bulgarie, et l’Espagne, autre pilier du consortium, équipée de 19 Typhoon T1, vient également d’en proposer en occasion, mais cette fois à la Colombie. L’offre est remarquable dans le sens où elle fait face au Typhoon T3, proposé neuf par l’Allemagne…
Une ré-orientation d’emploi opérationnel ?
La perspective de rachat de ces Typhoon T1 auprès de ces SPM pourrait donner une excellente porte de sortie pour l’Autriche. D’autres pays pourraient éventuellement tenter d’en profiter. Bien entendu, la question du montant d’une telle transaction reste primordiale mais pour l’instant complètement inconnue.
En tout état de cause, la pertinence aérodynamique de ces avions les rend tout à fait crédibles pour des rôles air/air. N’ont-ils pas donné du fil à retordre il y a quelques temps à des F-22 Raptor lors d’exercices réalisés en Alaska ? Même si leur architecture interne semble peu évolutive, nul doute que des pods adaptés puissent compenser ce manque. Ils pourraient alors être amenés à un haut niveau d’efficacité et tenir la dragée haute aux différents pilotes de l’US Force…
Rêvons maintenant un peu avec un soupçon de chauvinisme… Si ces SMP recherchent vraiment un appareil très performant, qu’elles viennent voir du côté du Rafale ! Mises à jour faciles, même pour les anciennes versions (les 1ers F1 viennent d’être mis au standard F3 dernièrement), performances aérodynamiques élevées et même supérieures au Typhoon… Mais comme le marché de l’occasion est vide il faudra commander des appareils neufs !
One Comment
Aubert
Bonsoir, Message au rédacteur :
A-t-on des nouvelles concernant la possible vente d’EF2000 d’Airbus à… la Turquie ? En effet, avec la situation actuelle en ukraine et le rapprochement Grèce/turquie qui en découle, les USA ne s’opposeraient peut-être pas à la vente (et même l’Allemagne). Sauf à ce que les USA changent leur fusil d’épaule et acceptent la vente de F16 Viper de dernière génération. Alors, quelles infos ??
PS : je reconnais que je suis peut-être pas dans la bonne rubrique…